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sur 268 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
En 1937, le journaliste Ulys Massey et le photographe Clay Havens parcourent le Kentucky à la recherche d'un sujet de reportage. Les habitants d'un village isolé des Appalaches leur signalent une famille à la peau bleue, discrètement installée au coeur de la forêt. Alléchés par le scoop, les deux hommes se retrouvent rapidement face à un dilemme : oseront-ils révéler au monde l'existence de ces gens, qui tentent tant bien que mal de se faire oublier pour échapper aux persécutions de leurs voisins ? le cas de conscience dépasse bientôt Clay, tombé amoureux de la fille aînée Jubilee…


L'auteur s'est inspirée d'un fait réel pour imaginer cette histoire. A partir de 1800 et pendant près de deux cents ans en effet, une famille vivant en vase clos dans les collines du Kentucky s'est transmise, de génération en génération, le gêne de la méthémoglobinémie qui, par un défaut d'oxygénation du sang, bleuissait leur peau sans autre signe clinique. L'explication génétique et le remède ne furent trouvés que dans les années soixante, laissant dans l'intervalle ces hommes et femmes bleus dans une situation d'extrême isolement moral et social.


C'est ce dernier aspect du sujet, développé avec la même violence qui sévit alors largement contre les Noirs dans une Amérique raciste aux préjugés ancrés, qui constitue l'intérêt majeur du roman. La communauté villageoise réagit avec toute sa peur d'une différence inexpliquée et n'hésite pas à exprimer sa haine dans d'indicibles déchaînements. Ne reste à Jubilee et aux siens que la discrétion d'un effacement au sein d'une nature foisonnante, évoquée avec lyrisme, notamment au travers des prises de vue d'un photographe qui nous fait partager sa passion de l'image. le récit est aussi l'occasion d'un embryon de réflexion sur le rôle des media et le droit à la discrétion. Dommage toutefois que la romance, si jolie soit-elle, vienne globalement trop s'imposer, volant quasiment la vedette aux thèmes de fond de ce livre, et les noyant dans un déluge de bons sentiments.


Le vallon des lucioles est au final une lecture agréable et prenante, sur un sujet original et intéressant, malheureusement traité sur un mode trop complaisamment romantique pour convaincre totalement.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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En 1937, deux jeunes hommes, sont envoyés dans le cadre du New Deal, réaliser un reportage dans un endroit très isolé des Appalaches.
Heavens est photographe et Massey , journaliste.
Ayant entendu l'expression "raton bleu"lors d'une discussion avec quelques autochtones, , ce dernier flairant un bon article, presse Heavens de l'accompagner. Et ce qu'ils découvriront va dépasser leur entendement.
[ D'ailleurs, le mien aussi ! ]
Un frère et une soeur, littéralement BLEUS, vivant complètement à l'écart de la ville, afin de se protéger de la méchanceté de certains habitants .
Piqué par un serpent, Heavens va être soigné par la famille, tisser des liens avec Jubilee, la splendide jeune fille dont il va très vite tomber amoureux. Massey, lui, ne voyant dans cette hospitalité qu'une occasion d'inspirer confiance afin de décrocher LE scoop, et ainsi lancer leurs carrières.
Hymne à la différence, racisme, intolérance, drame humain, nature , ruralité, photographie, et surtout : une magnifique histoire d'amour, voilà ce que vous trouverez dans ces pages sur deux temporalités : 1937 et puis 1972 (lorsque Heavens ,un peu plus âgé, recevra une visite...
C'est l'histoire d'un coup de foudre, et j'ai presque envie de parler d'apprivoisement, de fascination...
Deux mondes qui se télescopent ..
La sensation première que j'ai ressentie tout du
long, c'est l'étonnement...
Etonnement , parce que je n'avais jamais entendu parler de personnes bleues, malgré toutes mes lectures américaines. Etonnement parce qu'inspirée de faits réels.
Je pense que c'est à cause de cela que je n'ai pas réussi à rentrer complètement dans cette histoire , je n'ai jamais dépassé cette sensation.
De très belles choses pourtant sont à retenir : des personnages très touchants, une nature presque virginale et puis , la vision d'une Amérique sous un angle différent...

Un grand merci aux Editions du Seuil, et à Babelio pour cette découverte et bravo pour cette magnifique couverture si bleue...
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En 1937, pour promouvoir le politique du New Deal du président Roosevelt, la Farm Security Administration envoie des binômes photographe/journaliste aux quatre coins des Etats-Unis. Il s'agit de montrer l'Amérique profonde dans toute sa misère afin d'inciter les donateurs à délier les cordons de leurs bourses. Pour Clay Havens, le photographe détenteur d'un Prix Pulitzer et Ulys Massey, le journaliste, ce programme est une aubaine pour se refaire une santé financière et, pourquoi pas, trouver LE sujet qui les rendra célèbres. Envoyés à Chance, Kentucky, petit village des Appalaches, les deux hommes ont vent d'une activité très secrète pratiquée par la population locale : la chasse aux ratons bleus. Plus qu'intéressés, Havens et Massey décident de creuser l'affaire et se rendent dans le vallon des lucioles. C'est là que vivent les Buford, une famille stigmatisée, ostracisée, persécutée car certains de leurs membres naissent avec la peau bleue. Tandis que Massey jubile à l'idée de tenir le scoop de sa vie, Havens rechigne à exposer la vie de cette famille dans un journal. Il faut dire qu'il est irrémédiablement tombé sous le charme de Jubilee, la fille bleue des Buford.

Même si c'est, a priori, très surprenant, le vallon des lucioles est un roman basé sur une histoire vraie, celle de la famille Fugate dont certains membres étaient atteints d'une maladie du sang, la méthémoglobinémie qui donne à la peau une couleur bleutée.
Evidemment, ce qui est différent effraie, ce qui effraie provoque la défiance, voire la haine. Les Fugate vivaient isolés et se mariaient entre eux, continuant ainsi de transmettre le gène défectueux.
Sous la plume d'Isla Morey, les Fugate deviennent les Buford, une famille que ‘'ceux de la bonne couleur'' ont relégué au fin fond d'un vallon. Ils portent malheur, ils sont enfants du diable et on peut les insulter, les pourchasser, les torturer, les tuer même, sans que la police ou la justice lèvent le petit doigt. le livre a le mérite de nous faire découvrir cette famille et leur étrange particularité génétique. Mais l'action est très lente à s'installer, une grosse première partie frôle l'ennuyeux. Si l'on comprend bien qu'ils sont victimes de la haine et du racisme des blancs, l'accent est surtout mis sur la romance qui naît entre Jubilee et le photographe, Clay Havens. Et cette romance, mièvre au possible, est en plus desservie par une écriture sans intérêt. Traduction approximative ou auteure peu inspirée ? Un peu des deux sans doute. Certaines phrases doivent être lues et relues pour être comprises et les parties consacrées à Jubilee sont navrantes. La jeune fille affiche vingt-trois printemps mais par moment on a l'impression qu'elle en a douze tant ses paroles sont niaises.
Bref, une fois la première partie passée, la narration prend de l'ampleur et enfin on rencontre un peu d'action. Mais c'est presque trop tard…
Avec ces drames, ses amours impossibles et ses bons sentiments, le vallon des lucioles aborde des thèmes multiples comme la résilience, la rédemption, l'étique journalistique et bien sûr les préjugés, le racisme et la violence. le tout manque de nuances mais on retiendra de sublimes descriptions de la faune et la flore des Appalaches, la découverte des Bleus et une fin inattendue. A lire pour découvrir les Buford.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Seuil.
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1972. le vieil Havens refuse que quiconque vienne troubler son isolement et surtout pas un jeune homme qu'il prend à tort pour un journaliste. Il crie que le passé n'a nul besoin d'être déterré.
Ce passé, c'est celui de 1937 lorsqu'il est arrivé à Chance, minuscule bourgade du Kentucky. Avec son ami journaliste Massey, Havens devait y photographier des gens dans le besoin pour satisfaire au programme de New Deal du Président Roosevelt. Ils vont donc faire la connaissance d'une petite bande de jeunes peu amènes dont le neveu du shérif et un des fils du maire. Ils sont sans emploi et leurs préoccupations tournent autour des filles et de la chasse au raton bleu.
Jubilee et son frère Lévi sont les derniers à porter les gènes donnant un taux trop important de méthémoglobine et leur peau est par conséquent bleutée. Depuis des générations, leurs familles se sont retirées au fond d'un vallon pour échapper aux brimades, aux injures et aux violences des gens du village. Un isolement subi face au rejet de la différence automatiquement taxée de diablerie.
Lorsqu'Havens verra Jubilee, il sera immédiatement envoûté par la grâce émanant de cette jeune fille, par le gris-bleu nacré de sa peau mais surtout par l'amour instantané et libérateur qu'elle éveillera en lui. Comme pour le frère de Jubilee, l'amour ne demande pas d'autorisation pour s'inviter et c'est le seul qui n'a que faire des préjugés destructeurs même s'il doit pourtant s'y heurter.

Il m'est très difficile de poser un avis trop négatif sur cette histoire car le sujet est très intéressant, délicat et bouleversant. Cette dénonciation de comportements abjects aurait dû faire naître chez moi bien plus d'émotions et d'empathie. L'absurdité des gens dits de la bonne couleur et leurs superstitions idiotes et destructrices sont révoltantes. L'amour se débat bien inefficacement face à l'ignorance et à la cruauté. de plus, selon pour qui elle s'applique, la justice diffère bien effrontément dans ce coin du Kentucky.

Mais, la première moitié du livre semble s'enliser et s'oublier au fin fond de ce vallon. La platitude du style d'écriture n'arrive pas à faire transparaître les émotions et les dialogues sonnent creux.
La seconde moitié se révèle plus enlevée et creuse davantage dans la psychologie des personnages. Elle dénonce les différentes formes que peut revêtir l'absence de liberté et nous emmène avec beaucoup plus d'entrain dans le devenir chaotique de Jubilee, des siens et de celui qui lui apportera la lumière.

La photo a un rôle prépondérant dans ce roman. Elle nous offre de beaux passages, des instantanés de l'existence de cette famille qui sont révélés dans des clichés pourtant figés. Mais les séances pour les prises de vues sont vides d'intérêt et traînent en longueur en s'enlisant dans des hésitations interminables. L'auteure arrive cependant à exploiter tout ce qu'une photo peut dévoiler de vérité mais aussi de mensonges.

Le plus surprenant sont les nombreuses comparaisons qui se veulent probablement poétiques mais qui m'ont, les unes après les autres, laissée perplexe. Je les ai trouvées inappropriées voire saugrenues.
« Maman n'était pas du genre à montrer ses émotions mais sa colère a surgi aussi facilement que le revolver d'un ivrogne se décharge. »
« Il se raidit et se vide à la fois, à l'instar d'un vêtement lavé au savon bon marché et laissé trop longtemps à sécher. »
C'est sûrement un effort de style auquel je suis restée hermétique. Mais c'est peut-être aussi un effet de la traduction, comme certaines tournures de phrases peuvent le laisser penser…

Alors, mon analyse de lectrice tangue entre la beauté poignante du sujet et le style littéraire qui m'a profondément gênée. Toutefois, j'ai apprécié de cheminer aux côtés de Jubilee, cette femme fort émouvante qui fait preuve d'une admirable sagesse face aux discriminations dont elle est victime. Il est aussi touchant de l'imaginer dans sa volière prenant soin des oiseaux blessés.
Je remercie Masse Critique et les éditions du Seuil pour leur confiance.
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'Cause I was born to be blue …

Fin des années 30, pour illustrer son New deal, Roosevelt envoie des journalistes dans tout le pays à la recherche des gens du peuple...
C'est ainsi que deux ptits gars de la ville, Massey et Havens, envoyés au fin fond des Appalaches, débarquent dans la petite bourgade de Chance, dans le Kentucky, en quête d'un article et de photos qui relanceront leur carrière.
C'est là que Massey va flairer le scoop et que Havens va rencontrer l'amour, en la personne de Jubilee, une jeune femme à la peau bleue...

Ici le lecteur fait une pause, ajuste ses lunettes et vérifie qu'il a mal lu... En vain, point d'erreur, la donzelle est belle et bien bleue...
Pas plus de science-fiction que de soupe aux schtroumpfs, ce roman repose dur des faits réels : les bleus du Kentucky, victimes d'un anomalie génétique rare, la méthémoglobinémie ont réellement existé et leur histoire est passionnante.

Pour les gens de Chance, ces « ratons bleus » sont des diables, de maudits sorciers qui doivent être isolés, méprisés, punis, chassés... Havens découvre pour sa part une femme dont la beauté et la douceur l'envoûtent...
Habituée aux regards hostiles et dégoûtés de « ceux de la bonne couleur », Jubilee découvre le plaisir de séduire, d'être regardée comme une femme. Entre ces deux-là naît une attraction incontrôlable.

L 'Amour va-t-il avoir raison des différence ? Vont-ils se marier à la fin ? Oh là laaa, quel suspense !

Un premier roman qui mêle la tragédie vécue par cette famille différente à une romantique histoire d'amour. C'est à la fois un pamphlet contre la xénophobie et un message d'espoir et d'humanité.
On retiendra au passage la dénonciation d'une certaine presse en manque d'éthique et une évocation intéressante de la photographie et son pouvoir.

Si le sujet est passionnant et bien que le talent de Isa Morley pour nous montrer la nature foisonnante soit évident , il faut cependant admette que la lenteur et la platitude des dialogues dans la première moitié du roman peinent à nous tenir en haleine (peut être le style souffre-t-il de la traduction).

Fort heureusement, le récit décolle et la fin réussie laisse un agréable goût en bouche.
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1937. USA. La Grande Dépression de 1929 peu à peu s'éloigne. le New Deal de Théodore Roosevelt a contribué progressivement à la relance économique du pays. Les villes se requinquent, les campagnes restent à la traîne du renouveau. le Président cherche des échos positifs de sa politique sur l'Amérique profonde, à des fins électoralistes et de soutien à ses mesures d'aide aux populations démunies. L'objectif étant de convaincre les réticents en leur montrant la vraie vie loin des villes.

Des enquêteurs sont envoyés par binômes dans les zones rurales les plus reculées. Chaque duo est constitué d'un journaliste de presse écrite et d'un photographe. Leur mission : rester à l'affut de reportages, pris sur le vif, démontrant le bien fondé des mesures gouvernementales en cours ou à prendre. Certains envoyés spéciaux, par le scoop opportuniste, essaient de relancer leurs propres carrières restées au point mort. L'un deux en mission dans les Appalaches, Clay Havens, ex Grand Prix Pulitzer de la photographie, va voir sa carrière pro et son destin personnel chamboulés par amour pour Jubilée : une autochtone à la peau bleue qui le fascine, le trouble et l'obsède.

Chance, dans l'état du Kentucky. Une minuscule bourgade campagnarde ignorée des grands axes routiers. Trois cents habitants à peine, entre modernité en attente et ruralité à l'ancienne. A l'écart : une famille blanche, isolée au plus profond des bois, celle des Buford, repliée sur elle-même, victime d'un ostracisme inattendu, proche du racisme violemment actif d'il y a peu à l'encontre des noirs. Destructions de biens ? Spoliations ? Assassinats discrets et impunis ? Disparitions étranges ? Lynchages ? Cimetières clandestins ? Les langues se taisent, tout autant du côté des victimes que des bourreaux, tout doit se régler dans le huis-clos de la communauté. La raison de ce rejet : une maladie épidermique rare, la méthémoglobinémie, qui donne aléatoirement, par voie génétique, une peau bleu sombre à certains Buford. Jubilée l'ainée et Levi son frère, comme tant de « ratons bleus » avant eux, sont les victimes expiatoires des difficultés de la communauté. Jubilée cette sorcière, Levi ce démon …. Ainsi, dans Chance encore assoupie d'un oeil sur ses traditions d'antan, rode le sempiternel et indécrottable préjugé à l'encontre de ceux qui ne sont pas comme les autres (la minorité a toujours tort), naissent des accusations de sorcellerie, de jeteurs de sorts et de porte-poisse, s'organisent des expéditions punitives …

Les éléments du drame sont en place … La suite appartient au récit. L'Amour, avec un grand A, bardé de grands et beaux sentiments, va s'en mêler … et sera le grand leitmotiv du roman, celui vers lequel l'auteure reviendra toujours pour livrer son diagnostic d'un monde malade et les moyens simples pour le rendre plus acceptable. Les développements à venir vont se montrer très (trop ?) manichéens, mais quelle importance après tout quand on sait d'avance qu'il en sera ainsi. Isla Morley, dont « le vallon des lucioles » est le premier roman édité en France, se montre une grande âme qui plaira à ses lecteurs optimistes.

Qu'on ne s'y trompe pas, nous ne sommes pas en territoire de Fantastique ou de Fantasy, voire de Science-FictionLes amants étrangers » de Philip José Farmer, par exemple, dans lequel le héros, à l'encontre des préceptes religieux d'une société future ultra puritaine, s'éprend d'une E.T. à la morphologie et à la physiologie complexes) mais au sein d'un roman inspiré de faits réels. L'homme, celui de la vraie vie, n'a jamais été en panne de haine et de violence pour fustiger et détruire celui qui ne ressemble pas physiquement à ce que la majorité montre. La loi du nombre, toujours, et haro sur l'étranger, le différent, le monstre de foire, celui qui ne pense pas pareil, ne prie pas le même dieu de la même façon ou un autre que le sien …

Roman de terroir ? Possible selon ce que je sais du genre. Et c'est plutôt maigre. J'ai néanmoins entrevu le lisant « Tendre Violette » le cycle BD de Servais. On y retrouve les mêmes mécanismes d'exclusion, les mêmes résidus de haine et d'incompréhension entre deux communautés qui ne cherchent plus à se comprendre et s'accepter. Les exemples en ce genre littéraire ne doivent pas manquer.

La part belle est laissée à la romance. Fleur bleue y trouvera son compte. Je n'y vois pas d'inconvénient. La 4 de couv n'en fait qu'à peine mystère, le lecteur prévenu sait plus ou moins où il met les pieds. L'objectif, au-delà de l'eau de rose ciblant un certain public, est de démontrer que l'Amour renverse les montagnes, pour peu d'y croire (et après tout, pourquoi pas … !). Reste que le parti-pris de la surenchère romantique, par son intensité ponctuelle peut lasser. Elle vient, heureusement par touches, hélas intenses, comme des mises en abimes dans un thriller, noyer trop souvent un drame bien amené, une intrigue prenante et, par ailleurs, bien ficelée. le miel, en encre dorée d'imprimerie sur certains passages, alterne avec le sang noir sur les peaux bleues assassinées. le réfractaire au romantisme forcené peut patienter, il retrouvera plus tôt qu'il ne croit un chemin de thriller au suspens intact.

Cet ouvrage est aussi un vibrant hommage nostalgique rendu à l'art photographique d'antan, celui d'une époque révolue, pourtant pas si ancestrale que çà, où la pellicule argentique était la seule alternative, loin de la photo-pixels jetable si banalement commune de nos jours. On y réglait à l'intuition la netteté, le diaphragme et le temps d'exposition. On s'appliquait au cadrage patient pour ne pas gâcher la péloche, à la recherche de la bonne lumière sur le fil étroit entre sous et surexposition ; on bidouillait au jugé et à l'expérience lors du développement sous lumière inactinique. Un art, plus qu'un hobby. le noir et blanc était encore presque omniprésent, l'utilisation de la couleur restait parcimonieuse (car onéreuse). Dans le roman les clichés noir et blanc ne dénoncent pas les bleus chatoyants et irisés de l'épiderme de Jubilée, ils sont noyés dans les nuances de gris rendues par le nitrate d'argent, il leur faut la couleur pour en percevoir tout le particularisme. Jubilée, aux yeux du monde, ne peut apparaitre qu'en couleurs, comme un arc-en-ciel …

Havens est à la recherche résignée et fataliste de ce qui avait fait de lui un Pulitzer reconnu, il entrevoit en Jubilée (qu'il doit convaincre de poser) un sujet propice à un retour en état de grâce photographique. La passion amoureuse s'en mêlant, créant en lui un oeil virtuel subjectif, par ce fait unique et partial, presque obsessionnel, le résultat se montre au-delà de ses attentes. L'amour ressenti pour elle fausse la donne journalistique et l'oblige à prendre parti : les clichés sont t'ils publiables sans trahir la confiance de Jubilée ? … le drame est désormais en marche …

L'auteure met à nu minutieusement les motivations souvent inconscientes du photographe. Elle dissèque sa recherche patiente, intuitive et raisonnée du cliché qui a du sens, qui par nature doit parler sans jamais ne rien dire. Elle nous décrit les moyens humains à l'oeuvre d'une photo qui, en portrait, cherche une âme au détour d'une expression furtive de visage. Tout le récit regorge de ses instants suspendus entre la vie qui bouge et celle qui se fige en 2D. Ces arrêts sur images sont à mon sens le grand bonus du roman, tant ils me semblent rares et se faisant précieux en littérature romanesque (du moins de ce que j'en connais).

Et à ce jeu, le lecteur prenant l'oeil d'Havens et les mots de l'auteure à son compte, entrevoit Jubilée si belle et … rêve de passer de l'autre côté de la pellicule et des 480 pages du roman.

Merci à Babelio, Masse Critique, le Seuil Ed. et à l'auteure.
Lien : https://laconvergenceparalle..
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Clay Havens, photographe et Ulys Massey, journaliste sont envoyés dans un village perdu des Appalaches pour réaliser un reportage représentatif d'une région défavorisée et pauvre. Les « Buford », une famille vivant à l'écart du village « Chance » retiennent leur attention pour une particularité qu'ils vont découvrir. Bien accueillis, ils s'installeraient presque là en faisant durer leur reportage et Havens en pince pour Jubilee une fille de la famille. Une première moitié un peu longue du roman décrit cette période d'observation et d'interrogation quant au bien fondé de mettre en lumière et risquer de détruire une intimité ou de soutenir une cause d'opprimés en la révélant. Les atermoiements d'Havens avec les photos de Jubilee en sont une illustration. Une deuxième partie, un peu plus dynamique rend la lecture plus agréable, mais la qualité de l'histoire, sorte de conte moderne n'empêche pas une lourdeur globale du texte.
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Ce roman est inspiré de faits réels, c'est ce qui m'a donné envie de le lire.

1937. Dans le cadre de son New Deal, Roosevelt envoie des journalistes à la rencontre de la population. Clayton Havens et Ulys Massey se retrouvent ainsi à Chance, une bourgade minuscule des Appalaches, dans le Kentucky. L'un est photographe, l'autre journaliste, et ils tirent tous les deux le diable par la queue. Ils espèrent une opportunité pour se refaire et assurer leur avenir professionnel, et il semblerait bien qu'à Chance, un mystère rôde : on leur parle d'une chasse « aux ratons bleus », et de gens qui vivraient isolés dans un vallon non loin… Il n'en faut pas plus pour que Massey et Havens décident d'investiguer… et ils ne vont pas tarder à découvrir la famille Buford ; dont deux des enfants, Levi et Jubilee, ont la peau… bleue.

Ces gens bleus ont vraiment existé dans le Kentucky. Ils s'appelaient (et s'appellent toujours d'ailleurs) Fugate et souffraient d'une anomalie de l'hémoglobine appelée méthémoglobinémie, qui rend le sang très sombre et la peau en transparence, bleue. Tapez Blue Fugate sur le net, vous les découvrirez, descendants d'un français immigré aux États-Unis en 1820. Victimes de racisme, de discrimination, voire de chasse aux sorcières (la récolte a moisi, c'est la faute aux Bleus ! etc.), ils ont été ostracisés, discriminés, rejetés par leurs contemporains et contraints de se marier dans leur parentèle – le Kentucky n'était déjà pas très passant au milieu du 19ème siècle, alors là… Une consanguinité qui a bien sûr fait perdurer les naissances à la peau bleue.

C'est la découverte par le monde extérieur de ces gens différents que nous raconte Isla Morley dans le vallon des lucioles, et ses conséquences.

Pour tout dire, ce roman m'a déçue. Une romance qui prend toute la place, trop de bons sentiments, des méchants qui sont juste méchants, des gentils un peu planplans, et puis une narration trop lente (le deuxième quart n'en finit plus), assortie à une écriture plutôt pauvre et souvent maladroite. Alors même si l'ensemble est bien construit, que le personnage de Jubilee est très attachant, dans son rapport à la nature et ses réflexions sur la « bonne » couleur, et que certains passages sont touchants… je suis largement restée sur ma faim. Je m'attendais à quelque chose de plus incarné, plus incisif (et moins fleur bleue !). A plus de nuances et d'engagement. Cette auteure vit aux États-Unis mais elle est née et a grandi en Afrique du Sud pendant l'Apartheid, et la couverture (ci-dessous) quand j'ai choisi de recevoir ce livre, tout cela faisait espérer beaucoup, j'avoue.

Je remercie néanmoins chaleureusement Babelio et les Éditions du Seuil pour cette découverte.
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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En septembre 1972 arrive à Chance ( Kentucky) un jeune homme bien mis dans une voiture bien propre. Il cherche des renseignements sur les Buford. le postier l'envoie chez Clayton Havens, un homme solitaire qui soigne les oiseaux. Havens a appris à ses dépens qu'il vaut mieux vivre caché pour être heureux. Mais ce jeune homme qu'il a brutalement congédié rappelle une histoire vécue quelques années avant la seconde guerre mondiale.
En mai 1937, Clayton Havens, photographe récompensé du Pulitzer pour la photo d'un orphelin et Massey, son ami journaliste sont envoyés par la Farm Security Administration pour un reportage visant à vendre le New Deal du gouvernement. La pellicule Kodachrome vient d'être inventée. Cette révolution dans la photographie permettra peut-être à Havens de renouer avec le succès.
En discutant avec trois jeunes hommes de Chance, le journaliste est intrigué par leur occupation, la chasse aux ratons bleus. Au vallon des lucioles, les deux hommes vont vite comprendre de quoi il s'agit lorsqu'ils croisent une jeune fille à la peau bleue. Mordu par un serpent, Havens est sauvé par cette jeune fille qui emmène les deux hommes chez ses parents, les Buford.
Si Massey imagine rapidement l'intérêt journalistique d'une telle découverte, Havens s'attache à cette famille ostracisée et surtout à Jubilee, cette jeune rousse à la peau bleue. Depuis Opal, la première bleue de la famille, seuls quelques uns ont cette particularité. Aujourd'hui, il n'y a plus que Jubilee et son frère Levi qui soient bleus. Pour cela, ils sont rejetés par le village et surtout chassé par Ronnie, le fils du maire et ses deux amis.
En attirant l'attention sur eux, les deux étrangers risquent de déchaîner la curiosité et la haine. Havens fera tout pour dissuader Massey de publier des photos. Mais d'autres événements attiseront aussi la jalousie et l'horreur.
Inspiré d'une histoire vraie, ce roman montre une fois de plus que la différence entraîne le rejet et la haine. Il illustre aussi le pouvoir de l'amour qui se moque des apparences.
Un récit hautement romanesque mais contrairement au roman de Delia Owens, Là où chantent les écrevisses qui abordent un peu le même thème, je trouve ici le personnage de Jubilee moins intéressant et l'environnement plus plat.
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La littérature étrangère, n'est pas mon genre habituel de lecture. Je remercie d'autant plus Babelio de m'avoir proposé "Le vallon des lucioles", premier roman d'Isla Morley à paraître en France, dans le cadre d'une Masse Critique privilégiée. Initialement édité sous le titre "The Last Blue", il aborde nombres de sujets des plus intéressants.

Inspiré d'un fait réel, cet ouvrage raconte l'histoire de Clayton Havens, photographe, et Ulys Massey, journaliste, envoyés en mission à Chance, petite bourgade du Kentucky, dans le cadre d'un programme de soutien aux plus démunis créé par le Président Roosevelt. Ils doivent aller au contact de la population et rapporter photos et témoignages de ces gens dans le besoin. Mais ils vont surtout être orientés vers une famille particulière qui vit dans un coin reculé de la forêt. La rencontre de ces gens, les Buford, et particulièrement de Jubilee, une des filles, va transformer la vie du photographe.

Captivant, cet ouvrage l'est, car extrêmement riche en informations qu'elles soient d'ordre médical, politique ou racial. C'est un grand roman qui, de manière originale, je trouve, traite parfaitement du racisme et se transforme en un hymne à la tolérance et à l'amour. J'ai appris, par ailleurs, l'existence de la méthémoglobinémie, maladie liée à une déficience dans la constitution de l'hémoglobine. Certains membres de la famille Buford en sont atteints, ce qui leur vaut une peau bleutée source de tous leurs problèmes. En proie à la vindicte des autres qui ne peuvent supporter cette différence et les traitent en paria, ils vont faire l'objet d'une grande attention de la part des journalistes qui en délaissent leur mission première.

J'ai aimé sa construction, articulée sur deux époques et des chapitres dans lesquels, alternativement, s'expriment Clay Havens ou Jubilee. J'ai aimé aussi la description détaillée des ressentis de chacun, de leur vie journalière, la part belle faite à la nature. J'ai aimé les relations joliment décrites qui évoluent entre la famille et les deux journalistes. J'ai aimé l'équilibre entre beau et laid, amour et haine. Pourtant, et c'est très dommage, il est à mes yeux un point négatif que je ne peux taire : l'écriture. Elle nuit à l'histoire pourtant passionnante. le style m'a semblé pauvre et parfois maladroit. Beaucoup de constructions m'ont paru bancales. A aucun moment, je n'ai découvert la moindre poésie, les phrases sont souvent longues et…lourdes : "… et trois, on a l'occasion d'aider cette famille en renversant le monstre et en révélant son point faible, ce qui signifie qu'il y a de fortes chances pour que les couards battent en retraite."

"Le vallon des lucioles", un roman attachant qui aurait mérité d'être servi par une écriture plus flamboyante.

Lien : https://memo-emoi.fr
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