C'est l'histoire d'
une femme empêchée, celle de Philippa, née en Corse, épouse d'Hector, kinésithérapeute.
En août 1969, Philippa Paoli rentre en clinique spécialisée, à Montfavet, euphémisme pour dire qu'elle est hospitalisée en psychiatrie. Elle ne va pas bien, Philippa et on comprend pourquoi. dans ce roman, biographie d'
une femme dans
les années 70. C'est sa petite fille qui raconte et qui porte son prénom, qui a sonné à son époque, comme une déclaration de guerre d'une fille envers l'homme en qui elle faisait confiance : son père.
Philippa dite Lili est une belle femme, trop mince, soigneusement encadrée dans sa vie d'enfant, d'adolescence et d'adulte (si l'on peut dire). Issu d'un père, directeur de prison et d'une mère au foyer dans un village paumé des montagnes corses, Philippa va tomber amoureuse d'un homme Jérôme durant les vacances d'été, qui se révèlera marié. Enceinte, Philippa subit un avortement dans des conditions atroces. Nous sommes bien loin de l'IVG.
Dans la plus belle tradition patriarcale, c'est ensuite son père qui choisira son mari, parce qu'il est comme il faut et plein d'avenir. Hector est la sainte figure du couple, dévoué à ses malades, déifié par les femmes qui l'ont élevé, il ne se pose jamais de question. le couple a 3 enfants : Caherine, 15 ans Pierre, 14 ans et Sophie, 12 ans. Catherine est en opposition avec sa mère. Elle ne voit qu'une partie du prisme de l'existence du couple que forme ses parents. Pour Catherine, sa mère menace l'équilibre familial, introduit le désordre dans un univers calfeutré où comme dans une chambre capitonnée tout est fait pour amortir les chocs, les cris ...
A ce couple, s'ajoute Hélène, la jeune soeur (13 ans) mal élevée de Philippa que leur confie leur mère pour s'en débarrasser.
A Montfavet, Philippa rencontre un psy au nom hilarant (le docteur Aristoloche), des patients dont un voyant qui tire les cartes avec un jeu de 1000 bornes et Antonin, un bel homme, qui ressemble à un ange tant sa beauté est hors norme. Les traitements et l'accompagnement à l'époque en psychiatrie sont rudimentaires (la chimie a fait quelques progrès, même si la psychiatrie est le patient pauvre de la médecine).
Nous allons vite comprendre pourquoi Philippa est internée par son époux : abus de pouvoir. La femme de l'époque n'a aucun pouvoir et il est facile de la contraindre sans user de violences physiques, en étant cautionné par la science et la famille, qui a intérêt à se que soit baîllonnée
une femme qui pense et se révolte.
Philippa va pourtant sortir de l'hôpital et va commettre l'irréparable. Elle va avoir quelques beaux moments avec sa fille Catherine, des moments qui malheureusement, ne l'empêcheront pas de de fuir pour l'éternité, une vie qu'elle ne supporte plus.
Mais, ce qu'il y a de formidable dans ce livre, c'est que Philipa va gagner sur le long terme : sa fille Catherine va enquêter, comprendre ce qui se cache derrière la façade de son père. Elle accomplira la vengeance de sa mère : elle donnera à sa fille, le nom de Philippa, un nom comme un défi, comme une déclaration d'amour tardive, comme une demande de pardon à sa mère.
Derrière le livre, il y a l'histoire des sensitifs, de ceux que le monde heurte trop fort. Camille Claudel "hante" Montfavet et le créateur de mode favori de Philippa, est
Yves Saint Laurent. Même si il s'agit d'un tout autre genre de roman, j'ai pensé à "
La femme gelée" et à ""
L'évènement"d'
Annie Ernaux, à travers ce portrait de Philippa.