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Citations sur Où passe l'aiguille (172)

Chez nous, en Hongrie, quand on empilait les couches de vêtements pendant les grands froids, on appelait à la ‘mode oignon’, c’était drôle.
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Moi, je vois cette chose, en balayant. Je vois la grande réparation du fil qui va et vient, l'aiguille qui passe et repasse et efface les plaies, la vie même est prise dans cette toile-là alors ils pourront dire ce qu'ils veulent, les salauds, les kapos, les SS, qu'on est des Untermensch des vermines des bestioles à écraser mais les mains animales résistent au grand rien, au broyage, à la disparition, et ça a quand même une sacrée gueule.
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− Ausziehen, schnell !
L'un de nous comprend, il se désape et jette ses habits en tas au milieu, et les autres l'imitent en vitesse. L'allemand crie encore, Schnell ! et les manteaux s'empilent puis les vestes, la blouse du maraîcher, la chemise du pharmacien et celle du maître d'école, le manteau de M. le juge, les sous-vêtements, les caleçons courts et longs, c'est terminé. Il n'y a plus de magistrat, plus d'enseignant, plus de médecin ni de commerçant, juste des pantins velus qui ne savent plus où se cacher.
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Je barricade tout, les portes et les oreilles. Même avec les barricades les petits ne dorment pas. Gabor crie, il a chaud, il a soif, il s'enroule autour de moi, il me parle des loups et des forêts sombres, de châteaux dévastés au bout de chemins étroits, d'ogres ensanglantés dans des grottes profondes...
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Tu pourras leur écrire ça aux jeunes : il y a le temps qui passe, la routine, les disputes, et puis ce jour incroyable arrive où de nouveau nous ne faisons plus qu'un comme au début de l'amour.
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Je n’ai jamais vu un endroit pareil. Personne n’en a jamais vu, ni même pensé, imaginé ou cauchemardé. C’est une sorte de prison, en bien pire. Un camp de travail, sauf que le travail en question te tue. Un asile de fous tenu par les porcs les plus sadiques que la terre ait portés. Un cauchemar de boue et de planches posé sur une jolie petite colline arborée.

Camp de Dora-Mittelbau
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- Tu crois que ça intéressera les gens mes vieilles histoires ?
- Ce ne sont pas des vieilles histoires, Tomi.
Elle n'a pas tort la petite. Aujourd'hui, de nouveau on cherche des boucs émissaires. L'étranger redevient un microbe dont il faut se prémunir, partout Dieu reprend le pouvoir. L'actualité s'écrit sur une vieille toile puante ; point après point le pire se dessine, il revient sans que personne n'y croie. A l'époque je me souviens, aucun d'entre nous n'y croyait non plus.
- Seuls les vieux comme toi peuvent rappeler ça aux jeunes, me dit la petite, des anciens aux gamins, les livres font le lien.
Elle croit aux mots, elle, elle écrit pour les vivants. Alors pour ses vivants et pour mes morts, je suis retourné remuer la vase. J'ai tiré du puits les gens et les lieux, les événements, tout était intact conservé dans la boue, les souvenirs au coeur brûlant. La petite cousine les a écrits. Quand elle est repartie avec ses cahiers noircis, je suis allé me coucher. Je me suis relevé trois mois après. Se rappeler, c'est raviver les braises : même longtemps après, elles brûlent encore.
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Moi, par exemple, je m'en fiche un peu d'être juif. En ce moment, ça m'arrangerait plutôt de ne pas l'être mais c'est ainsi : juif, on ne peut pas arrêter. L'administration hongroise farfouille même dans l'arbre généalogique de gens qui avaient oublié qu'ils l'étaient et d'un coup de tampon, bam ! elle leur rafraîchit la mémoire. Ils ont beau jurer sur Jésus-Marie-Joseph qu'ils sont catholiques baptisés et confirmés depuis belle lurette, le scribouillard de la mairie leur cloue le bec - "La conversion ça compte pas" - et exhume la preuve irréfutable : l'acte de naissance de leurs grands-parents, Aaron, Edna et Salomon. Ces pauvres chrétiens repartent plus israélites qu'ils ne sont arrivés, sonnés de devoir leur inoxydable judaïsme à des aïeux depuis longtemps disparus dont il ne reste que les noms effacés au cimetière et une jambe de bois au grenier.
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Le Domovoï des fables russes, l'elfe domestique des isbas s'est secrètement réincarné au 59, rue de Montreuil. Personne ne sait par quel enchantement ce gars réussit à ravoir des tissus fragiles, à effacer des dégueulasseries irrécupérables ; à chaque question d'admirateur il répond par un silence de sorcier. Longtemps j'ai cru que son obscure arrière-boutique dissimulait quelque onguent magique, au moins un grimoire de ses philtres nettoyants, jusqu'à ce qu'il me confie l'origine de son prodigieux savoir-faire :
- Neuf mois à la blanchisserie d'Auschwitz, chef.
Le merveilleux dans la couture, ce ne sont pas les vêtements qui y sont faits, ce sont les gens qui les font.
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Parfois, tandis qu'il répare les chaussures, le bavardage de Felder s'égare sur les chemins de sa mémoire et il ne nous en épargne aucun lacet [...].

p.233
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