Lire un roman de
Haruki Murakami, c'est faire l'expérience d'une lecture nouvelle, originale et surréaliste. Sa plume est parfaite pour immerger le lecteur dans une atmosphère déconcertante, poétique, et légèrement angoissante.
« Un puzzle où la vérité n'était pas forcément la réalité, et la réalité n'était peut-être pas la seule réalité. » page 821
Entre réalité et onirisme, rêve, illusion, voire fantastique, l'auteur a le don pour envelopper le lecteur d'un voile de mystère. On se sent pris dans l'engrenage de l'intrigue qui se développe avec douceur et on ne peut qu'avaler les quelques 950 pages du roman pour comprendre ce qui s'est réellement passé.
Mais même une fois la lecture achevée, une sensation d'irréalité et de mystère demeure comme s'il nous restait encore des choses à découvrir. Cette impression bizarre, ce trouble est ce qui me plaît chez
Haruki Murakami.
"La vérité n'est pas forcement dans la réalité, et la réalité n'est peut-être pas la seule vérité."
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Depuis peu, un oiseau au chant un peu spécial, ressemblant au bruit d'une pendule que l'on remonte, se fait entendre dans le jardin de Toru Okada et de sa femme Kumiko. Ils le surnomment « l'oiseau à ressort ». Ce n'est pour le couple qu'une plaisanterie, mais très rapidement, le cri de l'oiseau va être associé à des évènements étranges, comme si les rouages de l'horloge faisaient fonctionner le monde et interféraient tragiquement dans la destinée des hommes qui entendent ce chant.
Dans un premier temps, le chat du jeune couple disparaît. Etant très attachés à leur animal de compagnie, ils le cherchent dans le voisinage et en particulier dans le jardin d'une maison abandonnée où des évènements tragiques se sont succédés.
Et puis c'est au tour de Kumiko de disparaître, sans prévenir, sans laisser aucune trace.
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Des évènements inexplicables, des forces extérieures jouent alors avec la vie de Toru, orientant son destin.
Et c'est ainsi que, petit à petit, le monde réel et le monde des rêves s'entremêlent et se confondent, emportant le jeune homme dans un monde où des personnages étranges, aguichants, voyants, fantasques, malveillants, bienfaiteurs, ou même ambigus le guident ou le manipulent.
Entre rêves érotiques, fantasmes, cauchemars, rêves prémonitoires, hallucinations, l'atmosphère d'étrangeté s'épaissit.
"A l'heure la plus calme, vers quatre heures du matin, je pouvais entendre distinctement pousser à petit bruit les racines de ma solitude."
Chaque personnage a son histoire qui s'imbrique à merveille à l'intérieur du récit et donne plus d'ampleur, de richesse, et de mystère à ce roman à tiroirs. Ces courts récits sont souvent passionnants. le lecteur voyage ainsi dans le temps et l'espace, de la guerre en Mandchourie jusqu'aux goulags sibériens.
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Si les personnages de ce récit sont singuliers, l'univers et les lieux le sont tout autant. Toru voyage d'un monde à un autre, entre réalité et surnaturel, lumière et obscurité, empruntant des passages. Ces lieux ont en commun d'être silencieux, lugubres, d'un noir total et inquiétant.
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"La chronique de l'oiseau à ressort" est un roman à multiples facettes, poétique, onirique, fantastique, historique. Il aborde de nombreuses réflexions, comme les traumatismes psychiques et physiques de la guerre, la société japonaise, le monde du travail, les bienfaits du rêve.
Si vous recherchez une intrigue prenante avec de multiples rebondissements, je vous déconseille ce roman.
Par contre, si vous aimez les ambiances feutrées, langoureuses, mystérieuses, servies par une belle écriture, poétique et sobre, alors je vous recommande particulièrement ce magnifique roman.
Pour ma part, j'ai passé un excellent moment de lecture. Un des meilleurs romans de
Haruki Murakami.