Citations sur La Fin des temps (139)
Même s'il n'y avait personne pour s'attrister de ma disparition, même si je ne laissais de vide dans aucun cœur, ou même si presque personne ne s'apercevait que je n'étais plus là, c'était uniquement mon problème. C'est sûr, j'avais déjà perdu trop de choses dans ma vie. Au point qu'il ne me restait à peu près plus que moi même à perdre. Mais, tout au fond de moi, la trace des choses perdues continuait à irradier sa lumière, et c'est ce qui avait nourri ma vie jusqu'à maintenant. Je ne voulais pas disparaître de ce monde.
Tout le monde est peut-être ordinaire, mais normal, non.
Tu me dis que dans cette ville il n'y a ni lutte, ni haine, ni espoir. Magnifique! Tiens, si j'en avais la force, j'applaudirais. Mais qu'il n'y ait ni luttes, ni haine, ni désirs signifie qu'il n'y a pas non plus le contraire de tout cela. C'est-à-dire la joie, la béatitude, l'amour. C'est parce qu'existent le désespoir, la désillusion, la tristesse, oui, c'est de là que naît la joie. Une béatitude sans désespoir n'existe nulle part.
Même en se portant un ciré, se faire doucher par une chute d'eau chaque fois qu'on entrait ou sortait de son cabinet de travail me paraissait relever - avec l'esprit le plus bienveillant du monde - de la stupidité la plus totale.
La chair était accumulée sur son corps, exactement comme une grosse masse de neige tombée sans bruit pendant la nuit
Certes, le concept d'équité n'a cours que dans un monde extrêmement limité. Mais ce concept s'applique à tous les aspects de la vie, depuis les excargots et les comptoirs de quincaillerie jusqu'à la vie conjugale. Même si personne n'en demande, moi je n'ai strictement rien d'autre à offrir. En ce sens, l'équité ressemble à l'amour : souvent ce qu'on a à offrir ne coïncide pas avec ce qui est demandé.
Je ne tardai pas à me dire que sans doute je ne me rappelerais plus jamais de chansons. Que j'aie un instrument de musique ou non, cela revenait au même. J'aurais beau aligner les notes, s'il n'y avait pas de chanson, cela ne serait jamais qu'une simple suite de sons. L'accordéon posé sur la table ne serait qu'une simple chose, si belle soit-elle. Il me sembla saisir le sens des paroles du contrôleur de la centrale électrique : "Ce n'est pas la peine d'en sortir des sons, c'est beau à regarder comme ça."
Dès que j'eus fermé les yeux, le sommeil fondit sur moi du haut des cieux comme un immense câble noir qui n'aurait attendu que ça.
« L’ascenseur continuait à monter avec une extrême lenteur. Du moins je pensais qu’il montait, mais à vrai dire je n’en savais rien . A une vitesse aussi réduite, toute sensation de direction s’efface : il était peut-être en train de descendre, peut-être même qu’il était arrêté. Simplement, compte tenu des circonstances, j’avais décidé de considérer qu’il montait, par esprit de commodité. Pure hypothèse, sans aucun fondement. Il avait peut-être gravi douze étages avant d’en redescendre trois, ou bien il avait déjà fait une rotation autour de la terre, je n’en sais rien. »
Le plafond de la bibliothèque était haut, la pièce calme comme le fond de la mer.