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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
En juillet 1867, une expédition scientifique, financée par le gouvernement fédéral des Etats-Unis, part de St-Louis (Missouri) pour explorer l'ouest américain jusqu'aux Montagnes rocheuses. Montée sur des chariots bâchés tirés par des chevaux, elle sillonne d'interminables prairies et zones caillouteuses avant d'entrer dans des forêts de conifères coupées par des cascades vertigineuses. Sur des milliers de kilomètres.

Joseph Wallace, personnage fictif, photographe de studio, se joint à la mission et côtoie sur cette longue route, topographes, minéralogistes, biologistes et ethnologues, dont le but est de cartographier ces immenses espaces (à coloniser) et, si possible, de situer au plus près les gisements d'or, de charbon et de minerais. Il tient un carnet de route qui commence par ces mots : « Puisse mon âme, à l'heure où je rédige ces premières lignes, être aussi légère et insouciante que celle d'un enfant qui découvre le monde ».

Sa rencontre fortuite avec une tribu de Sioux Oglalas le pousse à revenir planter son trépied, à ses frais, pour portraiturer d'autres Indiens, sitôt son engagement terminé.

C'est ainsi que les enfants le totémisent Etunwan, celui qui regarde. En ce temps-là, la photographie était une technique émergente et au fil des pages, nous suivons les progrès du collodion instantané, du temps d'exposition et de pose, du dosage du sulfate de fer dans le bain de rinçage.

Ce qui fait de cette BD une oeuvre originale et exceptionnelle, c'est que Thierry Murat présente ses dessins comme des négatifs de photos argentiques. Des ombres chinoises sur fond sépia, gris, bleu, orange. Il rend hommage à ces « yeux » qui ont fixé pour toujours un peuple en voie de disparition, comme Edward S. Curtis, et à la richesse de ce peuple « né dans les prairies, là où les vents soufflent librement et où rien n'arrête la lumière du soleil, là où il n'y a pas de clôtures » (Géronimo).

Ce qui est important pour Etunwan, c'est de mettre les choses et les gens en scène, de les sublimer, de les raconter avec le regard et non pas de les saisir d'un simple clic. D'autant plus que les Indiens « savent depuis longtemps que leur monde est en équilibre au bord du vide. Et que ce vide ne sera bientôt plus que la trace effacée de ce qu'ils ont été. Aujourd'hui, je crois pouvoir affirmer humblement qu'ils ont compris que mon travail de « faiseur d'images » était en train d'empêcher peu à peu que cette trace disparaisse à tout jamais » (p. 114).

Thierry Murat nous offre 158 pages de grand art, de questionnement sur le besoin de s'approprier « le Territoire » comme on appelait l'Ouest en cette fin de XIXe siècle, et de la nécessité de garder la mémoire des traditions et de la sagesse indienne.

Merci, CrazyMan, de m'avoir permis de découvrir ce talentueux auteur de BD et de me replonger de manière très sensuelle dans le monde des Amérindiens.

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Magnifique roman graphique de Thierry Murat, tant par le contenu de l'histoire que par l'esthétique des planches et du choix approprié de leurs couleurs, dimensions, profondeur des champs visuels, l'ensemble donnant une réussite totale.

Une oeuvre qui contient tout, absolument tout, à mon sens, de ce qui fait l'essence des relations humaines au sein d'une nature extraordinaire, celle des Grandes Plaines de l'ouest américain, relations amicales, amoureuses, partage de la culture et de la sagesse des Indiens, avec pour contexte un art qui se développait tout juste à l'époque, la photographie.

Le jeune photographe, Joseph, va découvrir dans le cadre d'une expédition destinée à reconnaître les grands espaces au-delà du Mississipi, la vie des Sioux, d'abord avec la rencontre d'un jeune indien, puis de sa tribu, et enfin d'une jeune Indienne pour une nuit d'amour sans faute.

Il explique en détail, sans lasser, ses choix techniques en matière de photographie, sa volonté de saisir le vivant, sans le dénaturer, en sachant qu'il va continuer à exister au-delà du cliché, dans une lumière ou une nuit éternelles.

Tout au long de l'histoire, ce seront des paysages, des animaux entrevus qui ne seront pas sur la plaque, puis des visages, et, au-delà de leurs expressions des âmes chargées d'humanité, de sagesse, de croyances et d'histoire que Joseph immortalise dans ses prises.

Ainsi, les convois, les grandes herbes, les troupeaux de bisons massacrés, les tipis, l'eau, la lune, le soleil, le vent vont peupler la narration de ses expéditions par Joseph. Pour lui, elles iront bien plus loin que des motifs géographiques ou scientifiques, avec les grandes interrogations sur les mystères de l'Univers et la vanité des questionnements sur ce qui ne peut être accessible.

Baudelaire accompagne avec ses fleurs maladives le cheminement de Joseph, ajoutant ainsi à la mélancolie de son parcours, avec notamment cet anéantissement amoureux sous les étoiles.

Une variation sur la Genèse m'a particulièrement plu avec la première femme d'Adam enfuie du paradis terrestre, incapable d'obéir, "folle de rage et de liberté", pour finalement laisser la place à une Eve qui choisira avec bien moins de liberté la voie de la désobéissance.

Harmonie est le maître mot de ce livre, avec celle de la vie des villages indiens, celle des sentiments et des désirs, et celle des couleurs travaillées par l'auteur pour donner au lecteur la perception d'une immersion totale aux côtés de Celui-Qui-Regarde.
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On est dans les années 1860 aux Etats-Unis, Joseph Wallace est photographe et participe à une expédition scientifique dans l'ouest. Les indiens l'appelleront Etunwan, celui qui regarde.
Le graphisme de Thierry Murat est proche de la photo, avec de forts contrastes, et des tons sépias, mais il ne se contente pas de reproduire la réalité, c'est justement un des thèmes de la bande dessinée. Par moment, le trait de pinceau prend le dessus, plus expressif, plus instantané, pour présenter des moments où justement il s'attache à se rapprocher encore plus de la réalité. J'ai particulièrement apprécié cette thématique dans cette histoire, judicieusement abordée par le style graphique, cette thématique se déploie à travers une autre thématique, celle de l'ethnologie, du naturalisme, de la relation à l'autre. Joseph cherche à comprendre, à s'immerger parmi les indiens, là où d'autres, aux aspirations plus mercantiles, préfèrent fermer les yeux. C'est une belle histoire, humaniste, naturaliste, et qui évoque de nombreux sujets tous passionnants, qui soulève de nombreuses questions, sur l'image, sur les traces du passé, sur le colonialisme, c'est très vaste et très riche, un oeuvre remarquable.
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C'est l'histoire d'un photographe embarqué dans une expédition géographique dans l'ouest des Etats-Unis juste après la guerre de Sécession. Il photographie des paysages sublimes, ses camarades, mais ce sont les Indiens des plaines, qui pour lui, sont la rencontre la plus émouvante. Tout le fascine, la langue complexe et métaphorique, la vie simple . Pour eux, il devient "celui qui regarde" Etunwan . Conscient de voir un monde disparaître, au fil de l'extermination des bisons, puis des hommes, il n'a de cesse de vouloir monter une nouvelle expédition plus légère uniquement pour témoigner à travers son art d'une civilisation menacée , pour publier à son retour un livre sur les " natives americans".
Ce roman graphique original est soit un journal intime, soit un échange épistolaire . le texte dactylographié est en dehors de l'image magnifique en tons sépias ou bleu nuit. le tracé en noir fait l'effet de plaques photographiques anciennes. Ce roman graphique a vraiment une originalité esthétique dans l'image, le texte et le sujet abordé .
J'ai beaucoup aimé ce récit qui est un hommage à un art naissant au service de la conservation d'un patrimoine . Il nous raconte que dans la marche vers l'ouest, une population a presque totalement disparu entre la pose des rails du chemin de fer et la ruée vers l'or.
J'ai rouvert mon album de photos " native american portraits " réalisées à peu près à cette époque par de nombreux photographes américains qui ont sillonné l'ouest de leur pays pour réaliser des portraits magnifiques et paisibles, ces regards intenses qui traversent le temps et nous rappellent à travers leur disparition, notre fragilité à tous.
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Tout a été écrit dans les critiques précédentes! Alors en résumé, pour moi, s'il n'y a qu'une seule BD à lire, regarder, avoir dans sa bibliothèque, pour son scénario, ses planches, c'est celle-ci. Chaque page nous retient, la tourner est presque un regret!
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Juin 1867. St Louis : L'expédition fédérale à visée scientifique « Walker et Jackson » se met en branle...Un voyage initiatique, aussi contemplatif que méditatif, conduit un photographe portraitiste de la bonne bourgeoisie de Pittsburg à découvrir les peuples indiens des grandes plaines associés aux paysages idylliques du grand Ouest américain présentés comme autant de paradis terrestres…

« Puisse mon âme, à l'heure où je rédige ces premières lignes, être aussi légère et insouciante que celle d'un enfant qui découvre le monde »

L'heure est à la construction du chemin de fer transcontinental et son corollaire, le massacre insensé des troupeaux de bisons.
Les grandes cases monochromatiques suivent les progrès de la photographie comme autant de négatifs de plaques de verre photosensibles au bichromate de potassium, autant de témoignages de peuples disparus. Notre photographe se transforme en anthropologue des tribus autochtones sur papier albuminé au ton brun profond.

Le récit y est lent, mystique, romantique : l'allégorie d'une nature grandiose en parallèle de la découverte des peuples indiens. Tel un carnet de voyage, le récit introspectif emprunte à l'avancée des chariots bâchés: la caravane passe lentement.
Le texte y est ciselé, ponctué de rappels historiques (convoi Donner...) qui ont façonnés la légende de l'Ouest américain. Références bibliques et baudelairiennes appuient des impressions éthérées.

« Et nous alimentons nos aimables remords, comme les mendiants nourrissent leur vermine » Beaudelaire
Attention : chef d'oeuvre à lire impérativement
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Etunwan est le nom donné par une tribu indienne au héros de l'album. « Celui qui regarde » contrairement aux Blancs qui envahissent les Grandes plaines pour mieux les conquérir et les exploiter. Armé de son seul appareil photographique, Etunwan prend son temps, se pose, regarde les paysages et les hommes, puis lorsqu'il est prêt prend un cliché. Missionné par le gouvernement fédéral à des buts d'étude scientifique, il utilise la photographie, alors à ses balbutiements, à la manière d'un peintre ou d'un reporter, en tachant de respecter et de valoriser son sujet. Gagnant ainsi la confiance des tribus, Etunwan se laisse peu à peu séduire par cette autre façon d'envisager la vie, quitte à s'éloigner de sa famille et de sa communauté.
Ce récit à la fois lyrique et minimaliste, à la première personne, est porté par ce qui fait la patte de Thierry Murat : économie du texte, sobriété du dessin caractérisé par une puissante combinaison d'un noir profond et de couleurs sourdes. le jeu subtil des cadrages, l'utilisation régulière de silhouettes en ombre chinoise apportent de la force mais aussi une certaine nostalgie et une douceur à la narration.
En quelques mots, des figures à peine esquissées, l'auteur traite avec un infini talent, sans aucune lourdeur, autant l'aspect politique qu'intime des grandes conquêtes de l'Ouest américain.
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Très bel ouvrage mêlant textes, dessins, bulles (un peu) racontant une rencontre entre un photographe et un scientifique, puis entre ce même photographe et les indiens. Parce qu'il prend le temps, physiquement, de les prendre en photo, il devient celui qui regarde, celui qui témoigne, celui qui s'inquiète de l'impact de la civilisation sur ces peuples.
Magnifique.
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Une bande dessinée sur le génocide amérindien mais aussi une rencontre entre des êtres aux univers de vie extremement différents. La photographie sera le premier lien de communication entre ses hommes. Une livre sur deux philosophies de vie avec un rapport à la nature et au temps totalement opposés.

C'est l'histoire...

De Joseph, marié 2 enfant en 1867 qui s'ennuie dans sa vie de photographe portraitiste et qui décide de s'engager dans une expédition dans les Rocheuses. Avec de nombreux experts, il doit photographier cette région inconnue pour aider à la cartographier. Lors de cette expédition, il va se faire des amis, des ennemis et surtout effectuer un voyage au plus profond de lui même. Il n'aura cesse que d'y retourner, s'éloignant petit à petit de sa vie et de sa vision d'homme blanc.


Lien : https://justelire.wordpress...
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1860. Les grandes plaines américaines. Joseph Wallace, photographe, découvre les peuples amérindiens et se laisse séduire par leur mode de vie.

 Une réflexion sur la vie, la photo, l'image, l'amour et l'amitié. Des dessins magnifiques. Des références à Baudelaire, Rimbaud, Thoreau et Poe. Un chef-d'oeuvre d'humanisme et de poésie. ❤️
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