On relit ce qu'on connaît non par cœur, mais par corps; longtemps j'ai dit: j'ai plus de souvenirs que si j'avais mille pages. la relecture m'a nourri, au sens antique du mot", dit Stéphane Audeguy. (p. 113)
Patrick Chamoiseau
-les plus relus
-Cent ans de solitude de Marquez, Malemort de Glissant, -La légende des siècles de Hugo. Tout Saint-John Perse, et Césaire...-Les feuillets d'Hypnos de Char...Tout Edgar Morin..etc. Une errance dans une constellation qui constitue ma sentimenthèque. (p. 138)
Don Quichotte, on le sait, serait devenu fou à force d'avoir lu et relu des romans de chevalerie, et de s'être identifié à leurs héros. Dès le chapitre VI, le curé et le barbier du village, dans une parodie de l'Inquisition, se décident à s'attaquer à la source du mal et entreprennent de détruire la bibliothèque de leur ami égaré. Certains livres sont expurgés, d'autres écartés, la vaste majorité brûlée au beau milieu de la cour dans un sinistre autodafé, encouragé par la gouvernante et la nièce du chevalier à la Triste Figure. La pièce où reposaient les livres est murée. Lorsque, deux jours plus tard, Don Quichotte se lève pour aller à sa bibliothèque, il se trouve incapable de trouver la porte – à croire, vraiment, qu'on s'ingénie à le rendre fou.
Lâcher un livre en cours, même déjà lu, laisse toujours un goût de défaite. On se sent comme pris en défaut, pas tout à fait à la hauteur.
La relecture a certes un je ne sais quoi de nostalgique. Je relis pour retrouver les émotions et l’excitation qui ont été les miennes quand j’ai lu pour la première fois tel ou tel livre.
La relecture me fait penser à cette phrase de Valéry, qui parle du destin de devenir fragment de tout œuvre.
On invente un peu le livre qu'on lit. (Jean Echenoz, p.166)
La relecture, souvent invoquée à propos des classiques auxquels on retourne au détriment des nouveautés,serait-elle un acte conservateur qui s’oppose à la lecture ?
Quand j'ai terminé un livre qui m'a plu, je n'ose pas en entamer un nouveau, de peur que ce nouveau livre ne pâtisse de mon enthousiasme. (Agnès Desarthe)
Je ne peux plus lire si je n'ai pas un stylo dans la main, j'en suis incapable, sinon j'ai l'impression que ma lecture ne servira à rien. (...) C'est devenu une déformation gênante. Je ne lis, au fond, qu'en fonction d'une éventuelle relecture, qui se réduit en réalité à relire mes notes. Si bien que les annotations permettent d'éviter la vraie relecture. Je prends des notes pour ne pas relire. C'est une méthode d'évitement.