La vie n'est qu'un bref éclair de lumière entre deux éternités d'obscurité.
«Ce n'est certainement pas alors - pas dans les rêves - mais quand l'on est bien réveillé, aux heures de joie robuste et d'accomplissement, sur la plus haute terrasse de la conscience, que l'on a une chance de plonger le regard au-delà des limites de la mortalité. Et bien que l'on ne puisse pas voir grand'chose à travers la brume, l'on a pourtant le radieux sentiment de regard dans la bonne direction.» (p. 52)
«Chaque fois que dans mes rêves je vois mes morts, ils paraissent toujours silencieux, gênés, étrangement abattus, tout à fait différents des êtres pleins d'animation qu'ils étaient et que j'aimais. Je prends conscience, sans aucun étonnement, de leur présence dans des endroits où ils ne sont jamais allés durant leur vie terrestre, dans la maison de quelque mien ami qu'ils n'ont pas connu. Ils sont là, assis à l'écart, regardant le parquet, les sourcils froncés, comme si la mort était une noire souillure, un secret de famille honteux.» (p. 52)
Il se représente «le paradis comme un lieu où un voisin n'ayant pas sommeil lirait un livre interminable à la lumière d'une bougie éternelle» (p. 110)
«Toute ma vie j'ai eu du mal à m'endormir. J'ai beau être très fatigué, la rupture violente avec la conscience me répugne indiciblement... (p. 108)
J’ai chassé les papillons sous différents climats et dans différentes tenues : comme petit garçon mignon tout plein en culotte de golf et bonnet de marin ; comme expatrié cosmopolite et dégingandé, en pantalon de flanelle et béret ; comme un vieil homme accusant son âge et ayant pris du poids, en short et sans chapeau.
La fin est proche. Je me débats dans une détresse aiguë, cherchant désespérément à enjôler le sommeil, ouvrant les yeux toutes les quelques secondes pour retenir la lueur affaiblie, et me représentant le paradis comme un lieu où un voisin n’ayant pas sommeil lirait un livre interminable à la lumière d’une bougie éternelle.
La musique, j’ai le regret de le dire, me fait purement et simplement l’effet d’une succession arbitraire de sons plus ou moins agaçants.
Le berceau balance au-dessus d'un abîme, et le sens commun nous apprend que notre existence n'est que la mince lumière d'une fente entre deux éternités de ténèbres.
Mais c'est que toute poésie est, en un sens, une poésie de situation : essayer d'exprimer sa situation vis-à-vis de l'univers qu'embrasse la conscience est, de toute éternité, un besoin.