Aujourd'hui, je vais vous parler de cette superbe fresque qui traverse les époques et qui s'impose à nous à travers l'histoire de la négritude, de la condition des noirs dans les grands événements qui ont parsemé le siècle dernier.
L'auteur se nomme
Christophe NAIGEON. Nous nous sommes rencontrés sur une dédicace au Cultura de Rambouillet. Il a eu la bonne idée de me dédicacer son livre et de me confier un marque page sur lequel un flash code permet d'avoir accès à la musique qui baigne cet ouvrage. Car c'est avant tout un livre musical, qui raconte le blues et le jazz et se « symphonise » des mots qui rythment les phrases. J'y reviendrai.
La couverture m'intriguait avec le visage de ce personnage noir. Je lui demandai quel était son rapport à l'Afrique et il me confia qu'il était un ancien grand reporter, il avait donc traversé de nombreuses régions. Pour ma part, le lui parlai de mon expérience à Butaré, au Rwanda. « Butaré ? me dit-il. Je connais ». Là, je dois dire que j'avais été un peu scotché car je suis sûr qu'il n'y a pas une personne sur 1 million qui connaisse Butaré. « J'y étais en 1994. » L'année du génocide, celle qui avait rendu ce pays tristement célèbre aux yeux du monde. Ce gars-là savait, c'est sûr, de quoi il parlait. Cela ne rendait son oeuvre que plus intéressante.
Bon revenons à nos moutons. le roman démarre à la fin de la guerre de 14, dans les tranchées. Mais il démarre surtout sur les rythmes du tam tam qui rebondissent dans le cerveau du personnage central, Jules Canot et qui ne vont pas le quitter jusqu'au mot fin.
« Aveugle. Sourd. Sans corps, juste un battement primaire quelque part là-haut. Dundumba, dundumba. Un tronc vide qui résonne. Tronçon d'arbre creux sans branche ni racines, afzelia dont on fait ces tambours wolofs aux noms sonores qui tapent fort dans sa tête. »
On est immédiatement happé par la violence et l'âpreté des conditions de vies des soldats dans la boue et l'humidité des combats. On suit ce régiment de noirs américains qui se fait remarquer par son courage, son sens de la fête comme sa propension à créer du jazz et dont les hautes sphères dirigeantes ne veulent pas. Fin de la 1ere partie. Puis l'auteur nous embarque de l'autre côté de l'Atlantique, dans l'Amérique des années 20 et l'on commence à parler des liens entre ce continent et l'Afrique, celle des esclaves et de la soumission.
Joséphine Baker est une figure de cette période que notre héros côtoie et avec laquelle il a une liaison. Tout est magnifiquement bien décrit.
Ensuite, retour en Afrique, au
Libéria notamment, devenu la terre d'accueil des anciens esclaves revenus sur leur continent originel, tout cela sur fond de manipulations, de traitrises.
L'auteur n'a pas son pareil pour mettre la musique en mots et nous présenter son intime message. Il sait également avec beaucoup d'érudition nous parler de politique et des enjeux qui se cachent derrière certaines décisions. Enfin, les atmosphères sont très bien rendues et on a l'impression de les vivre avec les personnages. Il y a pourtant des fossés gigantesques entre la France des années folles et la jungle du
Liberia mais le narrateur y est parfaitement à son aise et il sait nous y entraîner sans jamais nous lâcher.
Si vous aimez l'Afrique, si vous aimez le jazz, si vous aimez l'histoire ou si simplement vous êtes curieux de ces choses là, ce livre est fait pour vous. Laissez-vous emporter dans un voyage qui restera gravé dans votre mémoire.