Septembre 1945 – Septembre 1947. le temps s'accélère. Un an après les bombardements atomiques, les survivants de la famille de Gen sont enfin réunis, dans des conditions toujours plus misérables. La joie des retrouvailles permet seulement de compenser les difficultés à se procurer les denrées alimentaires nécessaires pour combler de nouveaux estomacs. L'alimentation est toujours au coeur des conflits de ce Japon dévasté et laissé à l'abandon. L'absence des hommes politiques n'a jamais été plus frappante que dans ce quatrième volume alors qu'à l'internationale –la notice en fin de volume nous en informe-, le Japon cherche à racheter son image, adoptant un comportement extrêmement ambivalent à l'égard des Américains. D'ailleurs, ce sont surtout ces derniers qui s'approcheront au plus près des rescapés de la bombe atomique.
Dans ce volume, les soldats américains constituent la population étrangère qui nourrit tous les fantasmes et toutes les histoires les plus nauséabondes. Ils se montrent prolixes et s'amusent de l'enthousiasme qu'ils suscitent lorsqu'ils jettent des paquets de chewing-gums aux pieds des petits japonais affamés, mais peuvent devenir redoutables lorsque ces mêmes japonais, que les bonbons auront fini de mettre en appétit, essaient de pénétrer leurs campements pour dérober les boîtes de conserve et de lait qu'abritent leurs cuisines. L'américain est aussi un outil de promotion sociale : certaines jeunes japonaises l'ont bien compris, qui se prostituent pour faire vivre leur famille.
Dans la lutte pour l'alimentation, les villes dévastées, laissées à leur libre gouvernement, voient se multiplier les clans de « yakusas ». le crime s'organise, devenant la tentation et la crainte de ceux qui ont encore assez de force et de courage pour survivre. Ce n'est, bien entendu, pas le cas de tout le monde, et
Keiji Nakazawa ne s'étonne même plus des victimes qui continuent à se déclarer, deux ans après la guerre atomique.
Ce qui a déjà été dit à propos des volumes précédents de Gen sera confirmé une fois encore. Cette série apprend à son lecteur ce que peu de livres sur les bombardements japonais de 1945 ne pourront jamais lui apprendre. On comprend mieux pourquoi : au cours des années durant lesquelles Hiroshima et Nagasaki furent livrées à elles-mêmes –ou presque- seul un survivant et témoin direct des évènements pouvait nous transmettre l'exactitude de son expérience. Parce que celle-ci semble authentique, qu'elle ne cherche jamais à appuyer les traits ou à se laisser aller aux plaisirs de digression artistiques, elle ne sonne jamais faux et impressionne par cette juxtaposition de la gravité des évènements et de la légèreté des attitudes.
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