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La Blessure est un livre de mémoire sur la Guerre d'Algérie.

A l'instar de la Seconde Guerre mondiale où il a fallu attendre plusieurs décennies avant que les langues se délient pour faire oeuvre de mémoire, ce n'est que depuis quelques années que le silence des familles se transforment en témoignages donnant aux écrivains des outils pour construire des romans sur la Guerre d'Algérie.

C'est ainsi que Jean-Baptiste Naudet s'empare de son histoire personnelle pour réparer les silences, les non dits sur la Guerre.

Pour sauver son fils ,Jean-Baptiste, qui sort d'un séjour en hôpital psychiatrique où il était soigné pour des troubles post traumatique de guerre, son père lui remet la correspondance que sa mère a eu avec son fiancé de l'époque pendant la guerre d'Algérie. Cet échange épistolaire l'aidera à comprendre sa blessure et les raisons qui le pousse à participer aux grands conflits de notre époque en tant que grand reporter.

C'est avec émotion que je referme ce roman qui nous fait réfléchir sur l'absurdité de la Guerre . Malgré l'atrocité des combats , les hommes continuent à se battre. Est-ce le propre de l'homme?

Merci Jean-Baptiste Naudet pour ce beau roman. Je lui souhaite un beau succès en librairie. Pour ma part, je le conseillerai vivement à tout mon entourage.
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« La guerre, c'est la vérité de l'homme mise à nu, dans toute son horreur, dans toute sa bassesse, toute sa grandeur, toute sa beauté. »


Danièle, la mère du narrateur perd la raison. Elle sombre dans une profonde dépression. Quand elle avait vingt ans, Robert, son fiancé est mort en Algérie lors de la guerre du même nom.
Des années plus tard, le narrateur, est lui-même reporter de guerre et en plein questionnement sur lui, son métier, ses choix…Il est hanté par le destin du fiancé de sa mère, jusqu'à s'identifier à lui.

Roman protéiforme, et à trois entrées, la blessure pose un regard général sur la guerre, son absurdité et ses horreurs.
La blessure, est également le magnifique portrait d'un jeune couple promis à un avenir heureux, deux jeunes gens amoureux dont la correspondance ici intégrée au roman montre la force et l'éclat d'un amour de jeunesse brisé lors d'un conflit qui les dépasse.

En outre, on y découvre comment Robert va "investir" ce conflit, on va appréhender son regard sur l'Algérie et ceux qu'il est sensé combattre. Robert, tout en étant un soldat loyal, a son propre ressenti, son humanité, et sa culpabilité à fleur de peau.

Enfin, ce roman est aussi le repositionnement d'un homme, le narrateur, qui au travers de cette correspondance découvre le parcours de sa mère, "son jardin secret", "sa blessure". Sans doute que cela lui permet de comprendre son choix que d'être reporter de guerre, "l'envie d'aller au casse-pipe"

De ce livre j'ai tout aimé ; la grandeur d'âme De Robert, la beauté presque candide mais si profonde des amours ente Robert et Danièle ; la mise à nu du narrateur qui cherche à comprendre autant la dépression de sa mère que son propre mal-être. La force de Danièle, qui même détruite saura à nouveau aimer et reconstruira une vie.

J'ai aimé la forme de ce roman : multiple, sur plusieurs plans ; tantôt sur le mode du "Je", tantôt sur le mode épistolaire et intime ou sur le mode plus journalistique.
Sans oublier cette plume précise, ciselée, qui sait se faire cruelle ou violente, et à contrario tendre et câline.
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Je suis tombée par pu hasard sur ce livre et je ne regrette pas ! Je n'en avais jamais entendu parler et je me demande «mais Pourquoi on en parle pas ??? » Peut être parce que dans ce livre, est retranscrit des détails tabous sur la guerre l'Algérie ? Soit. Je l'ai lu, l'ai dévoré. J'ai adoré. 😉 « La blessure » est en fait, plusieurs blessures.
Ce livre est touchant de par l humanité qui s'en reflète, de tout l'amour retranscrit à travers les lettres échangées entre Robert et Danielle, mais également l'amour qu'un fils porte à sa mère. ❤️ Ces 3 vies sacrifiées par l'horreur de cette guerre d'Algérie.... des vies bousculées, des esprits tourmentés. La guerre étant le fil rouge du récit, on ne parle pas seulement de ça. Mais de ce qu'il y a après. de ceux qui la subissent encore, dans leur tete, dans leur coeur.... 😔
Ce livre est dans la catégorie roman, mais en fait, c'est une histoire vraie. Elle a existé.
J'en ressors avec de l'émotion, de l'amour, du pardon, de la compassion et de nouvelles connaissances sur cette guerre. Je vous le conseille vivement. Se serait bien que ce récit soit plus connu. Il le mérite amplement !
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Beau roman, émouvant, bien écrit. Trois tragédies entrecroisées, la première expliquant les deux autres, dont l'entrelacement se suit bien dans l'ensemble. La narration se déploie essentiellement à travers la principale des trois séries de lettres ou récits : les lettres De Robert, appelé pendant la guerre d'Algérie, qui constituent la meilleure part du roman.
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Ce n'est pas un roman de plus sur la guerre d'Algérie, c'est une introspection cruelle, une plongée dans l'âme humaine. "La blessure" se lit comme un polar mais on n'en ressort pas indemne.

Au départ, il y a ce jeune homme de vingt ans, Robert, mobilisé pour l'Algérie, fiancé à Danielle. En se quittant les amoureux promettent de s'écrire pour rester ensemble. Jusqu'au jour où Robert tombe dans le Djebel, fauché par un tir de chevrotines.

Danielle va sombrer dans la folie devant les yeux de son fils, Jean-Baptiste. Pendant des années, Jean-Baptiste devenu grand reporter de guerre va courir après la mort, au Kosovo, en Afghanistan, en Irak, il affronte ses traumatismes jusqu'à échouer à l'hôpital psychiatrique.

Alors il décide de commencer un carnet de reportage "sur moi-même " La nuit, écrit-il, je sens souvent deux yeux noirs, écarquillés de terreur, qui me fixent. Je suis dans un taxi dans le sud de la Serbie, on avait décidé de couper les lignes pour aller plus vite, mais le chauffeur devait emmener sa fille comme une sorte de garantie... Elle a 7ans. On se fait allumer à l'arme automatique, le chauffeur fait demi tour. On fait alors un long et très couteux détour. Au retour, le journal se plaint de ma note élevée de taxi !

Au long de sa quête, Jean-Baptiste a récupéré les lettres des fiancés , ces lettres le bouleversent, elles ont la même odeur de mort que ses cauchemars, comme s'il s'identifiait à Robert dans le Djebel quand ses hommes perdaient les pédales, "ceux que cette guerre des nerfs avait rendu fous, ceux qui ne disent même pas les felles, mais les crouilles, les melons, les bougnoules, ceux qui sont aveuglés par la peur et par la haine. Robert sait qu'il est impossible de les arrêter, ils lui tireraient dessus. Ils l'ont déjà fait."

La guerre fait plus que des morts.
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L'amour, la folie, une guerre. Un tel sous-titre ne pouvait que laisser présager un livre écrit dans le sang et dans les larmes, d'une authenticité bouleversante, une aventure humaine extraordinaire, à laquelle je n'étais absolument pas préparée. Ce sont justement ces dernières qui sont les plus belles, les plus vraies. Ce sont celles aussi qui vous transpercent le plus le coeur de par leur vérité et la force de leur voix.

Au coeur meurtri, déboussolé mais aussi battant extrêmement fort et juste de ce livre, deux récits de guerres plurielles, deux destins séparés dans le temps et dans l'espace, et pourtant profondément liés par les sentiments et relations humaines, notamment par une étoile qui se prénomme Amour. La confrontation avec la Guerre est aussi le fil rouge de ce récit, qui va tisser ce dit lien d'apparence totalement inexistant mais qui est en réalité tout ce qu'il y a de plus évident et authentique, qui ne peut être nié ou brisé.

Ces deux destins, ce sont ceux, d'un côté, de Robert Sipière, tout juste vingt ans en 1960 alors que la guerre d'Algérie bat son plein ; de l'autre, celui de Jean-Baptiste, que l'on va suivre de l'adolescence à l'âge adulte. L'un va être envoyé au djebel pour combattre les "bougnoules" (rien que d'employer ce surnom qui est devenu beaucoup trop usité à mon goût, j'ai envie de pleurer et d'enfouir ma tête dans le sable comme une autruche à tout jamais) sans avoir vraiment rien demandé, l'autre va vivre, au contraire de l'existence fulgurante du premier, une vie de tourments à regarder constamment la guerre en face, tout en étant dégoûté de lui-même d'être ainsi obnubilé par l'Horreur. Une sensation de dégoût mêlé de fascination, celle de comprendre et de saisir un sens qui n'a pas lieu d'être, à laquelle je m'identifie fortement et dans laquelle je me retrouve, indubitablement.

Alors que ces deux hommes que rien ne prédestinait à avoir ne serait-ce qu'un point commun se retrouvent embrigadés et empêtrés dans le bourbier innommable qu'est la Guerre, alors que cette immondice les répugne au plus au point, en tout, impossible pourtant de s'en défaire. On dirait comme une seconde peau qui leur colle au corps. Ou plutôt comme une prison inviolable qui les enferment dans leurs pensées contradictoires, entre devoir de servir son pays et devoir de savoir, devoir de combattre pour que cessent tous les conflits. La guerre pour mettre fin à toutes les guerres est une idée stupide, n'est-ce pas ? Et pourtant, cette dernière se répète inlassablement, tel un disque rayé... « Comment échapper à un tel cercle vicieux ? », semble nous demander ce livre qui met toujours le doigt sur ce qui fait mal, et qui appuie bien fort sur la plaie.

Comme le chante si bien Nino Ferrer, ils ne savent pas quoi faire. le message véhiculé par Jean-Baptiste Naudet semble en effet en parfaite adéquation et harmonie avec la chanson bouleversante du célèbre chanteur au destin si tragique, lui aussi tué par ses démons d'une autre manière et dans d'autres circonstances (Vraiment ? La guerre gronde partout, même dans notre tête. Surtout dans notre tête à vrai dire), de Robert Sipière : "Un jour ou l'autre il faudra qu'il y ait la guerre/On le sait bien/On n'aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire/On dit c'est le destin". Dans le roman La Blessure, le Sud de Nino Ferrer devient la Kabylie des Algériens, ces montagnes à la géographie si particulière, si atypique de ce pays, si caractéristique de toute une nation, que les Français vont transformer en bains de sang de ceux qu'ils osent affliger du surnom insultant de "crouilles" et de bien d'autres noms d'oiseau qui ne méritent guère d'être prononcés.

Ce récit, qui nous laisse à bout de souffle à la dernière page tournée et à l'ouvrage refermé, se construit de la façon suivante : linéarité avec l'histoire de la vie de Jean-Baptiste, en prenant pour point de départ l'année de la Révélation du secret, qui jusqu'alors représente l'Épée de Damoclès qui plane au-dessus la vie familiale, du coeur de Danielle, 1980, jusqu'au point d'arrivée qu'est 2004, l'année de l'Aveu, à soi-même et aux autres. L'année de la Tentative ultime de compréhension, d'appréhension de la Folie, avant l'Abandon et la Délivrance : l'Acceptation du Pardon.

Le tout est éclairé par la propre expérience de guerre De Robert, reconstituée par Jean-Baptiste grâce au matériau précieux que lui a confié son père si généreux et si plein d'abnégation, Gilles, cet ami dévoué, résolument fidèle, et qui pense toujours aux autres, à leur protection, avant de penser à celle de son coeur, de ses sentiments, et de ses propres envies, que représente la correspondance que sa mère entretenait avec son ravissant fiancé à cette époque de leur prime jeunesse. Jean-Baptiste nous offre même le privilège de nous divulguer le contenu de cette correspondance qui vaut tous les trésors du monde, petit bout par petit bout.

L'assemblage de ces trois récits en un (enfin, ceux De Robert et Danielle ne font qu'un tous les deux), loin de dérouter le lecteur de son intérêt croissant pour cette histoire familiale et qui traite avant tout d'Humanité au fil des pages, fait toute la force et la richesse de cette gigantesque Blessure béante, à coeur ouvert, qui s'épanche de larmes de sang intarissables. Elle est tel un trou abyssal, un gouffre de souffrance et de peine inconsolée sans fond qui nous emporte instantanément, qui nous fait sombrer et remonter à la surface, à court d'air et revigorés. En plus de cela, Jean-Baptiste Naudet accomplit l'exploit de canaliser ce chagrin face à la perte de la lucidité puis de la vie qui nous dévore tous, tel un David incapable de vaincre Goliath. Il réussit à condenser ces démons de mort, de cruauté et de culpabilité qui nous rongent et qui nous gangrènent l'âme, jusqu'à en laisser à peine des trous dans un gruyère périmé. de maigres trous de bon sens et d'espoir qui tentent avec leur peu de forces de s'élargir, de résister. Et ils y parviennent, tel le rayon de soleil qui perce l'épaisse obscurité. On est bien peu de choses, in fine. Cependant, Jean-Baptiste Naudet arrive à résumer la nature humaine, ses interrogations entêtantes, mais aussi sa capacité délirante à croire au Bien ou à perpétrer le Mal, avec le nombre de mots et de pages suffisant. C'est déjà bien assez de torture comme ça.

Sous sa plume naissent ainsi des personnalités complexes, néanmoins tout ce qu'il y a de plus réel, et scindées en deux : l'Ombre et la Lumière.

C'est ce qui émane de la plume à fois si puissante et qui va droit au vrai de Jean-Baptiste Naudet. Là où tout ne paraît être que confusion, c'est en réalité limpide comme de l'eau de roche. C'est ce qu'il m'a semblé en tout cas, c'est comme ça que je le ressens après lecture. Chaque être est tiraillé, déchiré même, entre son Docteur Jekyll, sa façade lisse, douce, simple, et son Mr Hyde, l'être en proie à ses pires démons et à sa rage la plus destructrice. La figure de la Mère, qui est censée jouer le rôle de Doctoresse, va devenir le véritable antidote du poison de la Guerre dont est contaminé son fils avant même sa naissance. Ça tombe bien, elle est pharmacienne, tout un symbole. Cette mère est sûrement la figure la plus magistrale de tout le roman. On fait la connaissance d'abord d'une Danielle léthargique, aux prises d'une lassitude extrême face à ce monde qui ne tourne plus rond depuis belle lurette, et qui ne trouve même plus les mots pour exprimer la colère qui la consume au plus profond de son être meurtri. Elle qui s'est tant battue pour élever ses enfants dans un amour qu'elle croyait avoir résolument perdu, elle baisse les bras.

Cette femme autrefois si forte, si admirable, lorsqu'elle en était à l'aube radieuse, grandiose, de ses vingt printemps, ne trouve plus que le mot "Bêtise" (pour ne pas utiliser le vilain mot) à susurrer d'une voix éteinte, d'outre-tombe, qui revient d'aussi loin que là où se trouvent les Kabyles tués par Robert et ses hommes, là où repose Robert lui-même, ainsi que le fidèle, vaillant gaillard, bon vivant, toujours présent pour ses camarades, Roux. C'est avec beaucoup d'émotion et avec une grande fébrilité que l'on lit les lettres débordantes de vie et de tendresse qui redonnent à Danielle son unique voix, la seule qu'elle ait jamais eue.

La voix affirmée d'une jeune femme magnifique et chérie par son bien-aimé ; elle lui rend cet amour transcendant au centuple. Elle le réconforte, elle lui fait part de tous les efforts qu'elle fournit, de son travail acharné pour leur assurer un nid douillet, elle lui rappelle qu'il est vivement attendu à la maison, là où se trouvent leurs deux coeurs esseulés. Tous les deux savent que rien n'est certain, que l'issue est fatidique. Ils n'ont véritablement été qu'un une seule fois, à leur grand désarroi, et cela nous brise le coeur de comprendre que ce qui aurait dû être la promesse d'une vie à deux, féconde, longue et sereine, a vu son éclat se tenir et être finalement anéanti dans le firmament de la nuit d'apparence sans étoiles, sans lueur, de la Guerre d'Algérie.

Et malgré tout, malgré la fin qui menaçait à chaque instant de s'ouvrir sous leurs pieds pour engloutir tout ce qui était important et vital à leurs yeux, Danielle et Robert, ces deux amants, amoureux superbes, sont devenus les étoiles l'un de l'autre. Ils se sont transformés en une seule et même étoile, comme s'ils n'avaient jamais été séparés, comme s'ils n'avaient toujours été que de l'Amour à l'état pur, pour toujours et à jamais, de façon irrémédiable. Cette étoile n'a au fond jamais cessé de briller, toujours plus fort, tel un héritage impérissable d'un amour qui a réussi à vaincre la mort. Cette étincelle, c'était celle de leurs retrouvailles dans un pays étranger, qui n'était pas le leur et où les troupes de l'armée française ont commis les pires atrocités : violer un pays, sa culture, ses paysages dignes du jardin d'Eden, noyés dans le carnage du sang de l'Enfer, la dignité et l'honneur de ses hommes fiers et courageux, le corps de ses femmes, la jeunesse et la vie, la liberté de ce peuple... C'est la France qui, à ce moment-là, a tout sali, a sali aussi notre nom, qui est devenue HLL (Hors-la-loi), et qui est à l'origine de l'abomination perpétrée. Nous sommes inéluctablement coupables.

Cependant, au-delà de cette honte cuisante qui nous brûle tel un fer rouge sur la peau, au-delà de l'indignation et de la colère grondante face à tant de sang innocent versé, ce que je retiendrai avant tout, c'est la touchante et sincère humanité de Danielle et Robert, leur immense sensibilité, leur humilité désarmante, et leur demande de pardon. Pardonnez-nous, tel un cri du coeur, du plus profond de l'âme.

Et c'est Jean-Baptiste qui va répondre à ce cri déchirant enfermé dans des lettres qui irradient l'amour sans limites, sans frontières, dissimulé dans des phrases qui expriment l'irrépressible besoin de l'être aimé, de se raccrocher à ce qui donne du sens à notre vie et à toute cette galère, où la haine, la vengeance et ce désir sorti d'on-ne-sait-où de tuer du "fellouze" (une autre appellation tout à fait abjecte) finit par tirer inlassablement sur le fil de notre existence et par tout réduire à néant. Jean-Baptiste nous prouve in fine le contraire, que ce néant est en réalité rempli d'un cri immense, qui nous dépasse totalement. Son cri à lui, c'est d'abord celui de l'adolescent en colère, qui en veut terriblement à sa mère de n'avoir pas su maintenir la quiétude du foyer, et qui a pour souhait de mener la guerre à l'idée même de la faire. Chose selon lui de prime abord tout à fait impossible, impensable, et peu enviable. La Guerre gronde en chaque homme et le fascine. On veut même lui faire la guerre (lui faire elle-même en somme), tiens ! Après avoir lu (dévoré plutôt) tant de livres sur le sujet, des grands classiques de tout temps, la soif de Jean-Bapt est intarissable. Il franchit ainsi la limite entre l'encre et le papier et la chaire à canon et le sang, et ainsi commence sa carrière de reporter de guerre.

A travers les yeux écarquillés tout grands par l'horreur (pires que ceux d'Alex dans Orange Mécanique) de Jean-Baptiste, le souffle toujours aussi court (je me demande comment j'ai fait pour respirer en lisant ce roman), nous allons ainsi voir défiler les paysages dévastés par les bombardements d'obus, les terrains minés, par le son des kalachnikovs, les tanks militaires des ex-pays communistes ; le sang d'hommes, de femmes et d'enfants par milliers déversé par les haches et les machettes sur et dans le sol du Rwanda ; dans les entrailles de ces terres souillées par la peur et la menace à tous les coins de rue, à peine sorti de chez-soi, comment reconstruire un monde viable ? le cri qui voyageait au-delà de la mer devient un maigre filet de voix atterré, susurrant, incrédule, un "pardon" quasi inaudible.

Et pourtant, je l'ai entendu, au plus profond de mon être, comme s'il avait été prononcé par une voix de titan et adressé au soleil. Ce soleil de Kabylie dont Robert avait fini par apprécier la clarté et la chaleur, ce soleil dans le coeur des gens, dans le coeur et la façon d'être de ces montagnards comme lui, qui lui ressemblaient beaucoup en fin de compte. Et cette bonté, et cette clarté qui se dégageaient De Robert, elles brillaient également dans les étoiles du ciel de Tchétchénie, de Crimée, de Croatie, du Rwanda, de Paris, de Fontainebleau, j'en suis persuadée. Simplement, à force de se crever les yeux mutuellement, on ne pouvait plus y voir clair, forcément. Ce livre nous force à regarder et à écouter les coeurs et les âmes qui saignent. Et c'est une bonne chose. Alors, faisons-le.

Au nom de la patrie française, je vous demande pardon,

Au nom de tous les amoureux qui voulaient juste s'aimer et être ensemble en paix, je vous demande pardon,

Au nom de la stupidité humaine, je vous demande pardon,

Au nom de la cruauté inexplicable de certains êtres, je vous demande pardon,

Au nom de cette banalité qui ne devrait être tolérée, je vous demande pardon,

A ce peuple farouche et fier de ce qu'il est, qui voulait juste être libre et respecté, je vous demande pardon,

A tous les Algériens, et à tous ceux qui souffrent aujourd'hui encore des affres de la guerre, je vous demande pardon,

Sincèrement pardon.

Signé une jeune fille qui a foi en l'humanité, en la bienveillance envers autrui, et qui ne cessera jamais de chercher des réponses.
Lien : https://lunartic.skyrock.com..
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Premier roman, objet littéraire original servi par une écriture ciselée, travaillée au corps pour rendre au plus juste les émotions et un sens du détail qui donnent au recit sa justesse et son ancrage dans la réalité, La Blessure est sans doute un des plus beau livre pour comprendre la guerre et ses ravages sur les hommes. Et un formidable témoignage sur la guerre d'Algerie.
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Ce roman m'a profondément bouleversée. Il s'agit d'un réquisitoire contre la guerre. L'incipit évoque une blessure, celle de la mort De Robert, jeune appelé durant la guerre d'Algérie. Celui-ci était le fiancé de la mère de l'auteur, Danièle. Une blessure qui se transforme en folie lorsque les souvenirs de sa mère sont insurmontables. Jean-Baptiste NAUDET subira cette blessure de plein fouet et partira sur des zones de guerre en reportage, frôlant la mort, narguant le danger, spectateur de tueries d'une sauvagerie inouïe. Il affrontera sa propre folie, interné à son tour pour affronter ses démons. Pour remonter le temps et comprendre l'origine de ce gâchis, l'auteur publie les lettres échangées entre sa mère et Robert. Pour une fois, le conflit algérien est vécu de l'intérieur, et donne la parole à un jeune appelé, sacrifié comme beaucoup d'autres dans une guerre absurde et perdue d'avance.
Cette écriture est lucide et émouvante. Dans ses lettres à Danièle, Robert s'interroge et ses doutes résonnent en chacun de nous. D'un côté, il déborde d'amour pour Danièle, un amour qui le fait tenir. Mais il fait aussi le douloureux constat qu'il est capable lui aussi de tuer par peur, par réflexe, pour sauver ses camarades. La guerre peut transformer chacun d'entre nous en tortionnaire ou une sorte de héros prêt à se sacrifier pour les autres.
Ce livre décrit beaucoup d'horreur de massacres, de sang... âmes sensibles : s'abstenir! Un texte remarquable qui résonnera longtemps en moi!
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Deux histoires parallèles et pourtant liées: celle de la relation épistolaire dans les années 60 de Danièle et Robert. Ce dernier est parti faire la guerre d'Algérie. Et celle de JB, l'auteur, fils de Danièle et reporter de guerre.
Un bon travail documenté. Beaucoup de sensibilité et d'émotions dans ce magnifique témoignage -roman. le style est fluide, il se lit facilement.
Une bonne alternance entre les années 60 et 2000.
Très vite, on va savoir que Robert ne reviendra pas. À partir de là, Danièle va peu à peu sombrer dans la folie à cause de la perte de son grand amour. Même le fait d'épouser son meilleur ami et avoir un enfant ne l'aidera pas à aller mieux.
Parallèlement, Jb va aussi subir le stress post traumatique suite à toutes les horreurs qu'il aura vécu, vu. . Un sentiment étrange, comme si l'histoire se répétait..
Une relation particulière s'instaure rapidement entre jb et Danièle quand celui-ci lui annonce qu'il veut être reporter de guerre. Une montée en tension progressive jusqu'à ce dernier jour pour Robert.
Ses lettres sont empreintes d'amour. Il sait bien qu'il ne reviendra pas mais il continue à vouloir faire des projets avec Danièle pour s'évader un peu de toutes les horreurs mais aussi pour la protéger. On retrouve une sensation de mal être, d'incompréhension, De Robert, pour cette guerre dont il ne comprend, ni les actions menées. Une guerre "inutile"..
L'auteur a effectué une bonne analyse de cette guerre, analysant les actes et les comportements de chacun des deux camps.
J'ai beaucoup appris sur cette guerre alors que je ne connaissais que peu de choses de celle-ci.
Au début, je l'appréhendais un peu. Je ne suis pas fan de romans historiques, la guerre n'est pas un thème dont je raffole.
Pourtant, j'ai été happée par la puissance des mots, la puissance de sincérité, la puissance des émotions, la puissance de la stupidité de cette guerre.
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Un roman autobiographique apparemment. La guerre. Les guerres. Et ce qu'elles font aux et des humains.
A 20 ans, Robert est appelé en Algérie et doit laisser en France sa fiancée, Danielle. Lorsque le fils de celle-ci, Jean-Baptiste, découvre les lettres qu'elle a échangé avec ce fiancé, il comprend l'égarement progressif de sa mère. Une folie qu'il a reçue en partage, lui qui a choisi d'être reporter de guerre et de se nourrir des innombrables conflits de la planète. Dans ses lettres à Danielle, Robert s'effraie d'aimer les patrouilles et l'aventure guerrière. Conscient de participer à une guerre inique, il est effaré d'y trouver du plaisir. Des décennies plus tard, c'est peut-être cette même exaltation que recherche Jean-Baptiste, en choisissant d'être témoin de la guerre. Jusqu'à la nausée. Jusqu'à la folie.
Que sommes-nous pour être à la fois capables de tant d'amour et de tant de violences ? de quelle nature est cette presque complaisance envers la destruction et la mort ? Qu'est-ce qui nous guide et nous anime fondamentalement ? Sur quoi se fondent nos choix ? Ces questions lancinantes hantent ce récit spasmodique. Sa construction, qui met en contraste les pires monstruosités et la délicatesse de l'amour, reflète les convulsions auxquelles sont soumis les personnages. L'écriture se plie aux mêmes soubresauts : descriptive et concrète jusqu'à l'écoeurement pour les scènes de guerre, poétique et tendre pour les lettres d'amour, nerveuse et sèche pour évoquer la folie. de cette histoire familiale et intime, l'auteur fait une réflexion sur ce qui détermine nos choix, sur les héritages qui nous fondent, nous inspirent ou/et nous enferment, sur l'attrait qu'exerce la guerre sur ceux qui savent pourtant qu'elle va les broyer.
Un roman qui m'a durablement marquée !
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