Si je devais qualifier
Tsutomu Nihei avec un seul mot, j'utiliserais celui de ''génie''. Découvrir ''BLAME!'' et ''
NOiSE'' a été une véritable claque pour moi, un glauque émerveillement sans précédent.
Nihei n'est pas un mangaka, il n'invente pas une histoire, il ne créé pas des personnages et des intrigues, non.
Nihei fait partie de ces personnes rares, dotées d'une vision artistique qui tient du génie. Dans le panthéon de ceux qui n'inventent pas mais qui font vivre, il se tient au côté des plus grands, comme
Hans Ruedi Giger, Zdzisław Beksiński ou
Clive Barker.
Nihei semble habité par un autre monde, un autre monde qu'il nous livre sans retenue, sans filtre, sans chercher à plaire.
Nihei, c'est une claque en pleine tronche.
Dans la droite ligne de ''BLAME!'' et ''
NOiSE'', ''Abara''(dont on peut se demander s'il s'agit là d'un hommage à
Clive Barker) est une citée morte-vivante, un dépotoir de charogne où l'humain pourrit entremêlé au béton, aux câbles et aux entrailles de métal et de machine. Remballez vos espoirs, la ville est déjà morte, l'humain aussi. Ceux qui survivent ne le feront pas longtemps, ils auraient bien mieux fait de mourir plus tôt.
Architecte avant de devenir mangaka,
Nihei nous offre un dessin d'une beauté absolue, une ville colossale et nécrosée, un sentiment de vide qui vient illogiquement se mêler à la claustrophobie. Les paysages confinent au désespoir, ils sont comme des apparitions morbides d'un peuple tout entier qui a déjà rejoint l'autre monde depuis longtemps. Mais quel autre monde ? Celui de ces monstres noirs et blancs, symbolisme d'une création/destruction à ce point emmêlé qu'on ne sait plus guère qui vit et qui crève ? Sans doute, et c'est là le génie de cet homme. Oubliez les cyberpunk lissé et autre post-apocalyptique mignonnet,
Nihei détient la clé qui mène à l'horreur, et il ne compte pas refermer la porte pour vos beaux yeux.
De-ci de-là, le manga nous livre son horreur tout en rendant hommage à d'autres génies de son acabit. Les monstres organiques de Gieger et Beksiński se mêlent aux surfaces lissées. Mais après tout, même un immeuble cache des entrailles... Bien des personnages ont des ressemblances avec les Cénobites du ''
Hellraiser'' de
Clive Barker, au point qu'on se demande si une petite balade dans le Labyrinthe de Léviathan ne nous sera pas imposée en cours de route. Coup de génie, cette architecture ultra-moderne se paye même le luxe de lorgner du côté du superbe ''Dark City'' de Alex Proyas. Alors allons-y, synthonisons tous, mes frères...
En conclusion, je dirais que ''Abara'' ne se comprend pas, il se ressent dans ses tripes. Il ne se lit pas, il se vit. Pour le meilleur et pour le pire. Bienvenue dans l'antre des sublimes cauchemars.