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Critique de Charybde2


D'une enfance horriblement maltraitée à une survie puis à une construction bien différente, le bouleversant roman d'un itinéraire de salut – notamment par la grâce de l'imaginaire.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/04/22/note-de-lecture-le-syndrome-du-varan-justine-niogret/

Récit d'une enfance violemment saccagée (selon le terme très juste utilisé par Chloé Delaume, et l'on sait que l'autrice du « Cri du sablier » s'y connaît en la matière) – on oserait presque méthodiquement saccagée, si le mère et la mère de la narratrice ne se distinguaient, en dehors notamment de la pédophilie (très) mal réprimée de l'un et de la perversité (éclatant à l'occasion en syndrome de Münchhausen par procuration) de l'autre, par leur extrême bêtise, évidente et abyssale -, « le syndrome du varan » n'est pas seulement un roman suffocant (selon le mot de Raphaëlle Leyris dans le Monde des Livres), un hurlement construit de rage et de colère – dont on trouverait de puissants échos du côté de la « Chienne » de Marie-Pier Lafontaine, de « L'inamour » de Bénédicte Heim, ou du « Dans ta sévère fontaine » de Véronique Emmenegger – : il s'agit aussi – et peut-être même surtout – d'un roman qui explique, paradoxalement presque sereinement, bien des années après les faits, le chemin d'une échappée et d'une construction, face aux abus des deux parents, ensemble ou séparément, et face aux graves manquements des institutions censées protéger (un passage particulièrement cruel traite ainsi des empathies honteuses allant du côté des bourreaux plutôt que des victimes).

« le syndrome du varan », avec cette métaphore centrale si puissante, si sauvage, est un récit de survie, de survie reptilienne, qui se transforme, du haut des bientôt quarante ans de la narratrice, en celui d'une éclosion progressive, où la musique, le jeu et l'imaginaire jouent un rôle déterminant. Contre toutes les censures conscientes ou inconscientes, mais toujours bien-pensantes, qui brocardent le jeu vidéo et la littérature dite d'évasion, quelque chose de fort – de résistant et de progressivement souverain – prend forme sous nos yeux, contre toutes attentes raisonnables face à une telle débauche de bêtise et de méchanceté dirigées contre leur proie initiale. Discrètement, au fil des reprises de souffle face au déferlement de l'horreur domestique, des références s'installent, une culture et une personnalité se construisent – et un talent littéraire magnifiquement hybride émerge. Et l'on pourra alors, comme le suggère malicieusement l'autrice dans un bel entretien de 2018 avec le Triangle Masqué (à lire ici), lire le roman une deuxième fois en écoutant Amon Amarth ou les Hatebreed.

Publié en mai 2018 aux éditions du Seuil, première incursion de l'autrice hors des littératures de l'imaginaire étiquetées comme telles, « le syndrome du varan » propose aussi, dans la douleur et dans la sérénité finale, malgré les cahots, une formidable grille de lecture des autres romans de Justine Niogret.

On ne peut plus tout à fait considérer de la même manière les magnifiques « Chien du Heaume », « Mordre le bouclier », « Gueule de truie », « Mordred », « Coeurs de rouille », ou même « Bayuk » (avec son étiquetage jeunesse). Une bonne partie des motifs d'enfance saccagée, d'inamour, de mensonge parental fondamental et de revanche indispensable s'y nourrissent logiquement de ce qui surgit, explicité, dans « le syndrome du varan ». Et le superbe « Quand on eut mangé le dernier chien » de 2023, en comparaison et malgré sa dureté féroce et glacée, apparaît bien comme une forme paradoxale de sortie du tunnel.

Roman foncièrement bouleversant, dont la fureur et la crudité sont en permanence comme rendues opératoires par le recul salutaire qui les environne et leur donne sens, « le syndrome du varan » mérite vraiment toute notre attention.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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