Le prénom est la clé de la personne. C'est le cliquetis délicat de sa serrure quand on veut ouvrir sa porte.
Ce vouvoiement généralisé eut des conséquences. On ne s’en aima pas moins, on n’en fut pas moins intime, mais on se respecta infiniment plus. Ce n'était pas une déférence formelle : on avait plus d'estime les uns pour les autres.
Le repas du soir était une misère : du pain rassis et une soupe si claire que c'était un miracle si son bol contenait une épluchure de légume. On avait si faim et les quantités étaient si maigres qu'on attendait cependant cette collection avec fièvre.
Ceux qui recevaient cette pitance se jetaient dessus sans parler et la mangeaient à l'économie, l'air veule, calculant les bouchées.
Il n'était pas rare qu'à la fin de sa ration quelqu'un éclate en sanglots d'avoir le ventre si vide jusqu'au lendemain soir : n'avoir vécu que pour ce repas minable et n'avoir plus d'espoir en rien, oui, il y avait de quoi pleurer.
Pannonique ne supporta plus cette souffrance. Lors d'un repas, elle se mit à parler. Comme une convive autour d'une table bien garnie, elle engagea la conversation avec les gens de son unité. Elle évoqua des films qu'elle avait aimé et les acteurs qu'elle admirait. Un voisin approuva, le suivant s'indigna, le contredit, expliqua son point de vue. Le ton monta. Chacun prit position. On s'enflamma. Pannonique éclata de rire.
Je pense que la guerre révèle seulement l'une de nos natures profondes. J'aurais préféré vous montrer ma nature profonde de paix.
Spectateurs, éteignez vos télévisions! Les pires coupables, c’est vous!
Vous m'aimez: ce n'est ni votre faute, ni la mienne. Je ne vous aime pas, c'est pareil.
C'est quand don absence est la plus criante que Dieu est le plus nécessaire.
Elle fouilla en elle à la recherche de "chose à dire". A la lumière des paroles chocs de Pannonique, elle avait compris la règle : une « chose à dire » était une parole où rien n’était superflu et où il était échangé des informations si essentielles que l’autre en était marqué pour toujours.
Elle ne causait pas. Ce qui est beau, c’est quand quelqu’un parle pour dire quelque chose.
Ce vouvoiement généralisé eut des conséquences. On ne s’en aima pas moins, on n’en fut pas moins intime, mais on se respecta infiniment plus. Ce n’était pas une déférence formelle : on avait plus d’estime les uns pour les autres.
(...)Précisément. Laissons le tutoiement à ceux qui nous veulent du mal.
Vint le moment ou la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle.