Le recueil est adressé à « celle que je suis » , avec cette ambiguité « être ou suivre » ? Ou les deux séparément ou simultanément ?
Ambiguité (presque) levée àla lecture du premier poème :
« il y avait dans sa voix
celle d'une autre
Qu'il connaissait
Ne connaissait pas »
Cet étranger qui sans doute vit en chacun de nous, est ici une « étrange étrangère »et pourtant si familière que souvent on se reconnaît dans ses doutes, ses souffrances, ses émois, ses joies et ses questionnements,ses plénitudes et ses renoncements :
Et je ne pouvais rien à sa peine
On ne saura ni qui elle est, ni ce qu'elle est ,mais qui « elle aurait été » dans ses variations :
« Véronique Aglaé
Ou Ninon ou Lakmé
On sent donc qu'on ne saura jamais et que de texte en texte, on va donc « suivre » des traces , et que cette « oubliée » protéiforme s ‘approche et fuit comme une pr ésente absence, multiple et omniprésente en toutes les visions et tous les éléments d'un paysage à la fois int érieur et réel finement cerné par un regard lucide, et qui permet dans le même moment le flou de l'évasion vers autre chose , qui éprouve (et donne donc à éprouver) ce qu'il observe, impression soulignée par les encres de
Valérie Ghevart , légères et fortes , qui ponctuent le texte,
C'est par nos sens -tous sont sollicités ‘ - que les portes s'ouvriront que la poursuite se fait, Tous sont sollicités : l'ouÏe par la musique (le poète est musicien ) , évoquée :
quand l'alto toujours jeune
chante ses chromatismes
Qui la rendent heureuse
Le toucher dans ses voluptés :
il faudrait cent ans pour aller
du galbe de tes fesses
aux courbes de tes reins
les plaisirs gustatifs :
je cuisine la vie
avec un tablier aussi bleu que le jour
S'y ajoute l'extrême musicalité des textes, on peut lire ce recueil effectivement comme une cantate à plusieurs voix et visions multiples mais où chaque voix tout en gardant ses singularités serait part d'un tout, où tout se perçoit distinctement et indistinctement à la fois, comme un flot qui emporte et dont chaque détail pourtant requiert notre entière attention, adhésion comme un polyphonie sonore et sensorielle.
Jacqueline Fischer