Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?
Difficile de choisir un livre. A un moment, j`ai découvert de nombreux auteurs qui ont changé ma vie. Albert Cohen, Romain Gary, Milan Kundera. Mais bon, si je devais choisir un livre, ça serait peut-être L`Insoutenable légèreté de l`être de Milan Kundera.
Quel est l`auteur qui vous a donné envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?
Witold Gombrowicz, ou Thomas Bernhard.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
C`est Moon Palace, de Paul Auster.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
La Promesse de l`aube de Romain Gary, ou Un homme de Philip Roth.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
Ulysse de James Joyce.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs?
L`illusion comique de Bernard Frank.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
L`homme sans qualités, de Robert Musil.
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
« En vain la raison me dénonce la dictature de la sensualité », Aragon.
Et en ce moment que lisez-vous ?
Le crépuscule d`une idole, le livre de Michel Onfray sur Freud.
L`entretien de David Foenkinos avec Babelio : « Les Souvenirs »
Alors que vous aviez déclaré être incapable de parler de vous, « Les Souvenirs » semble inspiré de faits réels et autobiographiques. Qu`est-ce qui vous a poussé à changer d`avis pour ce roman ?
C`est mon dixième roman, et c`est vrai que c`est le plus personnel. Jusqu`à présent, j`ai eu très peu de rapport avec l`autobiographie. Ceci dit, ce roman est inspiré de choses personnelles, mais il est très loin d`être autobiographique. J`aurais peut-être voulu qu`il le soit davantage, mais j`ai très vite dérapé dans la fiction.
Votre roman décrit avec une grande justesse la solitude des personnes âgées et leur mélancolie du temps qui passe. Comment l`écrivain trentenaire que vous êtes est-il parvenu à transmettre avec une telle exactitude les émotions qui accompagnent cette étape de la vie ?
Je me sens une grande proximité avec les personnages âgées. Je trouve cela si héroïque de vieillir. Il y quelque chose qui me fascine dans ce scandale du déclin. Ces dernières années, j`ai passé beaucoup de temps auprès de mes grands-parents, en maison de retraite, alors c`est peut-être de ces années que j`ai tiré l`exactitude. Même si je me dis qu`il n`y a pas de généralité, et que chaque histoire humaine impose des ressentis différents.
Votre roman ne raconte pas seulement les souvenirs du narrateur et des membres de sa famille mais est également un recueil de souvenirs de personnages célèbres, qui viennent ponctuer l`histoire. Pourquoi avoir fait ce choix d`anecdotes littéraires et artistiques ? Est-ce une façon de rendre hommage aux personnalités qui vous ont marqué ?
Je voulais que chaque personnage du livre se présente sous la forme d`un souvenir. Les personnages principaux, mais aussi les figurants. Et également les artistes que je cite. Ainsi on trouve dans le livre des souvenirs de Fitzgerald, Nietszche, Alzeheimer, ou encore l`architecte Gaudi. Ce qui était important pour moi était de faire en sorte que toutes ces anecdotes puissent permettre d`apporter un nouvel éclairage de la question de la mémoire. Quand je cite Patrick Modiano : « J`avais 20 ans mais ma mémoire précédait ma naissance », il s`agit là de la mémoire d`outre naissance. Quand je cite, à propos de Claude Lelouch, ce journaliste qui écrit : « souvenez vous bien de ce nom, vous n`en entendrez plus jamais parler », c`est là un exemple de mémoire à l`envers : il faut se souvenir d`oublier.
Le narrateur est d`origine russe. Pourquoi avoir donné une influence slave au personnage ?
Mes influences principales sont celles des pays de l`Est. Cioran, Nikolai Gogol, Fédor Mikhaïlovitch Dostoievski, Milan Kundera, etc… mes personnages sont porteurs de cette folie slave, d`un humour un peu dépressif.
Vieillesse, solitude, mort… Les thèmes abordés dans votre roman sont assez durs, mais grâce à l`humour, on ne tombe jamais dans le pathos. L`humour que vous pratiquez dans bon nombre de vos romans, permet de dédramatiser et d`apporter de la légèreté au récit. Pensez-vous toutefois que l`on puisse traiter de tout avec humour ?
Je ne pense pas qu`on puisse tout traiter avec humour. Là, il s`agit souvent de second degré, d`ironie, d`absurdité. Et toute cette fantaisie est visible dans la vie, y compris dans les moments dramatiques. Quand je dis que les cliniques de l`Education Nationale pour les professeurs qui font des dépressions s`appellent Camille Claudel et Van Gogh, l`humour est là. Pourquoi donnez le nom d`une sculptrice qui a passé 30 ans dans la folie pour une clinique pour dépressifs ? Mon livre, sans cette multitude de détails absurdes que composent notre quotidien, aurait pu être plus grave. Après, il est vrai que je n`aime pas m`appesantir sur le drame, j`ai besoin de pirouettes légères comme des respirations à l`insoutenable.
Votre roman est construit sur l`alternance entre souvenirs passés et présents. le choix de cette écriture constituée de va et vient temporels s`est-elle imposée d`elle-même ?
Oui, c`est une façon de montrer que le présent n`existe pas en soi. Il est composé en permanence du passé, et parfois aussi de projections vers l`avenir. le présent n`existe qu`avec la considération du passé. C`est l`accumulation de la mélancolie, par exemple, qui permet au personnage principal de pouvoir intégrer le présent, et de pouvoir commencer à écrire.
Une adaptation cinématographique de votre roman « La délicatesse » sortira à la fin de cette année : un film que vous avez réalisé avec votre frère. Etait-il important pour vous de participer pleinement à ce projet ? Accepteriez-vous de confier l`adaptation de vos romans à d`autres réalisateurs ?
Oui, j`ai plusieurs livres en cours d`adaptation, et je ne voulais surtout pas m`en occuper. Pour La délicatesse, il y avait quelque chose de différent. Je n`avais pas fini mon histoire avec cette histoire. Je voulais encore être avec mes personnages. Et mon frère m`a motivé fortement pour qu`on le réalise nous. Il sort le 21 décembre, avec Audrey Tautou et François Damiens.
Vous déclarez dans de nombreuses interviews être quelqu`un de timide, tout comme le narrateur des « Souvenirs ». Comment vivez-vous votre succès et l`exposition médiatique à laquelle vous êtes confronté ?
Je le vis bien et mal. C`est émouvant d`être autant lu, d`avoir autant de monde à mes signatures. Après, la contrepartie est que le succès peut susciter une forme d`agressivité. On me croit très présent, mais je refuse beaucoup de choses, y compris des émissions importantes. Je n`ai qu`une hâte, être au calme après la sortie du livre et du film, et me remettre à écrire.
Découvrez Les Souvenirs, le nouveau roman de David Foenkinos chez Gallimard :

Merci à David Foenkinos pour ses réponses et sa disponibilité.
Interview réalisée par
Okta !
David Foenkinos est l'auteur de nombreux romans, parmi lesquels "
La Délicatesse", en 2009, qui a constitué le véritable tournant de sa carrière, ou encore "
Charlotte" en 2014. Il est également scénariste et réalisateur.
"
Numéro Deux", roman paru aux éditions Gallimard, raconte l'histoire de Martin, un petit Franco-Britannique qui aurait presque pu incarner Harry Potter au cinéma, s'il n'avait pas échoué dans la toute dernière ligne droite du casting, face à Daniel Radcliffe.
Au cours de cette rencontre autour de "
Numéro Deux",
David Foenkinos évoque les hasards de la vie, les échecs que l'on connaît tous, et qui poussent parfois à un travail de reconstruction salvateur.
Pour retrouver son livre, c'est ici :
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numero-deux-david-foenkinos-gallimard
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Il y a des gens formidables qu'on rencontre au mauvais moment. Et il y a des gens qui sont formidables parce qu'on les rencontre au bon moment.
On peut finalement se demander si le hasard existe vraiment? Peut être que toutes les personnes que l'on croise marchent dans notre périmètre avec l'espoir incessant de nous rencontrer? En y repensant, c'est vrai qu'elles paraissent souvent essouflées.
Il lui demanda ce qu'elle voulait boire. Son choix serait déterminant. Il pensa : si elle commande un déca, je me lève et je m'en vais. [...] Oui un jus, c'est sympathique. C'est convivial et pas trop agressif. On sent la fille douce et équilibrée. Mais quel jus ? Mieux vaut esquiver les grands classiques : évitons la pomme ou l'orange, trop vu. Il faut être un tout petit peu original, sans être toutefois excentrique. La papaye ou la goyave, ça fait peur. Non, le mieux, c'est de choisir un entre-deux, comme l'abricot. Voilà, c'est ça. Le jus d'abricot, c'est parfait. Si elle choisit ça, je l'épouse pensa François. A cet instant précis, Nathalie releva la tête de la carte, comme si elle revenait d'une longue réflexion. La même réflexion qui venait de mener l'inconnu face à elle.
"Je vais prendre un jus...
- ... ?
- Un jus d'abricot, je crois."
Il la regarda comme si elle était une effraction de la réalité.
C'est exactement comme un chagrin d'amour : on ne sait pas quand on s'en remettra. Au pire moment de la douleur, on pense que la plaie sera toujours vive. Et puis, un matin, on s'étonne de ne plus ressentir ce poids terrible.
Il faut avoir vécu des années dans le rien pour comprendre comment on peut être subitement effrayé par la possibilité.
La vie c'est surtout des moments de brouillons, de ratures, de blancs. Shakespeare n'évoque que les moments forts de ses personnages. Mais Roméo et Juliette dans un couloir, au lendemain d'une folle soirée c'est certain qu'ils n'ont rien à se dire.
les soirées peuvent être extraordinaires, les nuits inoubliables, et pourtant elles aboutissent toujours à des matins comme les autres.
"Ce trouble qu'elle était toujours incapable de définir. Le Larousse s'arrête là où le coeur commence."
Les mots n'ont pas toujours besoin d'une destination.
On les laisse s'arrêter aux frontières des sensations.
Errant sans tête dans l'espace du trouble.
Et c'est bien le privilège des artistes : vivre dans la confusion.
Après leur dernier échange, il était parti lentement. Sans faire de bruit. Aussi discret qu'un point-virgule dans un roman de huit cents pages.