On n'est conscient que d'une infime partie de ses propres capacités. Tout au fond se cache en réalité une capacité démultipliée, vous savez. Alors il faut être courageux et se dresser devant le champ de l'inconscient.
-Quand on travaille avec lui, il y a des choses qu'on ressent naturellement. Surtout quand on est enfermés dans l'atelier. On est sensibles aux vibrations de l'air. Aux résonances des cordes du clavecin. Alors on peut également ressentir les vibrations du coeur de l'autre. (p. 65)
Elle ne pleurait pas. Elle souffrait seulement. J'avais l'impression que cela aurait été plus facile pour moi si elle avait bien voulu pleurer. Je pensais que les larmes étaient moins cruelles que les paroles.
Encore une fois, ici c'est un endroit merveilleux. (...)
Et pourtant il n'y a que des arbres, de l'eau et le ciel. Comment dire ? C'est un peu comme s'il baignait dans une profonde miséricorde. Cela fait longtemps que je ne m'étais pas rappelé l'existence de ce mot, miséricorde. (p. 118)
" Le marais qu'ils portaient en leur cœur était trés profond.
Pendant que les mots remontaient à la surface, ils perdaient leur signification et il n'en restait plus que des résonances."
— Elle en avait peut-être besoin. De venir dans un endroit où elle ne connaît personne, où coupée du temps, sans être perturbée par des inquiétudes, des peurs ou des souvenirs intempestifs, elle peut vivre uniquement avec des sons invisibles.
Au début, le seul fait de marcher en ville me fatiguait. J'avais l'impression que tout le monde était en colère contre moi. Les vagues humaines s'écoulaient rapidement l'une après l'autre en m'ignorant totalement. Il n'y avait là ni l'air ni l'odeur ni les bruits dont étaient remplis les bois. (p. 160 / Babel, 2016)
Nous avons joint nos lèvres. La couverture est tombée une deuxième fois. Il y a eu un bruit de chaises ébranlées. Ce fut un baiser calme. Un baiser qui a réchauffé discrètement les ténèbres derrière nos paupières.
Je me sentais prisonnière du désir de plonger entre ses bras moites de transpiration. Chaque fois, il me fallait le réprimer, les bras serrés fermement sur ma poitrine. Malgré cela, je me sentais sur le point d’être transpercée par le souvenir de ses lèvres et de ses doigts vagabondant sur tous mes interstices, mes cavités, mes protubérances et mes courbes.
À cause de la lumière qui pénétrait par l'embrasure de la porte, la moitié de son visage était plongée dans l'ombre. Plus l'ombre était dense, plus je voyais distinctement la sueur perlant sur ses rides, sa barbe qui repoussait et son front.
Il avait le coeur saturé d'un calme particulier.
Les oiseaux avaient beau gazouiller dehors, nous pouvions bien échanger des paroles, ce calme pesait comme une brume épaisse qui ne se levait pas. Qui semblait absorber les sons des instruments de musique qu'il fabriquait...