Citations sur L'Embellie (197)
Je feins de ne pas le voir embarquer des livres que j’avais reçus à quelque distribution des prix, pour avoir été bonne en tout, pour n’avoir été particulièrement bonne en rien de spécial, pour avoir du mal à préférer une chose à une autre, pour ne pas savoir exactement ce que je voulais à cette époque de ma vie. Ce qui, dans le fond, n’a peut-être pas beaucoup changé.
La plupart des erreurs se font en un instant, se mesurent en secondes, mauvais virage, pied sur l’accélérateur au lieu du frein, ou l’inverse. Les erreurs sont rarement le résultat d’un enchaînement de décisions logiques.
Si mes souvenirs sont justes, l’enfance se résume à avoir envie de choses qu’on ne peut pas obtenir.
J’avais sept ans et j’étais bergère de poules à la campagne. C’est sur le tas de fumier que poussaient les mauvaises herbes les plus juteuses pour les volailles. Si je réussissais à ne pas m’enfoncer, à ne pas passer à travers la croûte, je pourrais attraper, vite fait, une belle brassée d’herbes vertes avec les grands ciseaux rouillés. Deux jours plus tard, les poules pondirent des œufs au jaune rouge orangé et non pâlichon comme ceux du supermarché. C’est là que j’ai appris à prendre des risques, à avancer jusqu’au bout de la pointe. En revanche, j’avais risqué de traverser la croûte et de m’enfoncer jusqu’au cou dans la bouse de vaches. Par la suite, il m’est arrivé bien souvent de crever la croûte et de me retrouver dans la merde jusqu’au cou. Pourtant, sur le fumier, il peut y avoir des fleurs. Le mouron blanc en donne de belles, il a un goût sucré et il est délicieux en salade.
Il a poussé de quatorze centimètres l’été dernier, dit la fermière, et il n’est pour ainsi dire pas sorti de son lit en juillet et en août ; il dormait dix-huit heures sur vingt-quatre et ne se réveillait que pour manger.
Une des caractéristiques d’une liaison amoureuse défaillante apparaît quand les gens se croient obligés d’avoir des enfants ensemble.
Mais gardons à l'esprit que les apparences sont parfois trompeuses et que contrairement à une photo, la réalité, elle, grouille de sens.
Une fois assis, il m’apprend qu’elle est jalouse de moi et demande si, moi aussi, je suis jalouse. Je dis qu’il n’en est rien. Il demande pourquoi, si je ne l’aime plus. Je lui accorde que si, dans une certaine mesure, mais qu’il commence à m’être inconnu, que j’ai cessé de le voir derrière moi comme un mirage perçu du loin de l’œil quand je me brosse les dents devant le miroir de la salle de bains, qu’il a cessé de se frayer un chemin dans mes pensées ou dans mes lectures, qu’il a commencé à disparaître, à s’estomper, que j’ai désormais du mal à me le représenter, que je me suis mise à le confondre avec d’autres hommes.
C'est à ce moment précis que m’effleure pour la première fois l'idée que je suis une femme au milieu d'un motif finement tissé d'émotions et de temps, que bien des choses qui se produisent simultanément ont de l'importance pour ma vie, que les événements n'interviennent pas les uns après les autres, mais sur plusieurs plans simultanés de pensées, de rêves et de sentiments, qu'il y a un instant au cœur de l'instant. Bien plus tard seulement, la mémoire fera son tri et discernera un fil dans le chaos de ce qui a eu lieu.
Gauche est un mot de la ville, à la campagne les directions ne sont pas au nombre de deux, mais de quatre, on dit nord, sur, est, ouest.