Quel étonnant petit chef d'oeuvre que ce roman d'
Audur Ava Olafsdottir ! Étonnant, en tous points, à vrai dire, car le style tout autant que l'histoire et les thèmes abordés semblent neufs sous sa plume, même si au fond ils sont universels !
Attention, je dis « neuf » et « étonnant », mais il ne faut pas s'y tromper, on n'est pas ici dans l'ordre du grandiose ou de l'inédit, non au contraire, dès les premières pages nous sommes plongés dans l'ordinaire et le quotidien d'Arnljotur. Ce jeune-homme Islandais, que nous suivrons pas à pas, va quitter son pays pour mettre à l'oeuvre ses talents de jardinier et cultiver les roses créées par sa mère décédée dans la plus belle roseraie du monde, et par la même occasion, il va tenter de mettre de l'ordre dans sa vie, et notamment dans sa relation avec Anna, femme d'une nuit avec qui il a eu une petite fille, Flora Sol.
Même si c'est un récit de voyage et de découvertes qui se déroule sous nos yeux, l'auteur a pris ce soin particulier de ne pas insister sur l'aspect aventureux ou exaltant de la vie de son héros, mais plutôt de nous décrire sa routine. Nouvelle et étrangère certes, mais routine quand-même. Nous le suivons ainsi dans ses jours de marché, ses recettes de cuisines et ses longues nuits seul sous la couette... Mais dans cette routine là il n'y a pas d'ennui, ou alors un si bon ennui, celui des jours d'été où l'on se laisse languir sans but sous le soleil peut-être…Comme quoi quand on sait écrire, comme c'est décidément le cas l'Olafsdottir, on peut faire de l'étonnant avec du quotidien, et rendre neuve la plus ancienne des rengaines…
C'est avec un grand plaisir que j'ai suivi le joli et calme cheminement de ce cher petit Lobbi, et le voir mettre de l'ordre dans sa vie comme dans son jardin de roses, avec douceur et méticulosité, étrangement, c'était comme si ça m'aidait aussi à mettre de l'ordre dans la mienne…
Au fond, tout en retenue et en finesse, ce roman est un vrai hymne à l'amour ! L'amour familial surtout y est décrit avec la plus grande délicatesse, celui d'un homme pour sa mère décédée, celui d'un père pour sa grande petite fille… mais l'amour au sens large est présent dans chaque ligne et se respire par exemple dans l'intérêt que l'on peut porter aux roses, aux corps, aux films d'art et d'essai et à la cuisine…
Bien sûr, l'un des aspects les plus touchants du livre consiste en l'accession à la paternité de ce jeune homme qui au fil des pages passe du statut de grand adolescent à celui de chef de famille, et j'ai vraiment trouvé bouleversant le naturel et la tendresse candide avec lesquels le petit Lobbi devient papa sous nos yeux. D'ailleurs, quand on aime les enfants, on ne peut qu'être ému par les descriptions tendres et éclairées de ce jeune père devant les premiers pas et autres géants progrès de la jolie Flora Sol ! Ayant moi-même eu mon fils de huit mois dans les pattes pendant ma lecture, j'ai naturellement été très touchée par la beauté simple et la justesse de certaines images.
Mais qu'on aime les bébés où non, qu'on apprécie ou pas le jardinage et même si l'on préfère l'aventure à la vie quotidienne, je crois qu'on ne pourra qu'être séduit par le plus grand atout de ce roman: son personnage principal ! A vrai dire, tous les personnages de "
Rosa Candida" valent leur pesant d'or et participent à rendre le récit attachant, mais le héros, Arljotur, est à lui seul un petit chef d'oeuvre ! Tout en sobriété et en candeur, simple comme une évidence, il est bon et doux comme une rose sans épines et c'est un bonheur que de cheminer à ses cotés. Il fait rire parfois et touche au coeur souvent, mais il fait réfléchir aussi, car sous des dehors simples et naïfs, ce sont de grandes questions existentielles qui l'agitent et qu'il aborde avec finesse et fraicheur. Ainsi, à travers lui, des thèmes aussi importants et graves que la mort, la filiation et les liens qui peuvent exister entre eux, sont traités ici sans la moindre lourdeur mais avec beaucoup d'émotion !
Inutile de préciser, je crois, que ce roman a gagné sa place dans mes coups de coeur littéraires… Il m'a fait sourire, rêver et pleurer aussi, mais surtout il m‘a apaisée et j'ai apprécié cette lecture comme je l'aurais fait d'une promenade, par un tiède après-midi de printemps, dans la plus jolie roseraie du monde…