AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,04

sur 594 notes
Jonas Ebeneser, la cinquantaine presque sonnée, abandonné par sa femme, sa fille adulte envolée, sa mère à l'esprit égaré en maison de retraite, l'entreprise vendue, sans amis, à part un voisin spécial, veut tirer sa révérence à la Vie. le problème, c'est qu'il ne sait pas comment s'y prendre, et veut épargner à sa fille l'épreuve de le trouver mort. Il décide donc de partir dans un des pays les plus dangereux du monde, où il pourrait le réaliser plus facilement, si non, plus naturellement......quelle triste histoire, n'est-ce-pas ? Eh bien non, détrompez-vous, c'est profond et très drôle, difficile de lâcher une fois les premières lignes attaquées.
Il adore bricoler et réparer toute sorte de défaillance matérielle; mais arrivera-t-il à rafistoler sa propre vie? Je vous laisse découvrir.....en tout cas il emporte avec lui sa petite caisse d'outils au cas où....pour ce long voyage à sens unique (?)........

À travers le portrait de ce personnage loufoque, Olafsdottir nous fait un état des lieux de notre monde actuel, “faune”, flore confondues; et en changeant les repères, bluffe aussi bien Jonas que nous. C'est malin comme idée, et trés réussie. le fond riche en imagination et la forme simple, composée de petits paragraphes dont la plupart des titres sont des citations, ponctuée de vers de S.Steinner, Hunter Thompson, Leonard Cohen, F.G. Lorca......magnifiques. Si vous aimez la poésie, la littérature nordique et l'humour particulier de cette partie du globe, ce livre est pour vous ! A la fin de l'histoire, une note sublime de l'écrivaine islandaise vous attend, ne la lisez surtout pas en anticipation !
Un coup de coeur !

Ça y est je suis parti.
A la rencontre de moi-même.
De mon dernier jour.
Je dis adieu à tout.
Les crocus sont en fleur.
Je ne laisse rien derrière moi.
Je passe de la lumière perpétuelle aux ténèbres.
Commenter  J’apprécie          12115
Ör – Cicatrices – Blessures de la vie.

Quand la poisse vous poursuit, que votre épouse vous quitte, que votre fille est d'un autre, que votre mère arrive au bout de sa vie, que votre voisin vous réveille en pleine nuit, vous vous dites peut-être que votre utilité sur terre est réduite à néant.

C'est en tout cas ce qui arrive à Jonas qui décide de mettre un terme à son existence en plein mois de mai. Dur, dur quand même à quarante-neuf ans. Alors, scrupuleusement, il vide son appartement, vend sa société, laisse son portable sur sa table de nuit, embarque ses carnets d'adolescent, sa boîte à outils (on ne sait jamais), une paire de chaussettes et le voilà parti pour un aller simple dans un pays (de l'Est vraisemblablement) où la guerre vient juste de se terminer. Il se donne une semaine pour réfléchir au meilleur moyen d'en finir.

Comme il n'a aucun projet précis, il erre dans le périmètre étroit déminé, rencontre beaucoup d'estropiés et de visages fermés. Un étranger, ici, en ce moment, c'est louche ! Vient-il piller les pauvres oeuvres d'art qui n'ont pas été détruites ? Pas de bagage, bizarre ! Peu à peu, grâce à sa boîte à outils, il se rend utile ici et là jusqu'à devenir (quasi) indispensable tant il manque de bras dans ce village défiguré par la guerre.

Il comprend vite que ses blessures personnelles sont peu de choses à côté de celles vécues par les rescapés du conflit. La lecture, par bribes, de son journal intime d'autrefois lui rappelle sa vie, ses souvenirs et gomme peu à peu les sujets d'intérêt de sa jeunesse pour s'intéresser aux autres, trouver une sorte d'apaisement et la reconsidération de soi.

La manière de décrire la vie ordinaire de gens ordinaires d'Audur Ava Ölafsdöttir est émouvante dans sa simplicité, délicate dans son expression teintée d'humour, déterminée dans sa foi à changer son angle de vue sur soi. Sans masquer la peur, le chagrin, les larmes, les vicissitudes du temps. C'est tout le contraire d'un livre cafardeux et désespéré. Là réside sans doute la magie de cet écrivain qui ponctue son récit de quelques citations de grands auteurs, comme une gradation sur la voie d'un mieux-être.

« … je me suis colleté plusieurs fois avec la vérité, là où les ombres sont tantôt longues tantôt courtes, et je sais que l'homme peut rire et pleurer, qu'il souffre et qu'il aime, qu'il est doté d'un pouce et qu'il écrit des poèmes et je sais que l'homme sait qu'il est mortel. Qu'est-ce qu'il me reste à faire ? » (p. 81)

Savoir que le bricolage est une arme bienfaitrice pour une éventuelle réparation personnelle a quelque chose de poétique, non ?

Rosa Candida de la même, m'avait ouvert la voie sur la littérature islandaise.
Ör a creusé une route vers de nouvelles découvertes.

Audur Ava Ölafsdöttir a suivi des cours d'histoire de l'art à la Sorbonne. Elle enseigne cette matière à l'université d'Islande et donne des conférences à travers le monde. Elle a obtenu plusieurs prix littéraires.

J'aimerais aussi marquer mon admiration aux éditions Zulma pour les couvertures originales et colorées qui attirent le regard et la curiosité.
Commenter  J’apprécie          9418
Le roman démarre en Islande en compagnie de Jonas Ebeneser, 49 ans.
Il n'arrive plus à trouver un sens à sa vie.
Il envisage de se faire tatouer cacher les cicatrices de son corps. Pour les cicatrices de l'âme, c'est une autre paire de manches.
Sa femme est partie depuis quelques années, sa fille mène sa propre vie et sa mère, ancienne prof de maths est placée en maison de retraite dans un état pitoyable physiquement et mentalement. Il se sent fort seul.
Jonas a une passion, il bricole, il répare mais plus rien ne l'intéresse. il veut en finir avec cette vie qui n'a plus d'intérêt.
Il passe en revue les suicidés célèbres et en conclut que les hommes utilisent souvent l'arme à feu. Il s'apprête à emprunter celle de son voisin.
C'est un livre qui pourrait être noir.
Pas du tout !
Le narrateur, Jonas , raconte les faits avec un détachement étonnant.
La vie est bien présente car les dialogues avec sa mère, avec son voisin Svanur, ses rencontres lors de son voyage dans un pays qui se remet à peine de la guerre.
Tout cela fait que nous sommes plutôt dans un roman initiatique lors d'une seconde vie après cinquante ans que dans un désespoir sans fin.
Le personnage principal m'est apparu très attachant.
L'écriture est très intimiste avec des citations courtes, des noms donnés aux différentes parties dans les chapitres.
Le livre se divise en deux étapes : "Chair" et "Cicatrices".
A noter que l'éditeur n'a pas changé le titre "Ör" qui signifie "Cicatrices" .
Un beau roman très profond de l'auteure dont j'avais lu "Le rouge vif de la rhubarbe" très apprécié et "Rosa Candida", nettement moins à cause du style trop enfantin.

Commenter  J’apprécie          8710
À la lecture des quatre-vingt premières pages, j'ai failli abandonner deux fois, deux fois j'ai refermé le livre. Page 83, mon intérêt est enfin éveillé et c'est d'une traite que j'ai poursuivi et achevé le roman.
Jónas est obsédé par l'idée de suicide, il a l'impression d'être surveillé par Svanur, son voisin. Jónas évoque sa rencontre avec son ex-femme, parle de Nymphéa, sa fille ... Un jour, il prend l'avion et à partir de là, c'est moi qui n'ai plus décollé de ma lecture !
Au final, un livre que j'ai beaucoup aimé grâce à l'écriture de Audur Ava Ólafsdóttir.
Commenter  J’apprécie          7211
Non, il ne s'agit pas de l'histoire de la ruée vers l'or, de la découverte du Far-West et des grands espaces.
Il s'agit de la découverte de soi-même opérée dans un pays d'après-guerre miné dans tous les sens du terme, où tous les lieux sont gris et noirs, avec plein de rouge sang.


Le héros a presque la cinquantaine et veut se tuer. Il est désespéré, sa femme l'a quitté en lui révélant un fait qui le désespère encore plus. Il est donc décidé à se tuer.
Mais comment ? Où ? Jamais il ne voudrait que sa fille découvre son corps...Mais jamais il ne pourrait supporter l'idée que sa fille soit malheureuse parce qu'on n'a pas retrouvé signe de lui.
Donc il décide de fuir dans un pays (de l'Est probablement) où les vestiges récents de la guerre enfouiraient son corps et l'oublieraient.
Il part donc. Avec sa caisse à outils. C'est un homme qui pense à tout, peut-être aura-t-il besoin de bons outils pour mettre en oeuvre son suicide.
Arrivé sur place, il se rend vite compte que ses outils serviront à bien d'autres choses, entre autres à le réintégrer dans la communauté des vivants, même si ces vivants-là sont des rescapés de la mort...


C'est un roman vraiment très curieux, que cet « Or ». Déjà par son titre, qui n'a pas été traduit, et qui signifie « Cicatrice ».
Alors tout devient clair, car c'est un roman cicatriciel, qui se construit sur la ruine, qui se développe et espère. A coup de phrases assez courtes et très denses, celles-ci insérées dans des chapitres dont chaque titre est poétique, tout nous mène de la mort à la vie.


J'ai cheminé sur les chemins gris en faisant attention à ne pas m'écarter.
J'ai dormi sous une couverture de poussière.
J'ai dessiné avec un enfant traumatisé.
J'ai vu les blessures.
J'ai frémi.
Mais j'ai cru en l'être humain, pourquoi pas, encore une fois.
Commenter  J’apprécie          6712
Ör, roman de Audur Ava Ólafsdóttir, c'est l'histoire d'un homme tourmenté, il s'appelle Jónas Ebeneser. C'est le narrateur de cet étrange et beau récit qui m'a emporté.
Cet homme presque quinquagénaire est à la croisée des chemins de sa vie, continuer de vivre ou ne plus continuer de vivre. C'est une vie emplie de désillusions, il est divorcé, sa mère en maison de retraite perd la tête, il découvre brutalement que sa fille n'est pas de lui. Il n'a plus fait l'amour depuis huit ans et cinq mois. Il n'a plus aucun rêve. Il décide alors de mettre un terme à cette existence qu'il ne supporte plus...
Jónas veut mourir, mais il ne veut pas faire de mal à sa fille, Nimphéa. Il ne sait pas comment s'y prendre, ne veut pas faire cela ici, décide finalement de prendre un avion, un aller simple vers un pays qui a connu la guerre, qui tente aujourd'hui la paix, un des endroits les plus dangereux au monde...
Ce qui est étrange et saugrenu, c'est que Jónas part avec sa boîte à outils, sa perceuse en bandoulière... Préparer, organiser techniquement son suicide...
Il débarque dans un hôtel délabré au milieu d'une ville démolie, presque en ruines, la mort est là laissant des traces sur les murs, du sang, des balles, c'est une ville qui n'a pas eu le temps de commencer à se reconstruire. Dans cet hôtel, ils ne sont que trois clients...
Ör, ce mot signifie cicatrices... Nos corps ont des cicatrices, parfois invisibles. Elles peuvent courir sur notre corps, mais celles qui sont le plus indélébiles, ce sont celles qui courent dans des paysages intérieurs...
Jónas débarque dans ce pays détruit. Ce qui est magnifique dans le récit, c'est qu'à chaque instant, il y a un événement ou une rencontre pour le convaincre de retarder sa décision finale... Avec sa boîte à outils, il est même sollicité pour réparer les problèmes de douches dans les chambres...
C'est un pays où il y a désormais plus de femmes que d'hommes, ayant perdu mari, père, fils ou frère. Les enfants ont perdu leur père ou leur frère aîné. Ceux qui ont survécu ont perdu un bras, une jambe ou d'autres parties du corps.
Tous ont des cicatrices qui resteront indélébiles. Sur leurs corps et dans leurs âmes.
Cet hôtel devient dès lors pour Jónas un territoire où poser sa douleur personnelle, parmi la douleur d'un pays qui recoud ses plaies. Un endroit où Jónas découvre à chaque instant un prétexte de retarder le geste fatal... Comprendre qu'il y a plus malheureux que lui ici...
Sur un ton à la fois poétique et épris de dérision, je me suis laissé embarquer dans ce merveilleux roman. J'ai finalement compris que la boîte à outils de Jónas n'était pas là que pour réparer les douches ou les serrures des portes... Jónas devient réparateur d'autres choses...
J'ai adoré ce livre, ce ton décalé, je me suis promené dans les cicatrices des personnages qui sont autant de chemins improbables, celles de May notamment, un personnage qui m'a touché, évoquant la mort de son mari tué à la guerre, ces voix m'ont profondément touchées.
Ce roman est une hymne à la vie, une grâce qui vient porter un silence dans le bruit du monde, un émerveillement dans nos vies bruyantes.
Commenter  J’apprécie          517
C'est vraiment difficile de parler des livres d'Auđur Ava Ólafsdóttir. Je pensais un peu lâchement m'en exonérer pour celui-ci. Et puis…

C'est difficile parce que si on résume l'histoire, on a des bouts rugueux peu disposés à aller ensemble et à composer quelque chose d'attrayant. Regardez, pour Ör : Jónas Ebeneser a quarante-neuf ans. Il est divorcé de son épouse Guðrún. Sa mère Guðrún perd gentiment les pédales en institut pour personnes âgées. Sa fille, Guðrún, est adulte désormais. Il a (donc ?) décidé de se suicider et part pour cela dans un pays lointain, peut-être méditerranéen, tout juste sorti d'une guerre atroce. Il emmène une perceuse et une chemise rouge. Là-bas, il va faire du carrelage et changer des ampoules.

Vous voyez bien, ça ne donne absolument rien !

Si on parle de poésie, on n'y arrive pas non plus. Svanur, le voisin, a acheté un nouveau frigo pour sa caravane. Il fait des gâteaux et prête à Jónas un fusil sans munition. C'est de la poésie ça ? Ou alors elle réside dans le rapport entre ce contenu et le titre de cette section qui ressemble à un extrait d'une notule d'un livre de médecine « une cicatrice est une formation dermique anormale là où une plaie ou une lésion s'est refermée ». Notez que ce titre peut illustrer aussi le fait que Svanur profite du tête à tête avec Jónas pour lui montrer sa cicatrice. Ce qui lui rappelle les propos que lui a tenus son tatoueur l'après-midi même. Bon alors, elle est où la poésie ?

Tant que je suis à cet endroit du roman, je recopie pour vous ce que Svanur explique à Jónas après lui avoir montré son dos « Sais-tu que dans certains coins du monde, les cicatrices inspirent le respect ? Une grande et impressionnante cicatrice révèle une personne qui a regardé la bête sauvage les yeux dans les yeux, qui a affronté sa propre peur et a triomphé. »

Comme cette phrase, c'est mot pour mot ce que comprend la « note de l'auteur » à la toute fin du roman, j'avais, avant de la retrouver là, page 47, des scrupules à vous la dévoiler, oublieuse qu'elle n'était donc, à la toute fin, qu'une redite et pensant que, ce faisant, j'éventerais peut-être une clé du roman. Sans doute que non, tout compte fait.

Bien. Résumons-nous afin de ne pas nous perdre : l'histoire est triste, bancale et prosaïque. Pas de merveilleux, pas d'échappée fantastique. Un pays qui sort d'une guerre, un presque quinquagénaire suicidaire, c'est rarement fantastique. Et la poésie n'est pas facile à identifier. Alors pourquoi ça fonctionne ?

Parce que, oui, je ne vous l'ai pas encore dit, mais, même si j'ai été moins facilement envoutée que dans Eden, j'ai bien aimé Ör. Et je ne vous ai pas dit non plus que "ör", ça voulait dire "cicatrice" en islandais.

C'est peut-être dans le contraste qu'il faut chercher une réponse. Contraste entre la faiblesse évidente des personnages, leur dénuement intérieur et la résolution avec laquelle ils s'obstinent à vivre au mieux. Lorsque Jónas confie à sa mère qu'il est malheureux, il ne dira rien d'autre. Et elle, plutôt que de lui demander des explications, de le bercer de propos lénifiants, elle lui dira « Nous avons tous nos combats à mener, avant d'ajouter : Napoléon était en exil de lui-même. Joséphine était esseulée dans son mariage comme je l'ai été. » Débrouille-toi avec ça et ce n'est pas si mal.

C'est pas si mal parce que c'est une manière de renvoyer chacun à une solitude commune. de tisser la grande toile des cicatrisés. Et comme le nombril constitue la première, ce que l'exergue ne manque pas de nous rappeler, on risque d'être nombreux à cette réunion des solitaires.

Contraste donc entre des drames intérieurs et des attitudes. Entre des titres de sous chapitres et des contenus. Entre les gouffres de désespoir, ceux des gérants de l'hôtel Silence où Jónas a bien l'intention de finir ses jours et le fait de chercher à faire fonctionner une pomme de douche sans que l'eau qui en sorte soit trouble et sableuse.

Contraste et construction. Par ces titres sans rapport évident avec ce qu'ils annoncent, Auđur Ava Ólafsdóttir surligne la brisure du sens et fait ainsi surgir un ailleurs possible, « plus nous nous élevons plus nous paraissons petits aux regards de ceux qui ne savent pas voler », « je pourrais proclamer le monde jusqu'au soir il y a partout quelque chose », « le désir est plus fort que la douleur ». Et pourtant, à relire, le sens, on le trouve. Mais dans une relation douce-amère, toujours un peu dissonante comme lorsque le petit garçon de la jeune femme qui tient l'hôtel se met à dessiner le chaos qu'il a dans la tête, chacun de ses dessins surmonté d'un titre reprenant la Genèse.

Construction aussi qui enveloppe (tiens, tiens…) le texte principal comme une peau : une dédicace (« A toutes les victimes inconnues, infirmiers, enseignants, serveurs, poètes, écoliers, bibliothécaires, électriciens. Et aussi à J. »), une exergue constituée de deux définitions médicales, une table des matières (I Chair II Cicatrices) et pour finir l'entrée d'un journal ? Les pensées d'un personnages ? avant que le roman ne commence.

Et à la fin, même processus, cette « note de l'auteur », complètement décorrélée du roman, dont je vous parlais plus haut qui reprend les différentes acceptions du mot ör, précise ses genres et nombre (neutre, singulier ou pluriel) et la dimension symbolique de certaines de ses significations.

Un entrelacs d'épisodes fictionnels et de titres étranges, de répétitions linguistiques ou médicales, bribes poétiques en équilibre instable mais juste. Une variation romanesque sur une notice lexicale. le dépliement d'une définition, son déploiement dans un univers qui ne saurait être gai mais nous laissera toujours le recours à la profondeur, à une sorte de délicatesse désaxée, à une fantaisie pas encore désespérée. Un texte tissant, couturant, ravaudant de tout brin qu'il trouve un monde d'esseulés fracturés. On y aura appris que « là où l'organisme ne parvient pas à rétablir l'exacte texture du tissu lésé, s'en forme un nouveau dont la texture et les propriétés diffèrent de celui, intact, qui l'entoure » (exergue). La marque laissée par la bête sauvage que l'on a affrontée en somme.
Commenter  J’apprécie          3849
Que faire quand on ne croit plus en rien, pas plus aux autres qu'à soi-même ?
Partir... avec si possible une caisse à outils qui va se révéler être le viatique idéal pour un suicidaire en puissance !
C'est en tout cas ce que va faire le héros de ce petit roman, un bijou d'humour et un modeste mais efficace plaidoyer pour une humanité réconciliée avec la vie. Notre héros Jonas qui se définit ainsi :
"Bientôt 49 ans - Sexe masculin - Divorcé - Hétérosexuel - Sans envergure - sans vie sexuelle - habile de ses mains"
va être entraîné dans une aventure des plus cocasses qui soit, dans un pays dévasté par la guerre et qu'il a choisi au hasard sur la carte.
C'est l'entrecroisement de bribes de son journal intime et le récit de ses aventures qui va permettre de découvrir un autre homme, celui qui va s'engager au quotidien aux côtés d'un frère et d'une soeur - Fifi et May- propriétaires de l'hôtel du Silence, le lieu qu'il a choisi pour mettre fin à ses jours. Mais cet endroit sera paradoxalement celui de sa renaissance à lui-même et aux autres, car le formidable appétit de vivre des habitants de cette ville dévastée par la guerre va agir sur lui comme un formidable "révélateur" et lui redonner petit à petit et presque à son insu le goût de la vie, de l'engagement, notamment aux côtés de May et de son petit garçon, Adam, qui n'a plus dit un mot depuis la mort de son père...
Ce que j'ai aimé dans ce récit, c'est ce mélange improbable d'humour -sous toutes ses formes- de poésie, de tendresse et ici de colère. Car la dénonciation de la guerre même si elle reste en toile de fond n'en est pas moins virulente. Et malgré tout cela, ce livre est une merveilleuse ode à l'amour de la vie : celui de la nature, celui qui existe entre hommes et femmes ou parents et enfants, celui de l'art si l'on se réfère à cet épisode où l'on voit Fifi restaurer patiemment et dans le plus grand secret une mosaïque murale - enfouie après les bombardements- afin qu'elle ne tombe pas dans les mains des profiteurs de guerre.
C'est ce cocktail très réussi que je retrouve toujours chez cette auteure et qui me ravit à chaque fois que je la lis.
Commenter  J’apprécie          380
Dépression, solitude, isolement, séparation conjugale ...

Oppressante et suicidaire, telle est la vie de Jonas, racontée par Audur Ava Olafsdottir, et on pourrait s'y engloutir de tristesse si le ton narratif n'était pas décalé, insolite, aux frontières du cocasse. La personnalité littéraire de l'auteur, sensible et délicate, évoque sans artifice les blessures de l'âme et des corps, comme autant de cicatrices visibles ou cachées, et la possible guérison des êtres et des paysages hostiles.

Quoi de plus évident que de programmer son propre suicide dans un pays brisé par la guerre ?
Mais contre toute attente, compte tenu des dévastations, Jonas va arrêter de se regarder le nombril et faire oeuvre de reconstruction, en bricoleur des gestes et du coeur.

Un petit livre original et symbolique, riche de petites descriptions du quotidien, équilibrant la gravité du propos par une certaine forme de sérénité. Tout est impalpable, descriptif, factuel, sans lourdes explications introspectives. Jusqu'aux pays jamais nommés, laissant une impression d'irréalité.
Certainement le livre que je préfère dans la bibliographie de l'auteur, débarrassé de cette touche de niaiserie angélique qui flottait sur ses récits précédents.

Une histoire finalement très optimiste sur l'art de traiter le mal par le mal.
Commenter  J’apprécie          381
Ce livre n'est pas désagréable à lire mais il est invraisemblable, superficiel et ne dégage ni subtilité, ni émotion.
Le narrateur Jonas arrive à la cinquantaine. Sa femme l'a quitté en lui révélant un secret pesant, sa mère perd l'esprit à la maison de retraite. Il a choisi d'en finir. Mais comme il ne veut pas que sa fille découvre son corps alors il décide d'aller mourir chez les autres. Il part donc avec sa perceuse dans un pays sans nom ravagé par la guerre. Pourquoi une perceuse ? Ne m'interrompez pas avec vos questions débiles. Il arrive à l'hôtel du Silence. Autrefois, c'était un palace avec des thermes et des mosaïques. Mais à présent tout est délabré et les environs sont minés. L'hôtel est tenu par deux jeunes survivants, le frère et la soeur qui a un petit garçon nommé Adam...
A votre avis que va-t-il se passer ? Oui, vous avez deviné ! Jonas va bricoler et se sentir utile grâce à sa perceuse. On va le solliciter à droite à gauche. Il va apprivoiser Adam. Et retrouver le goût de la vie. Je soupçonne l'autrice d'avoir acheté une ruine à retaper avec ses droits d'auteur et d'avoir trouvé l'inspiration chez Monsieur Bricolage.
Commenter  J’apprécie          3526




Lecteurs (1143) Voir plus



Quiz Voir plus

Quizz Rosa Candida

Comment s'appelle le personnage principal?

Arnol Tharniljuifs
Arnljotur Thorir
Arnoldiu Tharak
Arnold Thyrolior

15 questions
252 lecteurs ont répondu
Thème : Rosa Candida de Auður Ava ÓlafsdóttirCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..