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Critique de Christw


J'ai dû me résigner à ranger ce livre parce qu'il est terminé, tout bonnement, et je regrette une compagnie de choix. A priori, des entretiens avec Jean d'Ormesson ne m'étaient pas destinés, au plan littéraire je jugeais le romancier léger (je n'en avais rien lu), l'essayiste un peu lisse et idéologiquement je n'ai pas de penchant gaulliste. Alors pourquoi ce livre? Sans doute parce que Bernard Pivot l'a discrètement pointé dans la Grande Librairie en décembre dernier. Parce qu'il s'agit d'un ouvrage déjà ancien (1989) : l'homme s'y contredit-il ? Et puis Jean d'Ormesson à l'oral ne saurait laisser indifférent : il est convaincant médiatiquement et sa parole est franche.

"Parmi les romanciers, il y a ceux qui nous croient à jamais sortis du paradis perdu, et ceux qui voient partout, au même instant, le paradis et l'enfer. D'Ormesson appartient à la seconde catégorie. Et, si son paradis et son enfer, curieusement, apparaissent supportables, c'est sans doute que cet écrivain français craint de ne pouvoir désarmer toutes les préventions du monde. Ainsi se retient-il devant l'horreur comme devant le salut." , ècrit François Sureau en préface.

Car d'Ormesson est toujours dans la nuance, souvent dans la retenue, parfois par simple politesse : "je ne suis pas modérément modéré", dit-il. Ceci ne doit pas voiler l'intelligence, des prises de position nettes maintenues et s'il s'est dispersé par facilité, par nonchalance, voire par goût des plaisirs mondains, son parcours est estimable.

Le contenu des entretiens est déterminé par les grandes périodes de la vie de l'homme : les études et les hésitations d'une jeunesse favorisée (son père était diplomate), la guerre, la déception de Vichy et puis De Gaulle, la direction du Figaro, la littérature et l'écriture tardive, l'approche d'auteurs tels que Berl, Aragon, Morand, Malraux, Montherlant et de penseurs tels que Sartre et Aron et de grands noms comme Pompidou, Agnelli. Une ou deux générations avant la mienne, avec des noms qui remuaient la presse culturelle au siècle dernier.

Jean d'Ormesson n'aime pas creuser les sujets, il n'est ni complexe, ni très profond, de nature et par choix et il pense que "la limitation donne beaucoup de force à une intelligence". A contrario de ce que l'on dit aujourd'hui du président Macron, dont la pensée serait trop complexe pour s'accommoder des entretiens de presse à l'Élysée, les idées dégagées de l'académicin pince-sans-rire siéent à la conversation : "J'imagine qu'on pourrait dire de moi : il a fait, de l'art de parler pour ne rien dire, un des beaux-arts."

À cet égard, à François Sureau qui lui rappelait que pour parler de soi, les Mémoires ou le Journal peuvent se trouver justifiés par leur caractère d'oeuvre d'art, D Ormesson rétorque "une attitude rigoureuse devrait nous interdire de publier ce dialogue, qui a toutes les raisons de ne jamais atteindre à cette dignité".

La conversation est cependant loin d'être creuse. Au crédit du recueil, Sureau ne ménage pas l'écrivain qui avouera au terme qu'il a eu à plusieurs reprises l'envie de partir. Un dissentiment (courtois) des deux hommes à propos de Marguerite Yourcenar les tient un moment au point que la mentionnant à nouveau plus loin – on imagine les yeux étincelants pointer son interlocuteur – D Ormesson étonné s'exclame : "Vous ne dites rien ?".

À propos de la première femme académicienne, D Ormesson la rejoint sur la notion d'humanisme (peut-être pas pour les mêmes raisons) : "Je ne crois pas que l'homme soit la mesure de toute chose. [...]. Rien de plus sot qu'un humanisme qui fait de l'homme le centre et le but d'un univers qu'il ne comprend pas".

Des réflexions sur la promesse, le temps et la fidélité : "peut-on être infidèle à soi-même au point de préférer ce qu'on était hier à ce qu'on est aujourd'hui ?" La déraison des raisonneurs : "On réduit le monde à deux équations, à trois formules, à un beau raisonnement. Puis on conforme sa conduite à ce raisonnement. Sans approximation et même, peut-être, sans lâcheté. Et on s'étonne quand tout finit en catastrophe." L'Académie française : "... une institution sociale, avec une fonction plus symbolique que réelle. Je serais tenté de dire qu'elle n'est que cela." Et lorsque cet amoureux de littérature rappelle que tel et tel ont écrit de "merveilleuses pages", allez-y lire, qu'il s'agisse de Paul Morand ou de Robert Brasillach.

Je pourrais évoquer longuement tout ce qui m'a accroché dans ce livre (400 pages Folio), l'embarras du choix me contraint de limiter l'article. [...].

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