Que t'arrive-t-il, mon Jeannot ? C'est confus et décousu, tout cela. La digression est un art et suppose une minutie subtile, une organisation invisible, qui me semble absente de ce jet de pensée. La quatrième de couverture me promettait "une histoire si belle que chacun rêvera qu'elle soit la sienne", or, point d'histoire là dedans. Elle promettait de belles considérations, aussi, et citait l'un des plus jolis passages du livre, une déclaration d'amour. Oui, c'est beau.
Mais non, ça ne suffit pas.
Jean d'Ormesson, mon petit, je t'aime beaucoup, tu me rappelles mon grand-père, brillant d'intelligence et d'émotion surannée. Mais, comme lui, dans ta crainte d'Un jour t'en aller sans en avoir tout dit, tu ne tiens pas assez fermement ton stylo, et te laisses par lui emporter. Dans un livre, il faut un brin de discipline. Même si, et c'est parfois un véritable jeu d'équilibriste, il s'agit de ne pas la faire sentir.
Il n'y a pas d'unité de sens dans ce roman, qui n'en est pas un, mais ressemble plutôt à un journal intime bâtard entre Les Mémoires, un condensé d'articles de presse sur tous les sujets, un blog tenu par quelqu'un d'instruit, et la confession délitée d'un érudit qui, (comme ils aimaient à le faire fin début XXe) cite à tout va les noms célèbres de ses compagnons de route, comme si, à leur époque ou à la nôtre, la préoccupation première du lecteur était un quelconque voyeurisme. Passés les ans, c'est d'autant plus flagrant que ce n'est pas là le coeur de la littérature, puisque tous les héros cités ont depuis longtemps fané, comme les journaux qui leur faisaient la part belle. Quelle importance ? Je m'en moque de savoir que la marquise Untelle était la maîtresse du Directeur de Trucmuche. C'est rasoir, superficiel et raz-les-pâquerettes.
La littérature, oui, ça c'est un vrai sujet ! le livre démarrait là-dessus, et pendant quelques pages, il avait de l'envergure, du sens et de la poésie. Il aurait dû s'y tenir.