AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Tristes Pontiques (10)

mon âme rongée meurt sous les dents du remords
comme un bateau vrillé par de petits mollusques
comme un rocher creusé par le sel de la mer
comme le fer livré au travail de la rouille
comme le livre humide abandonné aux vers
Commenter  J’apprécie          582
et je serai le seul livré à la colère
d'un seul
ça ne sert à rien
ce que j'écris
je parle à la mer et au vent
mes mots se perdent dans les vagues
mes vers mes vœux mes voiles
s'envolent vers le vide
mon visage est trempé par les paquets de mer
et des montagnes d'eau roulent jusqu'aux étoiles
des creux grands comme des vallées
s'ouvrent dans la houle
mer et ciel
de tous côtés
où qu'on regarde
la mer est lourde d'eau
le ciel est lourd de nuages
entre les deux un gouffre
le vent
un tel tourbillon que les vagues
ne savent plus rien
tous les vents à la fois
Orient rougeâtre
Occident lointain
Nord nu et Sud affrontés
ça souffle et lutte de tous côtés
le barreur ne sait plus
quel cap tenir et quel cap fuir
perdu
plus d'espoir
j'écris et l'eau salée coule sur mon visage
je suffoque
j'ouvre la bouche pour prier
la mer immense s'y engouffre
Commenter  J’apprécie          467
par deux fois le soleil a touché les Poissons
il a bouclé deux fois sa révolution
et deux fois le soleil est revenu vers moi
après les glaces et le froid de deux hivers

et pendant tout ce temps pas une fois tu ne m'auras écrit

j'ai eu des amitiés plus brèves
ces amis-là m'écrivent encore

quand je brisais le cachet d'une lettre
j'attendais toujours ton nom

peut-être que tu m'as écrit
mais que toutes se sont perdues

j'essaie d'y croire

autant croire à Méduse aux cheveux de serpents
autant croire à la vierge à la tête de chien
autant croire au dragon moitié lion moitié chèvre
autant croire aux centaures au Sphinx et aux Harpyes
autant croire aux géants aux jambes de reptiles
autant croire à Gygès l'homme aux cent mille mains
et autant croire au Minotaure

j'aimerais mieux croire à ces mythes
qu'à la fin de ton amitié

combien de montagnes se dressent entre nous
combien de plaines combien de mers
combien de fleuves et de chemins

des milliers d'obstacles
expliquent aisément que tes lettres se perdent
et que je n'ai pas eu la joie d'en ouvrir une

mais pour franchir ces milles obstacles
écris donc plus souvent
que je n'aie pas à te trouver mille excuses
Commenter  J’apprécie          410
le vent est si violent qu’il arrache les toits
il fait tomber les tours
les gens se défendent du froid comme ils peuvent
avec des peaux de bêtes et des braies mal cousues
on ne voit plus que leur visage
leurs cheveux tintent quand ils les secouent
c’est le bruit des glaçons
et leur barbe blanchie de gel scintille
même purs les vins sont durs comme la pierre
ils gardent la forme du pot
les gens ne les boivent pas
ils sucent des morceaux passés de main en main
et les ruisseaux s’arrêtent
contractés par le gel
c’est à la hache qu’on puise l’eau des lacs
le Danube lui-même
large comme le Nil
et qui mange la mer de ses sept embouchures
le Danube lui-même voit durcir ses eaux bleues
elles glissent à la mer par des chemins secrets
on peut passer à pied où voguaient les bateaux
les sabots des chevaux cognent les eaux gelées
et par ces ponts nouveaux les chariots sarmates
attelés à des bœufs avancent pesamment
je sais qu’on ne me croira pas
pourtant je suis témoin de ces prodiges
j’ai vu l’immense mer arrêtée sous la glace
j’ai vu les eaux figées sous sa croûte glissante
on marche sur les flots sans se mouiller les pieds
les dauphins pris dessous se meurtrissent le dos
aucun remous
Commenter  J’apprécie          401
La fin du monde, Ovide l'a sous les yeux : c'est une étendue glacée, un marécage sans limites.
Où est le centre du monde ? À Rome, évidemment. Son autre nom est "Urbs", la Ville. Mais il y a dans la dépression ovidienne la prémonition d'un désastre. Le centre va se déplacer, glissant de Rome vers ces "bords du monde" : vers l'Orient, vers la masse enneigée du continent, vers les Océans, vers cette Inde à peine évoquée, loin d'un Capitole de plus en plus excentré. L'exil d'Ovide annonce ce désamarrage, comme si Rome glissait vers le bord du cadre, et devenait floue, accessoire, provinciale, ruinée.
[ Avant-propos de Marie Darrieussecq ]
Commenter  J’apprécie          351
Ces mots écrits sur des supports fragiles ont traversé des mers, franchi des montagnes, pris des chemins à peine tracés, vers Rome où ils ont été lus, appris, recopiés puis recopiés encore, de siècle en siècle jusqu'à croiser l'invention de Gutenberg. Il y a quelque chose de miraculeux à être assise deux mille ans plus tard devant un ordinateur, entre un vieux classique Garnier et mon dictionnaire d'étudiante, pour écouter penser Ovide, et continuer à transmettre ses mots.
J'entends ses lettres comme ce qu'elles sont : des appels. Leur rendre une langue lisible m'est devenu - momentanément - une mission, très agréable. J'ai vécu dans la compagnie d'Ovide chaque fois que j'ouvrais ses lettres, chaque fois que je cherchais le mot juste pour lui être fidèle. Je voyais par ses yeux les marais barbares d'il y a deux mille ans. " Entends moi, lecteur ", demande Ovide depuis l'ancien bout du monde. Ce lecteur c'est moi. Ce lecteur c'est vous. J'ai souvent imaginé son fantôme sur mon épaule, éberlué de me voir à la tâche devant mes outils modernes - et une femme, en plus !
[ Avant-propos de Marie Darrieussecq ]
Commenter  J’apprécie          340
le Rhin charrie son deuil
ses roseaux abattus font une chevelure
boueuse de sang noir sur son front incliné
trophées d'armes et d'or
casques et boucliers ornés de pierreries
tissus précieux
guerriers chargés de chaînes
citadelles gravées dans l'ivoire
murs et tourelles en bas-relief
qu'advienne ma fiction
Commenter  J’apprécie          310
quand la Fortune est avec nous
foule d'amis
quand on est démuni
plus personne
la loyauté s'éprouve dans les temps difficiles
c'est par le feu qu'on voit si l'or est authentique
Commenter  J’apprécie          300
toi
mon pauvre recueil
tu portes ma misère et tu portes mon deuil
va-t'en échevelé mal poli tout barbu
car tu n'es pas de ceux dont les aspérités
sont lissées à la pierre ponce
et n'aie pas honte de tes taches
ce sont mes larmes
(p.25)
Commenter  J’apprécie          50
Qu'on le ramène, sinon à Rome, du moins plus près de Rome, et dans un endroit où on parle latin! Dans un endroit où l'hiver n'est pas si rude, où les gens ne sont pas vêtus de peaux de bêtes...
Commenter  J’apprécie          10




    Lecteurs (30) Voir plus



    Quiz Voir plus

    25 metamorphoses d'Ovide

    A quoi rassemble dieux , héros et monstre ?

    L'ouvrage d'Ovide
    Un roman
    Un simple buffet

    15 questions
    12 lecteurs ont répondu
    Thème : 25 métamorphoses d'Ovide de OvideCréer un quiz sur ce livre

    {* *}