Se promenant sur une plage de la baie Désolation (Colombie Britannique), Ruth ramasse un sac contenant le journal d'une collégienne japonaise, une montre, des lettres en japonais et en français. Avec l'aide d'Oliver, son compagnon, (et d'internet!) elle découvrira qui sont la jeune Nao et sa famille, une arrière grand-mère nonne zen de 104 ans, un oncle kamikaze mort en 1945, un père suicidaire...
Alternant Japon (il y a une dizaine d'années) et Canada (actuel) avec Nao et Ruth (oui, comme l'auteur, et écrivain aussi), ce roman nous immerge complètement dans chaque univers.
Cette île canadienne loin de tout, à l'électricité vite défaillante, où tout se sait (pas moyen de garder une information secrète...), où la nature reprend ses droits, avec des loups et un mystérieux corbeau. Dora est un personnage secondaire, mais on la connaît : "Ma chérie, j'ai survécu à un cancer du sein. Ce n'est pas une petite dose de radiations en plus qui va me tuer." "Oliver était une anomalie, une irrégularité, une déviation du type normal. 'Il fait sa friture dans une autre poêle', comme on le disait souvent sur l'île." Ruth a peur de perdre la mémoire; à lire le journal de Nao, d'étranges rêves surviennent, l'impression de passer d'un temps à l'autre...
De son côté Nao, après une enfance américaine en Californie, doit rentrer au Japon, suite au licenciement de son père. Les collèges japonais, où la pression de réussite est forte (toute ta vie dépend du lycée où tu entreras) lui sont un monde hostile, surtout compte tenu du harcèlement de ses camarades (et là, c'est hyper violent, j'étais assommée, mais personne ne peut intervenir?). Heureusement la fameuse grand-mère nonne zen sera là! Jiko, "la célèbre romancière anarchiste féministe devenue moine bouddhiste sous l'ère Taisho", qui "ne se rappelle pas vraiment être née" [104 ans, !]. En fait, le Japon imprègne tout le roman, y compris les parties plus américaines puisque Ruth est de mère japonaise et lit le japonais (actuel). Mille petits détails de la vie quotidienne, de la culture, des croyances, et de l'histoire récente, sont vraiment bien rendus. Des histoires incroyables de suicide, par exemple, suicide tentant à la fois Nao et son père...
Saviez-vous que "sur tout le littoral japonais, des gravures ont été retrouvées sur les falaises, porteuses d'avertissements ancestraux:
Passé cette limite, interdiction de construire!
Certaines dataient de plus de six cents ans. la plupart avaient résisté au tsunami." [région de Fukushima]
Saviez-vous que "le séisme a modifié la répartition de la masse de la Terre, ce qui la fait tourner plus vite. Et cette augmentation de la vitesse de rotation a raccourci la durée du jour. Nous avons des journées plus courtes maintenant."[on a perdu 1,8 microsecondes par jour]
J'ai une tendresse particulière pour l'auteur, qui excelle à décrire Pesto, le chat, dans ses mouvements et traits de caractère. Futile, je sais...
Un autre passage :
"Il est étrange de constater combien le temps interfère avec l'attention. La cpncentration absolue de Ruth, ses obsessions compulsives face à son écran d'ordinateur avaient l'effet d'une vague qu ise gonfle puis se brise, balayant une nouvelel portion d'une nouvelle journée.
A l'extrême inverse, lorsque son attention s'égarait et se fracturait, elle faisait une expérience granulaire du temps, pendant laquelle les moments restaient en suspension comme des particules diffuses flottant dans une eau trouble et stagnante."
Billet prolixe, bon signe des multiples qualités de ce roman, foisonnant. le côté nippo-murakamien-fantastico-onirique est resté raisonnable,j'ai juste trouvé des redondances avec les lettres ET le journal de l'oncle, et, comme d'habitude, ai lu en diagonale les récits de rêves...(même s'ils font partie de l'histoire, heureusement)
L'auteur : Née en 1956 à New Haven, dans le Connecticut, d'un père américain et d'une mère japonaise,
Ruth Ozeki a étudié la littérature japonaise à l'université Nara, au Japon, avant de revenir aux États-Unis pour débuter une carrière dans le cinéma en tant que réalisatrice de films et de documentaires acclamés par la critique.
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