Il est toujours agréable d'être happé par un bon livre, son intrigue, son atmosphère, ses personnages, son style, sa sensibilité… et sur ce point, le lecteur ne sera pas déçu par
Sélectionner tout > Effacer, roman psychologique de
Eric Pasquinet, publié par les éditions France-Loire.
Difficile de résumer cet ouvrage sans le « spoiler ». Signalons cependant que le sort en est jeté dès le début et que le roman est en fait le récit des événements qui conduiront à une conclusion paradoxale, révélée dès les premières pages. le lecteur se trouve ainsi plongé dans une atmosphère proche de la tragédie grecque : bien au-dessus de la mêlée humaine, la Destinée maîtrise l'ensemble des paramètres de nos vies, et frappe où bon lui semble. L'entrée en matière en ce sens est très habile : elle entraîne le lecteur sur une fausse piste et introduit les premiers questionnements avant de laisser la place au récit proprement dit. Les pièces sont sur l'échiquier.
Geoffroy Pachaume (Geoff pour ses amis, et ils sont nombreux) est a priori un modèle de réussite personnelle et sociale : jeune chercheur brillant apprécié de ses chefs comme de ses subordonnés, sportif doué rempli d'enthousiasme et de dynamisme, excellent pâtissier à ses heures, communicateur hors pair doué d'une grande empathie, il est entouré de joyeux camarades et entretient des relations d'affection avec sa famille.
Et pourtant…
Le titre à lui seul, vaguement menaçant par le sentiment d'éphémère qu'il distille, suggère que rien n'est parfait, même dans le meilleur des mondes, et que le gouffre côtoie les plus fières falaises. Les fêtes, le travail au laboratoire, le sport, toute cette agitation a-t-elle pour seul but de remplir un vide inquiétant ? Est-elle vouée à l'entropie, à l'espace grisâtre d'un univers dégénéré, comme le texte de ce journal intime, à peine écrit, aussitôt effacé ? Où se trouve alors le but de cette vie ?
La réponse commence à se préciser lorsque la route de Geoff croise celle de Marie, une jeune femme énigmatique et discrète, aussi différente de lui (en apparence) qu'un négatif peut l'être de la photographie (tout en renfermant les mêmes informations).
Geoff ne cherche pas à séduire Marie, mais il fait en sorte d'être près d'elle. Nul doute que, dès le début, son plan est déjà tracé. Leur relation demeurera pudique jusqu'au bout. En témoigne cette scène d'un érotisme subtil ou Geoff, depuis les gradins d'un gymnase, regarde Marie effectuer des exercices sportifs complexes. On se dit alors qu'on a la chance de lire un grand morceau de littérature.
Il est impossible d'en dévoiler davantage sur l'intrigue sans gâcher le plaisir du lecteur, mais, on l'aura compris, le travail de l'auteur sur les personnages est très approfondi, et même les seconds rôles sont d'un réalisme étonnant.
Le style est soigné, les descriptions précises et vivantes, mais nous avons surtout remarqué le vocabulaire, d'une richesse rare, qui conduit à un texte magnifiquement ciselé. On a de la peine à croire qu'il s'agisse là d'un premier roman, et on attend avec impatience le prochain !