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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai lu ce roman à sa sortie en poche, en 2008 et j'ai eu envie de le relire.

Assez souvent, malheureusement, je vais aimer un roman et quelques mois plus tard, ne plus me rappeler de l'histoire. Surtout lorsque parmi les romans lus pendant la même période, j'ai été profondément marquée par un qui sortait incontestablement du lot, laissant les autres douloureusement au second plan de ma mémoire.
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Ce que je me souvenais de A l'Estomac : beaucoup de nausées, un groupe d'individus enfermés, un passage dans une piscine sauvage bouillante qui m'avait horrifiée, l'histoire d'un mec qui se met des trucs dans le fion, des orteils coupés, quelqu'un qui se fait bouffer les fesses (au sens strict du terme) et un couple qui veut se lancer dans le porno mais découvre qu'ils ont la grâce de deux bovins en rut.
Voilà.
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Je relis ce roman 15 ans plus tard et je me suis rappelé certains passages des plus choquants, en occultant d'autres tout aussi affolants. J'avais complètement oublié la fin.
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Une vingtaine de volontaires se retrouvent enfermés dans un théâtre délabré. le but est d'écrire pendant trois mois. Certains fuient la justice et d'autres une vie qu'ils n'aiment pas, donc ne laisseront aucune trace de leur départ. Très vite, ils dérapent et se poussent au pire des vices. Persuadés qu'ils vont devenir célèbres grâce à un confinement qu'ils transforment en séquestration, ils pètent tout ce qui leur aurait permis de tenir plusieurs mois : certains bloquent les serrures en cassant des fourchettes en plastique à l'intérieur pour être certains que personne ne puisse ouvrir les portes, ils éventrent les sacs de vivres et cassent la chaudière, puis bouchent les W.C et ensuite ils vont concourir à une potentielle célébrité avec l'histoire la plus glauque à raconter lorsqu'ils seront secourus. Parce que c'est bien connu, les médias aiment vendre des histoires horribles, ils aiment vendre de la peur. C'est le symbole d'une humanité qui ne peut pas vivre autrement que sous les projecteurs, qui veut un public : regardez-moi comme je souffre ! regardez-moi ! Et cette réunion regroupe la pire dépravation de cette humanité.

La réflexion de détresse est presque aussi nihiliste que son Fight Club (que j'ai lu plus récemment). Néanmoins, dans Fight Club, on est dans une volonté de destruction matérielle et de retour à une évidence humaine, glorifiant son être, supérieur à la possession. Alors que dans A l'Estomac, on est dans la destruction du soi-même. Par dégoût ? Ou pour la notoriété que cette société façonne ? Sombrer dans la souffrance la plus absolue, vivre dans la répulsion de soi-même et espérer les projecteurs sur cette douleur ? Ou alors tout détruire pour mieux recommencer, se suicider pour tendre vers un Paradis, un Paradis peut-être inventé pour justifier la souffrance ?… le monde n'avancerait-il qu'au travers du mal ? « Les gens tombent tellement amoureux de leur souffrance qu'ils ne parviennent pas à l'abandonner. » « Nous attendons d'être secourus tant que nous sommes des victimes. » Cela m'a fait penser aux différentes religions, qui espèrent tellement la vie Eternelle et le Paradis, qu'ils préfèrent transmettre les écrits au détriment des actions bénéfiques. Bref, cela rend tous les personnages absolument affreux. Toutes les histoires passées et présentes sont épouvantables. Je n'ai pas eu la nausée cette fois-ci, mais une sorte de profonde tristesse pour ce désespoir cathartique à outrance. Tout est excessif, dégoûtant (si vous voulez perdre du poids, c'est le moment de lire ce roman). On a envie de sauver personne, exceptée peut-être la pauvre Cora et madame Clark (et encore). Très peu d'espoir. Et ceux qui trouveraient éventuellement le goût de vivre sont dans le panier de crabe, on ne les laissera pas sortir. Ce n'est pas un roman à lire si vous souffrez de dépression. D'où cette magnifique citation : « sans les animaux, il reste des hommes et des femmes, mais pas d'humanité. » C'est tellement malsain qu'on se pose l'ironique question : suis-je aussi inhumaine qu'eux de ne pas espérer leur rédemption ?
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Alors pourquoi aimer un roman qui te laisse le choix entre la sublimation de la souffrance ou le suicide ? Et bien probablement pour me rappeler que ma vie est moins pourrie que la leur. Dès lors je n'ai aucune raison de la fuir et m'enfermer avec un groupe d'inconnus pour écrire mes traumatismes. Ensuite, parce que Chuck Palahniuk fait beaucoup réfléchir et parfois au-delà de mes capacités (ai-je bien tout saisi le message du roman ?). Sa plume est ensorcelante malgré des situations digne du théâtre du Grand Guignol. Il nous pousse à l'extrême nous demandant ainsi, mais qu'est-ce que je fous sur Terre sérieux ?
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Nous avons tous une histoire traumatisante à raconter. Voulons-nous devenir célèbre par le biais de ses souffrances du passé ? Un ami m'a dit un jour : « tu peux tout aussi bien l'écrire et le détruire par la suite. » La psychanalyse de soi ne passe pas par l'avis des autres, ni leurs regards. Ce qui est perturbant dans ce roman, c'est que les personnages ont tous une histoire atroce qui se suffit à elle-même. Ils n'ont pas besoin de s'enfoncer plus. Alors pourquoi le font-ils ? A cause de l'exigence de la société ou parce que l'horreur est devenue banale ?
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Au départ, il y avait cette annonce : « Retraite pour écrivains, quittez votre vie pendant trois mois », ensuite se fût l'horreur. Un piège, voilà vraiment ce qu'était cette putain d'annonce. Se retrouver enfermé avec tous ces malades, enfin malades… on était tous là pour échapper à quelque chose, se détacher de cette prison quotidienne d'une existence pourrie qui nous rongeait. Mais je dois avouer que pour la plupart d'entre nous c'est plutôt à la justice que nous voulions échapper. Devenu des fantômes aux yeux de tous, nous ne manquerions à personnes, d'ailleurs, nous ne nous appelions pas par nos prénoms, car ce qui se nomme existe, nous étions simplement des pseudonymes, Camarade Maussade, Duc des Vandales, Dame Clocharde, Agent Cafteur, le Chaînon Manquant, bref toujours en rapport avec notre passé douteux.

Cette retraite, c'était pour écrire LE scénario, LE poème, ou LA nouvelle qui nous rendrait célèbres, quelque chose écrit avec nos tripes. Alors certes, des histoires nous allions en écrire, nos propres histoires, des histoires sordides, malsaines et glauques, mais qui donnent tout de même matière à réfléchir.
Quand la lourde porte du théâtre s'est refermée derrière nous, nous nous sommes vite rendu compte du traquenard. Un environnement puant, humide et crasseux, laissé à l'abandon depuis des années. Les tapisseries se décollaient, la poussière volait et l'air était sans doute remplit de spores dégueulasses se collant à nos poumons à chaque inspiration à cause de la moisissure, c'est Miss Éternueuse qui était contente... Mais le piège ultime était d'être enfermé avec les dignes représentants d'une espèce violente prête à tout pour un peu de reconnaissance, une espèce prête à tout, même (surtout) aux pires atrocités. 

Nous transformions notre propre réalité en une fiction pour un peu plus de gloire à la sortie (si un jour nous sortions), pourquoi ? Pour dénoncer les sévices infligés par nos ravisseurs avec un film trash qui relaterait notre aventure. Les pires abominations nous attendaient, mutilations, cannibalisme, meurtres… mais nous étions toujours consentants, car cette torture était notre moteur, nous avons tous besoin de haïr quelqu'un, toujours besoin d'un diable pour avancer, ainsi fonctionne le monde. Enfermés dans ce vieux théâtre aux multiples pièces, de toutes les couleurs, aux thèmes différents, aux murs suintants d'humidité et aux tapis maculés de taches de sang séché, beaucoup auraient pensé que nous perdions la boule, mais au fond, tout le monde aurait réagi pareil que nous. Et dans le cas contraire ? Cette personne serait sans doute morte depuis déjà bien longtemps. Chacun d'entre nous y est passé, une poésie, puis une histoire, racontée alors que nous étions debout face aux autres, debout sur la scène.

Il fallait s'attendre au pire, après tout, nous sortons tout droit de l'imagination de Palahniuck, ce type déjanté, avec sa vision négative de la société. Il nous fait raconter nos histoires, dans ce théâtre, mais chacun de ses récits n'est pas formidable, d'autant plus qu'il fait commencer le roman par Sainte Descente de Boyaux, qui avec un nom comme ça, ne peut balancer qu'une histoire immonde, du coup, certaines histoires paraissent bien fades à côté de celle-ci. Puis, il y a toute cette exagération, cette outrance, en veux-tu en voilà pour choquer le lecteur, d'ailleurs je dois bien avouer que parfois, j'ai failli gerber. Malgré ça, tout est réfléchi, les textes sont pertinents et dans des styles différents, parfois faits de phrases courtes, tranchantes, comme des rasoirs, parfois philosophiques, mais surtout cruels. 

Je ne vais pas m'étendre pendant des heures, les lumières du théâtre viennent de s'éteindre, c'est l'heure d'essayer de rester en vie, des fois, la nuit, on entend des bruits, des hurlements, alors on reste là, enfermés dans les loges qui nous servent de chambre, crades et gelées avec pour seule compagnie, l'espoir que le lendemain sera une journée encore plus macabre que la précédentes, car il faut qu'il se passe des choses, il faut que ce soit encore plus morbide, il faut que l'on se mutile encore plus pour faire pitié quand on viendra nous ouvrir, comme ça, quand les gros studios Hollywoodien mettront notre aventure dans la boîte, le public m'aimera moi, mon personnage, encore plus que les autres parce que MOI j'aurais souffert le martyre, et ENFIN on m'aimera.

Zoskia


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Âmes sensibles, passez votre chemin. A l'estomac (Haunted en anglais...Mais que font les traducteurs ?) est gore, glauque, écoeurant - et je suis pourtant une habituée du genre. Mais Chuck Palahniuk, dans ce roman, fait ce qu'il sait si bien faire : rendre cette horreur signifiante et la magnifier par une poésie faite de chair et de mots. Belle réflexion sur les histrions et pseudo-artistes, Haunted est également un tour de force stylistique, puisque le roman se divise en récit, poèmes et nouvelles, avec un narrateur inidentifiable. On pourrait croire, au bout de quelques chapitres, que le livre s'apprête à tourner au survivor ridicule type film d'horreur à gros budget, mais ce serait sous-estimer l'auteur qui repousse les limites du machiavélique et nous offre le tableau d'une humanité en quête de fausses sensations fortes. A lire, à relire, comme toutes les oeuvres de Palahniuk.
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la légende veut que lorsque l'auteur lisait à voix haute des extraits du premier chapitre lors de sa tournée américaine, certains auditeurs s'évanousissaient dans la salle.
bon étalon pour évaluer le niveau de l'horreur.
évidemment je l'ai dévoré (lu en anglais)
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Bonjour à toutes et à tous. Pas de spoiler dans cette critique, alors soyez rassurés, vous pouvez y aller tout du long.

Après avoir lu la totalité de l'oeuvre traduite à ce jour en français de Monsieur Palahniuk, "A l'estomac" est le dernier dans lequel je me suis plongé. Et j'ai été agréablement surpris par le "format" du récit. En effet, nous avons à faire à un recueil de nouvelles au sein duquel chacune d'entre elle est "nouée" par une intrigue commune. A vrai dire (et ce n'est que mon avis), cette intrigue centrale n'est pas ce qui est le plus accrocheur.

Ce qui m'a entrainé, c'est l'envie d'en apprendre d'avantage, lors de chacune des nouvelles, sur les personnages (et il y en a beaucoup) de ce roman. Ces nouvelles sont tantôt percutantes, tantôt stressantes et/ou totalement grotesques (non péjoratif). Toujours sombres et abrasives. Ce qui est percutant, c'est l'absence quasi totale d'empathie. Les personnages sont le vecteur d'une idée, et Palahniuk les utilises comme les outils de la morale de ce roman. Et là ou on reconnait l'aisance de l'auteur pour cet art qui est l'écriture c'est dans sa facilité à passer d'un genre à l'autre. On passe d'une nouvelle "horrifique" à une nouvelle "sociale" vers une nouvelle "comique" et ainsi de suite : à chaque fois c'est dans le mille.

Il y a eu beaucoup de "buzz" concernant une de ces nouvelles "Guts" qui est présente dans ce roman (la plus spectaculaire dirais-je) mais je peux vous assurez que toutes les nouvelles sont exceptionnelles. Les phrases sont courtes. le rythme envolé. Ca touche l'esprit, ça fait mal au corps, ça remue les tripes et, soyons clair, on en prends plein la gueule tout au long.

Palahniuk affiche clairement un style incisif, qui ne cherche pas la démonstration dans une utilisation de mots à tout va pour faire du "beau" ou de la "vrai littérature".

Si vous êtes d'accord avec l'idée d'être bousculé : Foncez.

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