Citations sur La femme aux cheveux roux (76)
Existe-t-il un besoin permanent du père, ou bien cherchons-nous le père dans les moments où nous sommes en proie à l'incertitude, où notre monde s'écroule et où nous sombrons dans la depression?
Les miniatures aux détails finement ouvragés et conçues pour orner des manuscrits nous interpellaient d’emblée sur le fugacité des êtres ayant vécu dans la passé, sur l’oubli dans lequel tout ce monde avait depuis longtemps sombré et sur la vaine fierté de croire tirer des conclusions significatives sur la vie et l’histoire au gré de quelques détails.
Les fanfarons me font peur. Et il y en a beaucoup par chez nous. L'effronterie étant contagieuse, j'ai parfois l'impression d'étouffer dans ce pays. (p. 269)
Parfois lui, parfois moi, nous fixions un point au loin et nous abîmions dans le silence. (p. 283)
(...) je fus frappé par l état de décrépitude et d indigence de mon père.
Je l idolâtrait quand j étais petit, j aurais tout fait pour qu il passe plus de temps avec moi, me taquine, me prenne dans ses bras, pour qu il soit un ami, un complice. Mais à présent, il avait perdu de son éclat ; il s était voûté, il fonctionnait au ralenti et, le pire, c est qu il semblait avoir admis sa défaite face à la vie.
Nous voulons un père fort, ferme et constant, qui nous dise ce qu il convient de faire ou pas. Pourquoi ? Est-ce parce qu il est difficile de distinguer ce qu il faut faire de ce qu il ne faut pas faire, de discerner un acte juste et moral de l erreur et du péché ? Ou est-ce parce que nous avons sans cesse besoin d entendre que nous ne sommes ni coupable ni pécheur ? Existe-t-il un besoin permanent du père, ou bien recherchons nous le père dans les moments où nous sommes en proie à l incertitude, où notre monde s écroule et où nous sombrons dans la dépression ?
Je n’avais pas encore trente-cinq ans, mais j’en savais déjà beaucoup sur l’orgueil et la faiblesse des hommes, sur le farouche individualisme qui coulait dans leurs veines. Je savais que pères et fils étaient capables de s’entretuer.
: En avançant dans Le Livre des Rois, quand après les géants, les monstres, les djinns et les démons des mythes fondateurs, j’en arrivai aux aventures de valeureux guerriers et de shahs mortels, aux tourments que la vie, la famille, le père – et l’Etat, causaient à des gens comme nous, je me sentis en terrain familier.
Je lui demandai ce que représentait ce tableau. Il me répondit qu’il s’agissait d’une scène du Shâhnâmah, le Livre des Rois, la célèbre épopée nationale iranienne, celle où Rostam pleure son fils Sohrâb après l’avoir tué. « Comme, vous ne connaissez pas ? » semblait s’étonner son regard fier. Je pensai que les Iraniens n’étaient pas comme nous autres Turcs qui, du fait de l’occidentalisation, en étions venus à oublier nos poètes et nos mythes anciens. Eux n’oublient surtout pas leurs poètes.
Epouser la fille avec qui on a lu avec enthousiasme des livres nourris par un idéal de jeunesse était pour mon père le plus grand bonheur qui soit.