Le Livre noir

"Dans mes insomnies, allongée sur le dos, je contemplais les ombres au plafond, je désirais tellement être à la place d'une autre ; je me persuadais que je serais capable de me dépouiller de ma peau, comme la main qui ôte son gant, et que je pourrais par la force de mon désir m'introduire dans la peau d'une autre et commencer une vie nouvelle. Il y avait des moments où je souffrais tellement de penser à cette autre femme, de ne pas pouvoir vivre ma propre vie comme elle vivait la sienne, que les larmes coulaient de mes yeux quand je me retrouvais assise seule dans une salle de cinéma, ou quand je contemplais les gens plongés dans leur propre univers, dans la foule d'un marché. "

"Et à chaque fois qu'ils tentaient de le retrouver, comme ils se perdaient dans les méandres couverts de toiles d'araignée de leur mémoire, et qu'ils ne pouvaient plus découvrir le chemin du retour dans les venelles ténébreuses de leur raison, et parce qu'ils ne trouvaient jamais la clé d'une nouvelle vie, tombée dans le puits sans fond de leurs souvenirs, ils ressentaient les tourments que subissent ceux qui ont tout perdu, leur maison, leur pays, leur passé, leur histoire."

"J'ai tenté de m'y opposer, de lui demander d'utiliser ses propres mots, mais tout comme dans un rêve, je ne pouvais que le laisser faire. Et les mots et les phrases se succédaient, et chaque mot et chaque phrase me blessaient un peu plus."

"L'illusionniste de nos jours a beau prévenir le spectateur que ce qu'il fait n'est qu'un truc, le spectateur qui suit ses gestes avec passion est heureux parce qu'il peut croire, ne serait-ce qu'un instant, assister à un sortilège et non à une supercherie. Nombreux sont les jeunes gens qui tombent amoureux sous l'effet d'une parole, ou d'une histoire entendue, d'un livre lu en commun, et s'empressent sous le coup de l'émotion d'épouser l'objet de leur flamme, et qui vivent pourtant heureux tout le restant de leurs jours, sans jamais comprendre que leur amour était basé sur une illusion."

Tout comme les Mille et Unes Nuits, le Menesvi est une composition étrange et désordonnée, où une deuxième histoire commence alors que la première n’est pas terminée, où l’on passe à la troisième avant la fin de la deuxième….tout comme on se lasse d’une personnalité pour en choisir une autre… »