(...) la mémoire de l'artiste ne réside pas dans sa main, mais dans son coeur et dans son âme (...).
Ma peinture fait voir ce que notre âme, et non notre oeil, doit s'attacher à contempler. Mais la peinture, aussi, est un festin pour l'oeil, comme il est bien connu. Si vous conciliez les deux, c'est un monde qui se révèle.
(...) une erreur qui ne provient pas d'un manque de maîtrise, mais émane de l'intérieur de l'âme de l'artiste, cesse d'être une erreur, et devient un style.
- Les miniatures, tout comme les livres commandités par les souverains et les grands personnages, sont là pour proclamer leur puissance, (...). Nos mécènes admirent nos oeuvres, avec leur profusion de feuilles d'or et les heures innombrables de travail que nous y passons, jusqu'à y perdre parfois notre vue, parce qu'ils sont la preuve de leur opulence. La beauté du dessin, tout comme l'or dépensé ont un sens parce que le travail, pour y parvenir, est une denrée rare et précieuse.
Peindre à la perfection une figure équestre, c'est encore et toujours - et seulement - rendre hommage au vrai Créateur, avouer et montrer, par les couleurs mêmes de la vie, notre émoi devant l'opulence du monde qu'Il a créé.
(...) les gens (...) qui, (...) finissent par prendre la passion et ses affres, la prospérité et la misère, pour prétextes d'une éternelle et absolue solitude et d'une mélancolie qu'ils affichent, ne sont susceptibles ni de grands plaisirs ni de grands chagrins dans la vie.
Au fur et à mesure que j'ouvrais d'autres volumes, et tournais d'autres pages, je sentais m'envahir, en songeant à tous ces peintres, les soucis divers et variés de tous mes prédécesseurs, chacun avec son caractère, sa mélancolie, sa vie passée en province ou dans une capitale, employé par tel ou tel souverain ou despote, pour qui ils avaient peint jusqu'à en devenir aveugles. Je sentais presque dans ma chair les sévérités de l'apprentissage, les soufflets endurés de la part des mécènes irascibles, laissant des traces cramoisies sur leurs joues, ou les coups de maillet de marbre sur leur crâne tonsuré, tandis que j'inspectais, gêné, un album de dernière catégorie sur les techniques de torture.
Aussi longtemps que se multiplieront tous ces artistes bons à rien, plus attirés par la gloire et l'appât du gain que par le service de leur art et la contemplation, nous n'avons pas fini d'en voir, de ces horreurs et ces grossièretés qu'entraîne cette nouvelle manie du "style" et de la "signature.
(...) l'amour vient après le mariage. N'oublie pas ceci : quand les feux de l'amour nous dévorent avant le mariage, le mariage vient les éteindre, et ne laisse qu'un tas de cendres désolé, alors que l'amour qui naît après le mariage finit lui aussi par s'éteindre, mais pour laisser la place au bonheur. Malgré cela, il y a des imbéciles qui tombent amoureux avant, et qui jettent en vain leur amour dans les flammes. Tout ça pour quoi? parce qu'ils se figurent que l'amour est dans la vie ce qu'il y a de meilleur.
Connaître c'est se souvenir de ce que l'on a vu. Voir, c'est reconnaître ce qu'on a oublié. Peindre, c'est donc se souvenir de ces ténèbres.