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sur 518 notes
Les os des filles est un roman intergénérationnel, sur Ba, sa fille et sa petite-fille - trois générations qui ont mené leurs propres batailles : la guerre, l'exil et l'autodestruction. La petite-fille, Line, déménage avec sa famille du Vietnam en France à l'âge de dix ans. C'est un environnement nouveau et étranger, où elle a du mal à trouver sa place. le contraste est grand entre la communauté familiale élargie et les portes toujours ouvertes, contre l'anonymat de Paris et les chambres fermées. Line devient de plus en plus malheureuse dans sa nouvelle patrie et arrête de manger. A la fin, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même.
L'autrice tisse sa lutte intérieure pour la survie, ainsi que celle de ses aïeules pendant la Seconde Guerre d'Indochine dans les années 1960, dont ses proches ont beaucoup souffert. Il s'agit d'une description de la manière dont les événements historiques affectent l'individu et de la manière dont la douleur et la souffrance se transmettent d'une génération à l'autre.
C'est aussi un roman qui inspire l'espoir. Après le retour de Line au Vietnam de son enfance, elle se retrouve, et quand elle revient ensuite en France, la jeune femme regarde vers l'avenir avec confiance.
Elle raconte l'histoire de sa famille d'une manière émouvante. J'ai trouvé que la première partie du livre était très intéressante, car elle écrit sur sa grand-mère et sa mère, la guerre, la pauvreté. le livre change de caractère lorsque la famille déménage en France et Line écrit sur son adolescence et ses difficultés.
Malgré une plume délicate et belle, il me manquait quelque chose. J'étais un peu en dehors de l'histoire, je n'arrivais pas vraiment à m'attacher aux personnages alors que leur histoire est fort intéressante. Je dirais même qu'il me manquait un peu d'émotion, pour pouvoir m'attacher pleinement à pages de la vie de Line et de ses ancêtres.

Je lirais volontiers un autre de ses romans, pour me faire une idée ...
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Line est née et a grandi au Vietnam. Son enfance n'était que rire, insouciance, amour et liberté. Sous le soleil de Hanoï, la petite fille courait et jouait dans ces rues animées où chaque maison laissait sa porte grande ouverte, où les sourires irradiaient chaque visage.

Hanoï, aux couleurs chatoyantes. Hanoï, terre des ancêtres. Hanoï, gardienne de leurs ossements. Hanoï, terre des mères, des femmes, des filles.

"Des femmes au chapeau conique, courbées, se cassent en deux pour ramasser d'infimes récoltes. Les ancêtres reposent à leurs côtés. Voilà ce que l'on voit, près du cimetière : des femmes les pieds dans l'eau, les mains dans l'herbe, des buffles labourant et des tombes flottantes. L'émeraude épouse le cyan, le travail s'adosse au repos, les bêtes soutiennent les hommes, le soleil tape contre l'eau et le vent contre la terre. Une harmonie maintient l'instant en suspens."

Mais un jour, les couleurs se mélangent, le paradis se brouille pour finir par s'effacer. Poussière soulevée par les roues d'une voiture en partance vers un pays inconnu aux coutumes bien différentes. Les visages s'estompent, les voix se déforment, les bruits s'éloignent, les larmes coulent sur les visages gravant encore plus profondément les souvenirs. On essaie alors de s'adapter, de s'assimiler dans cette France si lointaine. Mais à force d'essayer, on se perd, on s'oublie, on se nie, on se renie.

"Dans ce pays nouveau, dont la petite avait la nationalité, la mère était moins apte à communiquer que sa fille, parlait moins bien la langue. Elle était plus étrangère. La rupture était consommée. La petite ne voulait plus parler vietnamien non plus. Elle avait honte, face aux élèves français, d'être une asiatique. Elle embrassa la culture de son père, se reposa sur cette nationalité qu'on lui désignait. L'aimait-elle davantage? Non, mais elle se fondait dans cette masse différente de son passé, de son amour […] Elles devinrent étrangères. […] Soudain, une femme devenait étrangère dans un pays: soudain, une femme devenait étrangère au coeur de son enfant."

Perdue dans ce nouveau pays, éloignée de sa mère patrie, coupée de ses racines, étrangère à sa propre mère, la jeune fille entre en guerre. Elle se meurt. L'amour dont elle s'était nourrie, gorgée depuis sa plus tendre enfance s'évapore, s'épuise, se tarit. Désormais, elle veut disparaître. Disparaître pour ne plus ressentir cette implacable morsure du manque d'amour.

"Elle gisait, inconsciente, sur ce lit blanc, à attendre qu'on lui serve un peu d'amour en perfusion."

Pour revivre, il faut renaître. Et pour renaître, il faut revenir sur cette terre natale où sont enfouis les os des filles. Il faut comprendre pourquoi l'insouciance de cette petite fille s'est fracassée sur le bitume français.

"Si je reviens au Vietnam aujourd'hui, à vingt-trois ans, c'est bien pour en finir doucement avec ce visage de mes seize ans. J'écris et voyage pour lui répondre. […] Pourquoi est-ce que tu t'es cassé la gueule, petite fille?"

De ses fractures d'enfant, Line Papin en a fait une force. Carapace à terre, la résilience a pu commencer. Les os des filles est un livre fort, puissant. Douceur teintée d'âpreté, amour teinté de rancoeur, nostalgie teintée de colère, éteincelle de vie teintée de mort.

Un vrai coup de coeur pour ce livre au style parfaitement maîtrisé.

Paru aux édition Stock en 2019 et sélectionné pour le prix des lecteurs 2020 du Livre de Poche, catégorie littérature
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Une drôle de naissance, une belle enfance, et un douloureux atterrissage loin de son pays, dans une France un peu grise pour qui a vécu dans un pays comme le Vietnam.
Line , née de père français et de mère vietnamienne, a connu l'amour et la joie, entourée de sa grand-mère, qui a connu la guerre, de sa nourrice, vietnamienne, et de nombreux amis dans un cadre doré, dans la débordante ville d'Hanoi.
Et puis elle doit quitter cet Eden, en même temps que son corps se transforme, elle a dix ans, elle n'est plus une petite fille, elle va vivre en France et alors commence la descente.
Dans ce livre Line Papin se raconte, avec des mots simples, parfois crus, et sait toucher la lectrice que je suis, avide d'en savoir toujours un peu plus sur ce Vietnam qui me fascine.
Mais le plus beau des voyages, le plus beau des combats, ce sont ceux que Line Papin a su mener, seule, vers la redécouverte de son pays, les retrouvailles avec son moi profond.
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Je n'avais rien lu de Line Papin lorsque je l'ai entendu parler de ce livre à la radio.
J'ai eu tout de suite envie de rencontrer son écriture dans ce récit intime.
D'emblée le lecteur est confronté à cette écriture qui est à l'os, chaque mot est pesé dans cette façon d'adosser son récit à cette coutume du Vietnam : « On enterre les gens dans une tombe à leur taille pendant trois ans, au Vietnam. Puis, ce délai passé, la chair évaporée, on transvase dans un coffret plus chétif ce qu'il reste du corps : les os. Les cimetières sont donc faits de petits coffrets d'os. »
Trois générations de femmes, deux pays.
Treize ans après son départ elle revient seule dans ce pays qui la hante « pour tenter de réconcilier le passé et le présent, les deux continents et mes membres souffrants – pour tenter de me réconcilier. »
A dix ans elle est arrachée à son monde même si la mixité est présente et vécue, car son père est français, même s'il épouse ce pays qu'il aime, il impose aussi sa personnalité.
L'enfant passe d'une vie horizontale à une vie verticale.
Elle démontre très bien les différences, au Vietnam, il y a l'embargo, la vie difficile mais ceci est vécu dans la solidarité, la proximité, en France elle va vivre à la verticale. Chacun son monde, sa vie.
D'un côté tous sous le même toit, de l'autre une case pour chaque toi.
La petite fille a un lien très spécial avec sa grand-mère Ba et sa nounou Co Phai.
« Au Vietnam, tu avais cinq familles : ta ville, tes parents, ta nourrice, tes grands-parents, tes amis. »
Alors l'arrachement fût violent, les adultes n'ont pas su voir car ils poursuivent leur vie, leur route et les changements sont comme une évidence, il faut s'adapter.
Mais la petite fille a mal, jusque dans ses os. Il ne reste plus que cela d'elle, la mort rôde. Elle sera hospitalisée un an.
Cette période est magnifiquement restituée sans pathos, le lecteur ressent, il a l'impression d'assister à un bal de fantômes. L'anorexie c'est sa guerre à elle.
La disparition possible est là, omniprésente, palpable.
Son Vietnam a disparu…
Elle a circulé entre deux mondes avant de les engloutir pour nourrir sa plume.
Au fur et à mesure que les maux la rongent, les mots s'installent dans les creux. Car si des mains sont tendues, elles traversent le vide inexorablement.
Les mots, les images vont former un ciment.
L'ambiguïté, l‘ambivalence de ce qui nourrit, construit se dévoile sous nos yeux. Il n'y a pas de rejet, elle est les deux pays.
Elle dresse de magnifiques portraits de femmes sur trois générations.
Ce livre existe pour pérenniser ce qui n'est plus, pour fixer les fondations et montrer la chair reconstituée autour de l'os.
Cette écriture va à l'essentiel de la vie, de ces nuances, des blessures aux retrouvailles.
Il y a la distanciation entre les différents êtres, symbole des phases traversées pour intérioriser.
L'auteur à travers ce récit très intime, ne laisse jamais son lecteur en dehors, pas plus qu'il ne se sent voyeur.
Non il suit cette petite fille et lui dit regarde toute la richesse qui est en toi.
Tu es toutes ces femmes à la fois, elles vivent en toi mais tu es TOI enfin.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 27 septembre 2019.


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Née au Vietnam d'un père français et d'une mère vietnamienne, l'auteure, Line/Linh, émigre en France avec ses parents à l'âge de 10 ans.
C'est la rupture brutale avec son enfance, avec son pays, et la difficile adaptation à un nouveau pays qui n'est pas, ou n'est pas encore, sa patrie. Elle deviendra peu à peu étrangère à son Vietnam de naissance tout en restant longtemps étrangère en France.
Cette rupture sera la cause d'un terrible plongée dans l'anorexie, décrite dans de longues et émouvantes pages.
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Les os des filles est un roman aubiographique d'une jeune autrice que je découvre, Line Papin.
Elle nous confie l'histoire de ses racines, ses ancêtres qui ont vécu les 2 guerres du Vietnam, la faim, la pauvreté et la peur, mais la volonté de survivre. L'évolution du pays au rythme de la reconstruction physique et mentale.
"La ville* a grandi avec nous qui l'avions cueillie jeune... nous l'avons vue évoluer, de la paysanne aux pieds noirs qu'elle était à la citadine mal chaussée qu'elle est devenue" (*Hanoï )
Son existence d'enfant métisse née par accident. le bonheur de vivre cette enfance bercée par plusieurs mères, entourée de plusieurs familles, comblée d'amour. Son déracinement forcé qui l'entraîne au plus bas avec pour seul échappatoire les livres. "Elle gisait, inconsciente, sur ce lit blanc, à attendre qu'on lui serve un peu d'amour en perfusion".
Et enfin le temps de la reconstruction de son être, du deuil du passé à travers un pèlerinage nécessaire.

Son écriture singulière, alternant aléatoirement le "je", le "tu", le "elle" semble déconcertante de prime abord mais m'a totalement subjugué, son récit m'a happée au coeur du Vietnam de son enfance, où les portes ne sont jamais closes, où les enfants du coin font partie d'une famille élargie, où l'on court pieds nus vers un monde d'insouciance. Et puis vient le temps du tragique départ, ses mots ont résonnés en moi ces douloureux souvenirs de déracinement vers un autre pays, comme ce dernier regard jeté par la vitre arrière du véhicule où l'on surprend les siens, nos "mères" cachant leurs larmes et agitant un mouchoir, et cette arrivée dans un monde gris et froid. Cette nouvelle vie en France va la remuer au plus profond, là où se nichent les ténèbres et la mort qui rôde comme un ami qui vous veut du bien.
Sa résilience aura eu raison de la faucheuse.

Ce roman est un condensé d'émotions qui se bousculent, se chevauchent, s'apprivoisent, du brut. Un roman intimiste qui m'a transporté au delà de la nostalgie.
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Un matin, Agathe me parle de ce roman. Elle me dit qu'il lui a fait penser fort au mien, dans sa manière sincère d'appréhender sa propre vie. Souvent les gens enjolivent, embellissent. Souvent les souvenirs recréent et subliment. Elle m'invite à le lire. J'aime suivre son regard, elle est de ceux qui me connaissent instinctivement. Alors je le commence. Très mal. Un jour que je suis dans le train. Avec deux bambins qui hurlent dans une poussette à côté de moi. Je n'imprime qu'une phrase sur deux, c'est peine perdue.

Quelque temps plus tard, à Saint Maur en Poche, j'allais être interviewé sur la scène pour parler de mon bouquin. Juste avant moi, il y a Line Papin. J'arrive à la fin de son intervention. Je ressasse des fragments de son roman, de ce que j'en avais glané. Il me restait. Des images entêtantes comme des flashs. Sur scène, je l'ai évoquée maladroitement. Alors que j'étais censé parler de moi, mais je me sens tellement mieux à parler des autres. ça m'a rassuré. Elle m'a aidé. Elle ne le saura jamais.

J'ai su à ce moment-là que j'allais reprendre son roman. Au calme. Après ces tourbillons et ces mouvements incessants, ces odyssées étranges. Je l'ai fait hier. Presque dans la journée et ce matin encore, juste avant l'aube. C'était le bon moment. J'étais près d'elle, en phase. Les Os des filles paru chez Stock en plein dans le regard. Un rendez-vous que j'avais presque manqué, mais qui régulièrement s'est rappelé à moi. J'aime me rendre à ce genre de signe.




L'exil... souvent dans la littérature récente, ce motif est revenu. Cette langueur étrange d'un pays de l'enfance qu'on a déserté et qui demeure en fond de regard. La jeune femme est pleine de ce manque et c'est presque lui qui l'a fondée. Une innocence perdue incarnée dans une contrée volatilisée. Des premiers temps paradisiaques et une mémoire pas encore morcelée. le passé des femmes de sa famille, Line s'en souvient comme d'un conte. Une légende traditionnelle. Un pays traversé de guerres et de tourments, celles d'Indochine, contre les français et les américains. Ba, sa grand mère au caractère si fort, passionnée d'histoire et de Napoléon, plus tard devenant une figure engagée des premiers temps d'internet. Et puis les trois filles qu'elle enfante, les trois H. Sa mère est la seconde. Elle s'éprend d'un français qui l'emmène vivre dans une belle maison à Hanoï, un ilot d'expatriés. La petite Line s'en souvient comme d'un enchantement, près de sa nourrice à l'amour maternel qui lui passe tous ses caprices. Près de ces amis d'enfance dont elle n'a jamais oublié les noms. Dans cette ville qui de 1995 à 2005 était encore dans une forme d'enfance, pleine de promesses, pleine de possibles et de doutes. Hésitante, bordélique, entre deux mondes.

Toujours chez Line Papin, le lieu renvoie à un état d'âme. L'insouciance et l'allégresse d'Hanoï qui découvre la vie sans embargo comme elle-même découvre le monde, avec exubérance. L'amour. La chaleur, la communauté. Se rattacher à une tradition, deviner ses racines dans le regard des autres. Adopter une cohérence et un début de destin. Et puis être déracinée, brutalement. Revenir aux terres d'origine de son père en Touraine et découvrir cet autre monde. S'apercevoir qu'Hanoi désormais évoluera sans elle. Ne pas se faire aux maisons de pierres épaisses qui portent d'autres souvenirs que les siens. Ne pas se faire à Paris. Dépérir en France. Se repasser sans cesse l'image des silhouettes éplorées qui disparaissaient dans la lunette arrière du taxi qui l'arrachait des lieux qu'elle aimait.

S'affamer. Être maigre à faire peur, avoir la peau sur les os. Incarner son chagrin. Devenir le spectre de tout ce qu'elle a perdu. Ne plus rire. Errer dans un univers qu'elle ne reconnait pas. Dans la France grise, loin de l'allégresse enfantine qui semblait enrober le Vietnam comme un halo. Porter ce deuil. le figurer presque comme une toile fauve. Être décharnée comme un souvenir caché, interrompu dans sa trajectoire. Personnifier un exil qu'aucun mot ne saurait apaiser. Être orphelin d'une part de soi. le Vietnam, pour Line, est une mère. le lien d'affection est tangible et permanent. Même la lumière et les couleurs ne sont plus les mêmes quand elle décrit ses souvenirs de France, où tout, sans cesse est à recommencer. Une série de nouveaux départs qui renient leur passé. L'assimilation qui exige l'amnésie, l'amputation d'une part de soi. La négation d'une identité métissée et multiple. La honte même parfois et le refus de parler la langue de ses ancêtres.

Comment se retrouver alors ? Comment prendre goût à une vie transplantée, à reprendre racine dans un sol inconnu? Comment se souvenir de tous ces lointains, ces figures tutélaires qui nous forgent et dont on est le prolongement ? Comment revenir à un pays qui a bien trop changé pour qu'on le connaisse encore ?

Line Papin porte son monde intimement, en fait le récit. Elle est riche de tous ses visages, de tout son héritage. Elle est jeune encore, et n'a pas perdu la mémoire de l'enfance. On en ressent la beauté, on en ressent les blessures. Mais il y a là de la grâce, une forme de malice, de sagesse et d'intégrité à recoller les morceaux de son passé, à les réconcilier dans l'écriture. On commence ce livre comme on feuillette un album de famille, un temps de l'innocence, avec ses figures légendaires. Et puis la tendresse et la nostalgie d'enfance, la douleur adolescente secrète, indicible, intime. Enfin cette jeune femme, riche de toutes ces facettes et de toutes ses cultures, qui porte en elle des lieux comme des reflets d'elle-même. Des noms de pays comme des journaux intimes. Des lieux qui disent quelque chose de soi, qui nous dévoilent comme des secrets. Des liens qui sont brisés. Des déchirures qui finissent par nous détruire, nous aspirer, nous anéantir dans l'anorexie. de ces endroits et de ces êtres dont nous sommes le souvenir ou le tombeau vivant. Ces hiéroglyphes sur nos intimités.

C'est beau et bouleversant. Elle est dans la lignée évidente de Marguerite Duras, on en reconnait la mélancolie et la musique des souvenirs. Line se tient toujours en équilibre au dessus de son abîme intime, elle soutient ses gouffres, fait partager son impuissance avec une implacable lucidité. Elle raconte les guerres. Celles que sa famille a traversées. Celle intime, qu'elle s'est livrée. L'histoire d'une identité qui s'est construite dans la douleur. L'histoire des os des morts que l'on recueille et qu'on garde dans une petite boite après leur mort.

Je me disais bêtement que, sans doute, Line Papin n'avait pas besoin de moi. Qu'elle a eu de beaux articles et sans doute déjà un beau succès. Sauf qu'elle m'a ému. Et que plusieurs fois, j'ai failli ne pas le dire, que plusieurs fois j'ai failli la manquer, mais que sans cesse ce livre me revenait, dans le regard d'Agathe ou sur scène à Saint-Maur. Jusqu'ici, dans ces vacances et ce beau silence que je peuple des livres et du souvenir des autres.
Lien : http://www.nicolashouguet.co..
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Ce roman au titre singulier est une biographie poétique et nostalgique. Je devrais plutôt dire un récit du déracinement,
déracinement consécutif aux guerres qui se sont succédé à Hanoï. C'est là qu'on conserve les os - des filles et des autres- " ce que nous avons au minimum, ce que nous avons tenté d'être au maximum"Line Papin se retrouve en France à 15 ans, sans comprendre exactement les choix de ses parents qui ont laisséau Vietnam la grand-mère à laquelle elle était très attachée.
"Puis sans savoir comment, les matins se sont éclaircis, ils sont passés du mauve au parme à l'incarnadin." ..." La vie allait pouvoir recommencer": cette conclusion , pleine d'optimisme, achève ce roman et nous laisse entendre que la jeune Line Papin a trouvé sa voie.
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C'est l'histoire de Line née par accident à Hanoi, au Vietnam; un pays rendu exsangue par la guerre et les sanctions américaines. C'est aussi l'histoire de trois générations de femmes entre guerre et paix. C'est aussi un récit sur les difficultés de l'exil fut-il volontaire. On ne vit en France comme on vit au Vietnam, là où on a tout laissé. C'est enfin l'histoire d'un long cheminement et d'un retour expiatoire aux sources. Très beau récit.
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« On ne naît ni par hasard ni nulle part. On naît neuf, entouré d'anciens os. Dans le coeur et dans le ventre, il y a les os de la guerre, de la grand-mère, des os de vétérans, il y a les os laissés par les bombes, les os d'une vitesse, de trois filles, les os des non qu'elle leur a dits, il y a les os de Hanoï, les os du premier fils, les os de ses pensées. Il y a ces os qu'on n'avait pas désirés et qui vont, quoi qu'il en soi, se former. Il y a ces os qu'on ne connaît pas, qu'on porte sans savoir, qui vont tout déchirer. Il y a une vie. Il y a le 30 décembre 1995, à la fin de l'année, dans un hôpital crasseux de cette ville a peine reconstruite qu'est Hanoï, une petite fille qui naît. »

Cette petite fille qui naît , c'est Line Papin, l'auteure, et cette métaphore des os,qui donne son titre au livre, revient à de multiples reprises dans le récit. Cette citation donne aussi une assez bonne idée du style de l'auteure (j'y reviendrai !)

Née d'une mère vietnamienne et d'un père français tombé amoureux du Vietnam, Line connaît une enfance heureuse à Hanoï. Alors qu'elle a dix ans, son père décide de rentrer en France avec femme et enfants. Pour Line, privée brusquement de sa grand-mère adorée, de sa nourrice, de ses amis, de sa terre natale, c'est un déchirement qui va petit à petit la détruire jusqu'à une anorexie sévère.

Des thèmes puissants, donc, dans ce roman : la souffrance de l'exil, le déracinement, la double culture, la dépression et la descente aux enfers de l'anorexie.... Pas vraiment réjouissant, certes, mais intéressant. Et pourtant, je n'ai pas beaucoup aimé ce livre.

La première partie se passe au Vietnam : une trentaine de pages qui racontent succinctement le destin de trois générations de femmes ( arrière grand-mère, grand-mère et mère de l'auteure) dans l'histoire tourmentée de l'Indochine , de 1945 aux années 90, puis l'enfance dans un Vietnam pauvre mais pacifié et joyeusement vivant aux yeux de l'enfant qu'elle est. Mais j'ai été, déjà, très gênée par le style et par le choix de ne jamais nommer sa mère , ses tantes, son père, autrement que « la première H », « la deuxième H » (sa mère), « la troisième H », « le jeune Français ». Une façon de les tenir à distance sans doute mais qui freine l'empathie.

La deuxième partie , si elle décrit avec précision et justesse la lente dérive vers la dépression et l'anorexie et la lutte pour en sortir m'a semblé trop longue et répétitive, très froide aussi, diminuant l'émotion qu'on devrait ressentir. le passage perpétuel du « je » au « tu « , au « elle » ou même à « la petite fille » , appuyant un peu trop sur la perte d'identité est un peu lassante.

Mais c'est surtout le style et l'écriture de Line Papin qui m'ont dérangée : une alternance de phrases très courtes et surtout de très nombreuses et très longues énumérations répétitives ; un ex parmi de nombreux autres (p 129) :

« Alors, les parents qui passent, c'est quelque chose. Il y en a de toute sorte : les divorcés, les affolés , les énervés, les désemparés, les réconciliés, les doux, les pleureurs, les optimistes, les parents. Ils sont là pour avoir des nouvelles de leur enfant. Ils sont colorés, chemise corail, jean bleu, veste verte, tailleur parme, foulard turquoise, parapluie cassis, chaussures blanches. Ils sont de la ville, de la vie, ils ont encore sur eux une odeur de métro, de voiture, de moto, ils ont un parfum de pluie, de vent, de bruit, ils sont vivants mais ils sont désemparés face à la mort d'une vie qu'ils ont donnée. Ils sont comme des fleurs, de différentes teintes, de différentes formes : les négligés, les chics, les rustres, les maniérés, les très simples, les beaucoup trop, les pas assez, les juste parfaits... »

Et puis il y a ces phrases obscures qui semblent là pour faire joli (ex : « Le fruit avait le goût limpide du néon » ?) ou un brin ampoulées (« Elles veulent mourir vivantes, elles veulent vivre mortes »; « Paris fut belle et pleine. Paris fut étrangère. Paris fut un champ d'honneur »)

Bref, pas convaincue du tout par ce livre !
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