N’oublie pas que les mots que l’on utilise sont le reflet de notre véritable caractère.
La vie réservait parfois de drôles de surprises. Cadet d’une fratrie de dix gosses nés d’une mère sans le sou dans une cité de South Boston, il n’avait jamais, au grand jamais, voulu d’enfant. Pour être franc, il trouvait entière satisfaction dans le mariage. Il ne voyait rien de plus gratifiant, amusant et rangé que d’avoir une femme monogame et fidèle dans sa vie.
Depuis peu, je n’avais plus besoin de compter les moutons pour m’endormir le soir : il me suffisait de me replonger dans le bouillon de pâtes alphabet que composaient les réactifs, génomes, protéomes et thérapies cellulaires.
Dans un pays où la vie suit généralement un cours rectiligne, j’avais négocié un sacré tournant. Je retrouvais enfin des bonheurs que je croyais à jamais perdus.
La stabilité. La rigolade. Et, oserais-je seulement prononcer le mot : l’espoir.
C’était l’une de ces femmes épaisses que les gens voudraient voir délestées de plusieurs kilos pour pouvoir les qualifier de superbes.
Et moi qui pensais être entrée dans le monde des adultes le jour où j’avais perdu mon père ! J’étais bien loin du compte. Assise devant le portrait qui prouvait les mensonges de mon mari, je sentis mon cœur céder et mon cerveau prendre la relève. Je considérai mon alliance et ma bague de fiançailles avec des tremblements. Je devais cesser de faire l’autruche, sortir de ce fichu rêve. Nier n’était plus possible. Les images ne trompaient pas. Les faits non plus.
Peter était un homme, un vrai, de ceux qui relèvent tous les défis que leur lance la vie, avec un enthousiasme proportionnel à la difficulté de l’obstacle, convaincus que rien ne réussira mieux à faire d’eux des hommes.
Comme j’aimais mon saint Peter ! Je l’aimais plus qu’un ami, plus qu’un amant : je l’aimais comme un héros. S’il n’avait pas existé, j’aurais dû l’inventer.
La vie réservait son lot de surprises, il fallait juste savoir les encaisser.
Un enfant ne présageait rien de bon pour mon corps – sans parler de mon avenir – de jeune femme de vingt-trois ans.
À mes yeux, aucun cadeau ne valait le recueil loqueteux de poèmes anglais du XVIIe siècle que j’avais retrouvé un jour devant ma porte. Le soir, couchée dans mon petit lit, je me plongeais dans les œuvres de Herrick et de Marvell et redécouvrais les raisons qui m’avaient poussée à étudier la littérature. Pétales de rose et chariots ailés, jeunesse et beauté éternelles…