Félicitations. Si vous lisez ceci, c'est que, sans le savoir, vous venez de mettre toutes les chances de votre côté pour rester en vie jusqu'à votre prochain anniversaire. Vous ! Oui, vous,là ! Vous qui êtes en train de leuilleter ce livre. Ne le remettez pas là où vous l'avez pris. Je ne rigole pas. Si vous tenez à la vie, ne faites pas ça.
" Qu'est-ce que ça veut dire ? a fait le Gasman tandis qu'il pointait du doigt un petit écriteau métallique sur lequel on pouvait lire :
Troisième rail : danger
Gardez vos distances.
_ Ca veut dire qu'il y a un courant de setp cents volts qui passe dans le troisième rail,a expliqué Fang. Tu le touches et tu es un pop-corn mort."
Je ne me souviens plus trop bien à quel moment précis ça a démarré, mais petit à petit, j’ai senti les muscles de mon cou se raidir. En jetant un œil à Fang, j’ai vu qu’il m’examinait de côté tout en mangeant ses frites. Je connaissais ce regard.
L’air cool, j’ai regardé à nouveau autour de moi. Les quelques familles qui étaient assises à côté de nous avaient à présent quitté leurs tables. A leur place, une tripotée de beaux gosses s’étaient installés, qui semblaient crever la dalle. Il y en avait des dizaines et des dizaines.
Tous beaux, la chevelure généreuse et soyeuse, avec leurs grands yeux et leurs petites voix d’ange.
La vache. Mon estomac est tombé dans mes chaussettes comme une crêpe.
-Max ? a crié Nudge.
Je ne pouvais pas réfléchir, pas parler. Rien. Mes ailes se sont pliées comme du papier et j'ai entamé une chute libre tel un grêlon.
Quelque chose ne tournait pas rond.
ça y est, c'était reparti. Je me disais bien que ça faisait longtemps aussi.
Un torrent de larmes ruisselait sur mes joues. J'avais les mains plaquées sur le crâne comme pour empêcher la douleur de le faire exploser. La seule pensée à demi cohérente qui me venait se résumait à: "Laissez-moi mourir, que cette foutue douleur stoppe... Stop.. STOP!!!
Ensuite, Fang m'a attrapée de ses bras noueux et durs et j'ai senti que je remontais.
[...] - Wahou, tu pèses une tonne ! T'as mangé des pierres ou quoi ?
-Pourquoi ? Il t'en manque dans le cerveau ? dis-je d'une voix enrouée.
Je voyais sa bouche et dessus la petite grimace bizarre censée ressembler à un sourire. C'est alors que j'ai compris à quel point il avait eu la trouille.
C'est drôle comme le fait d'être sur le point de mourir remet drôlement les idées en place. Maintenant, par exemple :
Cours ! Allez, vas-y ! Tu peux le faire.
J'ai gonflé mes poumons à bloc. Mon cerveau bouillonnait. Je courais pour ne pas mourir. Je n'avais qu'une idée en tête : m'échapper. Tout le reste n'avait aucune importance.
Avoir les bras déchiquetés par un buisson d'épines ? De la gnognotte.
Marcher pieds nus sur des rochers tranchants, de grosses racines et des branches d'arbres pointues ? Aucun problème.
Manquer d'air et sentir mes poumons qui brûlent ? Je pouvais gérer.
En tous les cas, tant que je maintenais les Erasers à distance.
Oui, les Erasers. Des mutants : mi-hommes, mi-loups, généralement armés et toujours assoiffés de sang. À ce moment-là, ils me couraient après.
Vous voyez ? Ça remet vachement les idées en place, hein ?
Cours. Tu es plus rapide qu'eux. Plus rapide que n'importe qui.
Je ne m'étais jamais autant éloignée de l'Ecole. J'ignorais complètement où j'étais. Mais mes bras continuaient de s'agiter le long de mon corps, mes pieds s'abîmaient dans les broussailles et mes yeux balayaient d'un regard anxieux le paysage plongé dans la pénombre. Je courais plus vite qu'eux. Je devais pouvoir trouver une clairière suffisamment grande pour me...
Oh, non ! Nonnnnnnnnnnnnnn ! Les glapissements lugubres des limiers flairant ma piste me sont parvenus entre les arbres. J'avais envie de vomir. Je pouvais semer des hommes en courant. On pouvait tous le faire, même Angel, du haut de ses six ans. Mais un gros chien ? Aucun d'entre nous ne pouvait le semer.
Allez-vous-en, les chiens ! Fichez le camp ! Laissez-moi vivre un jour de plus.
Mais des adultes lambda ne font pas le poids face à une Max en colère.
-Barrons-nous d'ici, ai-je fait entre mes dents. Il y a une planche de Ouija qui vient de me dire de sauver le monde.
-Wahouuuuuuu, t'es célèbre, a sorti le Gasman, visiblement à des années lumière de mon mauvais pressentiment.
Avec précaution, j’ai lâché ma tête en faisant une grimace. Je m’attendais à moitié à ce que des morceaux de cervelle restent dans mes mains.
Quelque chose ne tournait pas rond.
Ça y est, c’était reparti. Je me disais bien que ça faisait longtemps aussi.
Vous allez peut-être trouver que je suis cinglée, mais ça remonte le moral de voir d’immenses rapaces faire de la chair à pâté d’Erasers.