« Se quitter pour se retrouver, encore, encore et encore, c’est sans doute une des multiples formes que peut prendre le paradis ici-bas. » (p. 71)
« Je ne connais rien de plus douloureux que se retrouver obligé de vivre à côté d’une vérité insupportable, et sans pouvoir ni s’en éloigner ni rien faire pour la modifier. » (p. 66)
« Tout me semble plus facile et naturel avec toi, mon corps ne paraît plus avoir besoin de faire un quelconque effort, il suit ma tête qui discute avec toi, et tout simplement se tient à côté de toi, et cette seule proximité suffit à le stabiliser. » (p. 41)
« Je sais que je ne t’ai pas rêvée, parce qu’il reste quelque part en moi une trace tangible, une empreinte profonde de ce bonheur d’avoir été près de toi. » (p. 12)
Il y a en français une expression que tu connais peut-être, c'est " boire les paroles de quelqu'un", eh bien, je fais exactement ça : je bois tes paroles et elles me font escalader le ciel.
Je ne connais rien de plus douloureux que se retrouver obligé de vivre à côté d’une vérité insupportable, et sans pouvoir ni s’en éloigner ni rien faire pour la modifier.
J'agis en ta compagnie selon mon instinct et je serais bien incapable de faire une chose que je ne sente pas cohérente avec le moment.
Chère L.,
Je voudrais pouvoir te remercier pour tout. Rester à tes côtés pendant ces quelques jours a été merveilleux, de la première à la dernière minute.
Hier, j'étais si désespéré que tu sois partie, et si abandonné quand je me promenais sur les routes désertes du Domaine, j'ai erré toute la journée, je ne savais plus pourquoi j'étais vivant, je n'étais plus vraiment vivant d'ailleurs, j'étais une simple chose animée, un automate privé d'étincelles, et c'est seulement le soir que j'ai enfin compris que je ne pouvais plus faire qu'une chose, la seule chose que je sache faire dans la vie : me nourrir de mes propres phrases, et qu'il allait me suffire de t'écrire une lettre, de t'expliquer que j'étais tombé amoureux de toi, de te dire ce qui s'était passé et comment c'était arrivé, et qu'alors je serai soulagé.
Mais ce matin, au moment de commencer ma lettre il me semble que je n'en suis plus capable, et même que c'est plus grave encore : la nuit de sommeil, la première après que tu as quitté le Domaine, m'a comme retiré le souvenir de toi et jusqu'à la souffrance de ton absence. C'est à la fois cruel et comique j'ai l'impression qu'en moi un autre moi aveugle a utilisé les longues heures du sommeil pour tout effacer soigneusement, dans le seul but de me débarrasser du manque de toi. Et ça, c'est pire que tout, parce que je sais que je ne t'ai pas rêvée, parce qu'il reste quelque part en moi une trace tangible, une empreinte profonde de ce bonheur d'avoir été près de toi.
Sauf, que ma vocation pour la joie semble avoir été la plus forte, elle a fait le ménage pendant la nuit, les petits balayeurs de mon inconscient ont tout déblayé, ils m'ont soulagé de toi, mais moi je ne suis pas d'accord avec eux, je ne veux pas que tu disparaisses de moi, je veux te graver en moi t'inscrire à l'intérieur de mon corps
Je ne connais rien de plus douloureux que se retrouver obligé de vivre à côté d'une vérité insupportable, et sans pouvoir ni s'en éloigner ni rien faire pour la modifier.
...et je me dis qu'il n'y a jamais de hasard, que les choses se tressent les unes aux autres pour former une troublante guirlande, certains atomes du monde se chargeant de passer le relais à d'autres pour que la continuité de mon corps ne soit jamais rompue, et mon corps ce sont aussi les mots que j'écris.