Polaire

Charles Péguy disait qu'aimer « c'est donner raison à l'être aimé qui a tort ». Après avoir lu Polaire, on pourrait aisément compléter cette citation en considérant qu'aimer c'est aussi accepter d'être pris au dépourvu, perdre pied, oublier ses croyances, le temps, s'égarer…et même se résigner à être malheureux, surtout lorsque l'être aimé se perd dans des mondes éloignés de la réalité.

Polaire c'est l'histoire d'un homme qui a décidé d'aimer une femme bipolaire, polaire pour le narrateur car « elle est perchée sur une des deux extrémités du monde ». Décider d'aimer oui car c'est une expérience voire une épreuve d'être aux côtés d'une femme déroutante, imprévisible, insaisissable, toujours passionnée qui vous invite à redéfinir les frontières de l'amour, du partage et de la complicité. Est-ce que la femme l'aime ? On ne le sait pas vraiment, certaines séquences suggèrent de belles émotions passées sous silence, aussitôt d'autres remettent en question nos certitudes nouvelles. Elle est un mystère.
Sans cesse bousculé, le narrateur s'adapte, se laisse guider par la maladie, accompagne cette femme dans ses abîmes, accepte les impasses jusqu'à repousser les limites de l'épuisement.

Une écriture introspective et simple, pourtant Marc Pautrel parvient à sublimer cette histoire d'amour singulière car elle comporte le secret de l'éblouissement et de la destruction en son sein. C'est beau parce que c'est douloureux, intense, fulgurant…on a envie de croire que la volonté de cet homme pugnace et l'amour qui le transporte pourront vaincre la maladie.

Ce récit de Marc Pautrel- roman court d'à peine cent quarante pages en chapitres brefs - au titre si pertinent publié dans la jolie collection L'Infini est bouleversant de simplicité, de vérité. Une lecture saisissante, si juste de troubles, d'émotions, d'écriture.

» Elle vrille, elle tourne sur elle-même, c'est une toupie éblouissante, une étoile polaire, stella polaris, visible à l'oeil nu depuis tous les points de la terre, elle rayonne. [...] Elle est stellaire. Puis, par référence au nom que les psychiatres donnent aux patients comme elle, bipolaires, je rectifie aussitôt : Elle est polaire. Oui, elle est perchée sur une des extrémités du monde. «

Polaire, ce froid au coeur, au corps, malgré la chaleur des sentiments. Marc Pautrel nous raconte une histoire, l'histoire de ce narrateur qui essaie d'accompagner, de comprendre, d'aimer cette femme en souffrance « qui ne peut pas donner ce qu'elle n'a pas »; une histoire d'amour, d'incapacité à l'amour, de l'amour, une histoire de déchirures.

A la fois pudique, réaliste, viril, le récit relate sans fioriture ni facilité les moments, toujours forts, toujours furtifs et fragiles, que partagent deux être éperdus, démunis et douloureux, au présent et en absences, les solitudes confuses, les prudences et les violences.

Malgré la tristesse, je suis heureuse d'avoir croisé, retenu ce livre, d'avoir été tenue par cette lecture, pour ce vide et ce plein, pour la précieuse lueur qui transperce aussi les pages.
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A la seule lecture de la quatrième de couverture, je n'aurais pas emprunté ce livre. Mais le résumé que nous avait préparé les bibliothécaires de mon cercle de lecture m'a donné envie de le prendre. Et bien m'en a pris ! Ce petit roman est une ode à l'amour, l'amour envers et contre tout, l'amour envers et contre la maladie.

Le narrateur est fou amoureux d'une jeune femme, mais cette dernière souffre de troubles bipolaires. Malgré cela, il espère, qu'un jour, elle lui rendra son amour. Ils se voient souvent, ils se rapprochent parfois, mais le trouble bipolaire est toujours là, tapi, prêt à resurgir quand il s'y attend le moins.

J'ai aimé la tendresse avec laquelle le narrateur nous présente cette relation si douloureuse pour lui. Il n'en veut pas à cette jeune femme, il sait qu'elle n'y est finalement pour rien. Et peut-être est-ce cela qui m'a fait trouvé cette histoire, belle et émouvante.
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Le temps est splendide, encore estival, les grands arbres, les pelouses, tout est d'un vert éclatant, vif, lumineux, euphorisant. Je marche, je la cherche autour du bâtiment, je ne la vois pas. Je croise des patients qui ont un air vraiment bizarre, qui errent seuls et me regardent avec une hébétude, curiosité, agressivité peut-être. Certains sont silencieux, d'autres marmonnent tout bas, ils tournent en rond, ils marchent sans but, ils me semblent terriblement malheureux, nos regards se croisent, ils devinent que je ne suis pas des leurs. Une ou deux fois j'ai peur en les voyant qui avancent lentement dans ma direction. Aucune trace d'elle."
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