Citations sur La Plage (20)
La nuit, quand je rentrais, je me mettais à ma fenêtre pour fumer. On imagine de la sorte favoriser la méditation, mais la vérité c'est qu'en fumant, les pensées se dissipent comme brouillard et que l'on rêvasse tout au plus, ce qui est bien différent de penser.
J'avais redouté, en venant au bord de la mer, d'avoir à passer des journées fourmillant d'inconnus, à serrer des mains, à remercier et à entamer des conversations au prix d'un labeur à la Sisyphe.
Nous avions alors l’âge où l’on écoute parler son ami comme si c’était vous-même, où l’on vit à deux cette vie en commun qu’aujourd’hui encore, moi qui suis célibataire, je crois que réussissent à vivre certains couples mariés.
Je commençais à comprendre que rien n'est plus inhabitable qu'un lieu où l'on a été heureux. Je comprenais pourquoi Doro, un beau jour, avait pris le train pour retourner dans ses collines, et pourquoi, le matin suivant, il était revenu à son destin.
Il me dit alors qu'il ne comprenait pas pourquoi les gens prônaient tellement la jeunesse : lui, il aurait voulu avoir déjà trente ans - autant de gagné - ces années intermédiaires étaient idiotes.
- Mais toutes les années sont idiotes. C'est une fois qu'elles sont passées qu'elles deviennent intéressantes.
(...)
Je lui expliquai que ce que son âge avait de beau, c'était que les sottises ne comptaient pas et cela justement pour la raison qui lui déplaisait : qu'on vous considérait seulement comme des gosses.
La nuit, quand je rentrais, je me mettais à ma fenêtre pour fumer. On s'imagine favoriser de la sorte la méditation, mais la vérité c'est qu'en fumant, les pensées se dissipent comme brouillard et que l'on rêvasse tout au plus, ce qui est bien différent de penser. Les trouvailles, les découvertes viennent, par contre, inopinément : quand on est table, que l'on nage dans la mer ou que l'on parle de tout autre chose.
(...) lui dit que son pays n'est beau que lorsqu'on y repense.
Elle m'avait expliqué qu'elle faisait tout en public, mais qu'en ce qui concernait la mer, elle s'arrangeait seule avec elle. "Mais c'est bizarre. - C'est bizarre, mais c'est comme ça." Elle nageait bien et ce n'était pas par gêne. C'était une décision personnelle. "La compagnie de la mer me suffit. Je ne veux personne. Dans la vie, je n'ai rien à moi. Laissez-moi au moins la mer." Elle s'éloigna en nageant sans faire remuer l'eau, et à son retour, je l'attendais sur le sable.
Des tristesses que je connaissais bien s'emparaient de moi. Le souvenir de ma conversation avec Guido, s'ajoutant à cela, acheva de me déprimer. Heureusement j'étais à la mer, où les journées ne comptent pas. "Je suis ici pour me distraire", pensai-je.
Ce n'était pas pour moi une nouveauté que le fait que plus de trois personnes forment une foule et que l'on ne peut plus rien dire alors qui vaille la peine.