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Citations sur La Mort est une femme comme les autres (32)

- Suzie, dites-moi : pourquoi avez-vous peur de mourir ?
- Vous n'avez pas peur, vous ?
- Disons que je ne me sens pas concernée.
Suzie étudia Emm de longues secondes avant de répondre.
- Mourir, c'est la fin. Le monde continue de tourner, sans nous. C'est être exclu du monde, renoncer aux chemins que nous n'avons pas eu le temps d'emprunter. Il y a cette idée de gâchis. On voudrait s'accomplir et être heureux mais on se dissout dans le quotidien, on se laisse dévorer par un travail chiant, des soucis sans intérêt, et au final on passe à côté de notre vie. Enfant, elle est illimitée,, potentiellement multiple. Elle ressemble à un chêne millénaire, imposant, touffu. Puis on grandit, on se confronte à des choix, et l'arbre se rabougrit. Un jour, on est vieux et on se rend compte que le chêne s'est transformé en ficus nain.
- C'est assez égoïste comme pensée, il faut laisser la place aux autres.
Suzie réfléchit et son nez en trompette s'agita.
- Sans parler des gens qu'on abandonne...Si j'avais des enfants, je serais paniquée à l'idée de les laisser seuls. Les livrer au monde, justement. Et mourir jeune est dégueulasse. Il y a le panneau "route barrée" alors qu'on voit le bitume de l'autre côté, qui se perd à l'horizon, avec ses embranchements, ses possibles. Seulement, on n'a pas le droit d'essayer.
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— Tu es en train de mettre un bordel noir chez les humains, ma vieille, s’écria la Faux. Tu dois te ressaisir, piger d’où viens ton burn-machin ! Tu es, tu es… cruelle ! tenta-t-elle, à bout d’arguments.
— C’est la meilleure de l’année ! Moi, cruelle ? Ils me supplient tout le temps de les épargner, et maintenant que je m’exécute, ça ne va toujours pas ! Ils ne sont jamais contents, jamais contents !
Emm se frotta les paupières, perdue.
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Mourir, c'est la fin. Le monde continue de tourner sans nous. C'être exclu du monde, renoncer aux chemins que nous n'avons pas eu le temps d'emprunter. Il y a cette idée de gâchis. On voudrait s'accomplir et être heureux mais on se dissout dans le quotidien, on se laisse dévorer par un travail chiant, des soucis sans intérêt, et au final on passe a coté de notre vie.
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Pourquoi y a t-il une ligne de démarcation entre la vie et la mort et cette séparation est-elle réelle ou simplement arbitraire, un fabrication de notre esprit?
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- Vous ressentez une grande lassitude ?
- Oui.
- Chaque geste vous est pénible ?
- Oui, c'est ça ! s'exclama Emm, qui se redressa légèrement, piquée par un intérêt insolite.
- Vous n'envisagez plus l'avenir, et d'ailleurs, vous n'envisagez pas le présent non plus, subissez les événements et avez envie de tout arrêter, et quand je dis tout, je veux dire tout, oui, madame : votre corps est un étranger plus lourd qu'une enclume et vos pensées ressemblent à la soupe de pois de ma grand-mère Georgette qui travaillait au Crillon, vous êtes éreintée, l'impression tenace que vos muscles sont de la gelée de groseilles et que le monde pèse le poids d'un éléphant mort sur vos frêles épaules ?
Varlov dut reprendre sa respiration, terrassé par sa prestation.
- Trêve de bavardage : j'ai quoi ?
Emm avait fauché Virgile, Baudelaire, Hugo et Neruda, elle n'allait pas se taper Varlov et ses assauts verbeux.
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- Pendant que tu t'abîmais dans la contemplation de ton cubitus, j'ai regardé un film, commença-t-elle.
- Un quoi ?
- Un film, Emm, ne fais pas semblant de ne pas comprendre ! Ces histoires que les hommes se racontent pour échapper à la réalité et ne plus avoir peur de toi, leur inéluctable point de mire.
La Faux ne se laissa pas démonter par l'absence totale de réaction.
- Je l'ai vu à la télé. Je n'ai pas tout saisi mais c'est l'histoire d'un type brun à lunettes qui bégaie. Il n'est bon à rien, doute de tout, se demande s'il n'a pas un cancer du bonheur. Bref, il n'arrête pas de se plaindre.
- Classique... déplora Emm.
- Je sais, on parle de ton quotidien ! Mais écoute la suite : pour tenter de remonter la pente et de reprendre le contrôle de lui-même, voire de trouver ce lui-même, il régurgite ses états d'âme à un spécialiste. Un homme dont le travail est d'ingérer la masse des turpitudes humaines, et d'apaiser les âmes perdue qui le consultent en les délestant de leur fardeau.
- un curé ?
- non, un "psy"
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- Eh bien, des rumeurs circulent. Figure-toi que Mémé n'est pas la seule. Il paraît que les gens ne meurent pas, ne meurent plus ! J'ai lu des théories dingues : l'homme serait parvenu à un stade ultime de développement et aurait atteint l'immortalité ! Tu te rends compte ? On ne va peut-être plus mourir ! s'emballa-t-il. [...]
- Tu ne crois pas ce genre de conneries, quand même ? [...] Tu as oublié à quel point tout le monde fait pipi sur la Toile en disséquant la longueur et la forme de son jet. Crois-moi, l'humanité est loin d'avoir atteint l'apogée de son évolution. Si tu veux mon avis, elle est même plutôt en train de repartir du côté des invertébrés. Il suffit de jeter un œil à la crétinerie ambiante pour s'en persuader.
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- Dans notre esprit, la Terre est figé à notre échelle. Elle s'est formée, Big Bang, boule de gaz, lave en fusion, terres qui se fracassent les unes contre les autres, montagnes qui naissent, océans, dinosaures, météorites, mammifères et hop, hommes. Tout ça sur des milliards d'années, hein, grosso modo. On est là, à pérorer du haut de nos deux cent mille ans, et on croit que depuis qu'on chie sur elle, la Terre est notre esclave. Mais elle n'en a rien à foutre, la Terre ! Elle fait son bout de chemin, elle a sa vie à elle ! Et en ce moment même, les continents dérivent.
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Emm avait du mal à comprendre Suzie, mas elle essayait. L’humanité trimait depuis sa naissance. La souffrance était son lot. Et la mort, la cerise sur le gâteau. Elles étaient inévitables. Pourquoi les redouter ?
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- Ketchup, salade, oignons, mayo, la totale ! abrégea Emm dont la patience réduite au minimum syndical s'émoussait dangereusement.
Elle plaça la Faux invisible en travers de ses épaules, histoire d'avoir les mains libres, et prit le sandwich. Elle s'apprêtait à sortir quand le vendeur la héla.
- Oh là, c'est cinq euros et je ne fais pas crédit !
- Crédit ?
- Je n'offre pas mes sandwichs aux punks à chien !
- Je crois qu'il vient de te dire un truc pas gentil.... intercéda la Faux.
Emm haussa les épaules.
- Ferme ta boutique, blanc-bec, et va profiter de ta vie. Dans vingt-deux semaines, elle s'achèvera.
- Paroles, paroles, paroles..... miaula la Faux.
- J'ai dit : je ne fais pas crédit ! reprit l'homme, véhément. Il sortit de derrière son comptoir en singeant l'entrée des footballeurs sur le stade, roulant des épaules, et se planta devant Emm, poings sur les hanches. Sa bedaine enserrée dans son tablier maculé touchait presque celle d'Emm, pourtant fort plate.
- Tu me payes illico, morue !
Emm ferma les yeux avec une mimique de dégoût ; l'haleine rance du gros homme lui piquait le nez.
- Oh ! tu m'entends ! je veux mes cinq euros !
Ou quoi ? vous appelez les flics ? Pour cinq euros ? ironisa une voix derrière eux.
Emm se pencha sur le côté. A quelques mètres de la porte, une jeune femme blond cendré s'était arrêtée. Elle était pâle et essouflée.
- On mange, on paye ! rétorqua l'homme d'un ton rogue. Je ne suis pas sponsorisé par Jésus, je ne fais pas la charité.
Il bloquait toujours le passage;
La jeune femme fouilla dans son sac en tissu bariolé qu'elle portait en bandoulière, sortit un porte-monnaie rouge constellé d'étoiles et tendit un billet de cinq euros à l'homme. Celui-ci ne bougea pas.
- Vous les voulez, vos cinq euros, oui ou non ?
- Mais qu'Est-ce que ça peut vous foutre ?
Et la jeune femme jeta le billet, qui retomba lentement sur le sol.
- Bon appétit, lança-t-elle à Emm, avec une ébauche de sourire, trop fatigué pour être éclatant.
L'homme jeta un coup d'œil teigneux à Emm, puis se retourna pour ramasser son billet.
Elle, elle, rejoignit la rue. Campée sur ses rangers trop grandes, son sandwich à la main, elle suivit des yeux la jeune femme qui disparaissait dans le chaos.
- Ca alors.... dit-elle, les yeux agrandis par l'étonnement.
- Qu'Est-ce qui se passe, encore ? ronchonna la Faux. Il a oublié la mayonnaise ?
Mais Emm, bouleversée, resta coite avant de murmurer :
- Une humaine vient d'être gentille avec moi.....
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