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Critique de Darkcook


David Peace... Des années que mon prof mentor, expert en polar, m'en avait parlé, alors que je passais mes journées et nuits à pondre mon mémoire sur Ellroy, Dantec et Jonquet. Il me l'avait décrit comme l'Ellroy british, très noir, transbahuté dans le Yorkshire et l'Angleterre de la Thatcher, avec un auteur aussi tourmenté que le Dog de L.A.

Les critiques de Babelio allaient dans le même sens... Et l'auteur ne faisait pas l'unanimité. J'y ai enfin goûté. Et j'ai halluciné. James Ellroy, parfois insoutenable, à l'univers sans foi ni loi... est en réalité un enfant de choeur à côté de David Peace!! Vous lisez bien!! Chez Ellroy, il y a au moins une glamorisation de la chose, un romantisme, le soleil d'Hollywood, qui occultent les horreurs des coulisses, ainsi que des flics sur la voie de la rédemption grâce à une femme souvent déïfiée.

Peace, c'est : pluie, nuit, ténèbres, zéro lumière, zéro espoir, gore ellroyien démultiplié (avec en plus des enfants concernés dans 1974, comble de l'horreur), jusqu'au scatologique, style ultra sec, pire que celui de White Jazz d'Ellroy. Ce dernier roman s'essayait à un exercice de stream-of-consciousness version roman noir des plus admirables, où Ellroy jouait avec le rythme des mots saccadés du narrateur. Peace fait un peu la même chose, mais en plus difficile à lire, sans jeux rythmiques, parfois dans l'ellipse, faisant revenir en leitmotiv certaines phrases/pensées hantant son personnage... et le faisant tomber dans des névroses abyssales, qui là encore, font passer les flics d'Ellroy pour des modèles d'équilibre. Les scènes de sexe d'Edward Dunford sont peut-être les plus dérangeantes que j'ai jamais lues!! On a peu de sympathie pour lui en général, et son esprit sombre à un point où on en vient à le soupçonner d'être à l'origine des horreurs du roman... le texte joue fort bien avec cette ambiguité.

C'est du très bon polar, très sombre, qui ressemble beaucoup à Ellroy mais en enfonçant l'interrupteur de la violence, du sexe et de la corruption omniprésente à un maximum insoutenable même pour les habitués. Après, ça garde une grandiloquence, un folklore, une folie... C'est pas déprimant quoi, ça reste bel et bien du roman noir.

Ce qui m'a fait enlever une étoile : le style sec, haché, elliptique, à l'excès, qui requiert un temps d'adaptation et un maximum de concentration. On oublie parfois l'origine de certaines phrases récurrentes obsédant le perso, et un minimum de mots peut contenir beaucoup d'informations qui peuvent nous échapper si on est distrait. Et puis, avec une telle écriture, à l'image de ce Yorkshire boueux où la pluie ne s'arrête jamais, on reste sur notre faim sur le plan littéraire... Ellroy, par les touches de lumière qu'il apporte, est plus poétique, et ne parlons pas de ses épanchements pour les femmes. Point de place pour tout cela ici. Cul, caca, pisse, sang, chatte, enfants sous les pires sévices, sous la pluie, dans la boue, dans la nuit permanente... Ça plaît toujours, en amateur du genre, mais la beauté finit par un peu nous manquer. Peace n'est pas Céline ou Bukowski... ni Ellroy, sur ce point spécifique, sa noirceur absolue n'atteint guère un sublime littéraire, on a plutôt quelque chose de froid, malgré certains effets de boucle et d'accumulations, d'enchaînements de phrases nominales et de mots. Mais il peut y avoir du burlesque, à de rares moments, avec l'arrivée du scatologique (ou alors c'est moi, le pipi/caca me fera toujours rire...). Dunford, comme dit plus haut, ne suscitait pas non plus la plus grande empathie chez le lecteur. J'attends de tomber, dans les prochains tomes, sur un équivalent de Danny Upshaw ou d'Ed Exley.

Je dois souligner des scènes HALLUCINANTES dans 1974 : la baston flics/gitans sur le bord de l'autoroute, et tout le final complètement fou et frénétique, en particulier "l'interrogatoire" subi par Dunford, et l'exploration souterraine. Magistral. On sent le fan d'Ellroy, qui a réussi à parfois capturer son intensité. J'ai vraiment hâte de lire les autres tomes, avec d'autres persos, toujours dans l'horreur, au fil de l'évolution politico-sociale de ce Yorkshire torrentiel, Los Angeles d'Ellroy où la lumière s'est éteinte, bien loin des villages et des masures cosy d'Agatha Christie dans le Devon!! Si ce Red Riding Quartet suit la même envolée épique, toujours plus grandiose, que le Quatuor de L.A. d'Ellroy, I'm in for one hell of a ride...

Tel le pédophile du roman, je ne peux que signer, après une telle lecture : "4 luv."

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