Prenez une carte de France. Une grande règle d'architecte. Tracez un trait barrant grosso modo le pays en biais de Bayonne à Nancy. Vous l'avez, cette diagonale du vide.
En la parcourant, aucune grande ville, aucune métropole grouillante. Rien que des paysages. Des vallées, des monts, même pas des montagnes. Des rivières puis des fleuves à traverser. Bien sûr, en la parcourant à pied, c'est mieux. Une sorte de Compostelle dans l'autre sens. Car, cette diagonale s'effectue forcément vers le nord-est. Forcément.
Pierre Péju aime les rencontres. du moins, écrit-il ces rencontres improbables qui font le sel des livres, le terreau de tout bon roman et, surtout, le fondement de la vie. le seul intérêt à celle-ci d'être vécue.
Quand on marche, quand on randonne comme on dit aujourd'hui, même si la randonnée n'affiche pas plus de dix kilomètres au compteur et que vous serez rendus avant midi, quand on marche à pied, il y a deux points d'intérêt. D'abord, voir le paysage défiler à bonne allure, ni trop vite pour en apercevoir les moindres détails, ni trop lentement pour avoir cette impression de voyage, d'aller vers l'inconnu. Ensuite, faire des rencontres. Croiser d'autres vies, d'autres façons de voir les mêmes choses. Même sur cette diagonale désertée, vous ne serez jamais très longtemps seuls.
Ce sont ces rencontres qui intéressent
Pierre Péju.
Et nous avec.
J'ai particulièrement bien aimé le personnage du cafetier (un second rôle, François Damiens pourquoi pas) qui finit souvent ses phrases par un « mais bon » lourd de sens.
N'allez donc pas chercher un récit d'aventure dans ces pages. Ni même la recherche de soi, bien que ça démarre un peu comme ça : un homme part pour échapper à son existence. On n'en saura pas davantage. Il croise une troublant jeune femme qu'il va se mettre en devoir de suivre. Comme le naufragé s'accroche à une bouée. D'abord farouche, elle va commencer à se livrer, un soir.
Je ne sais plus qui a dit (c'est dans un film de
Lelouch) : « quand on demande à quelqu'un comment il va, on prend de gros risques ».
Le récit de la jeune femme va ébranler notre héros et nous avec.
Et télescoper un autre récit, une autre vie, une autre femme. Comme dans la chanson de Renaud : Manhattan – Kaboul. Les Tours et l'Afghanistan. Deux lieux, aussi opposés l'un que l'autre et se rejoignant pourtant. Une autre diagonale. Un autre vide. A combler d'urgence.
On cherche tous à poser ses valises quelque part.
Mais la vérité renferme parfois des mensonges. A trop vouloir savoir, on peut s'y brûler les ailes. Icare, encore.