Une lecture de lumière, à faire en ces temps de pause et de ralentissement forcé du temps !
"Où se trouve le" bon côté des choses "? Je n'en sais rien, mais je sais qu'il existe et que cela suffit. Et je sais qu'une vigilance et qu'une résistance sont possibles. (... ) le monde est là. Il m'attendait. le monde est l'attente des choses. (...) Passant. Professeur réservé, dans un lycée de province, faisant chaque jour, sa promenade clandestine et quelques observations.
Ne chercher qu 'à "dire les choses" avec l'exactitude du rêve.
Accorder un grand intérêt à tout ce qui ne rapportera jamais le moindre intérêt. "(p. 24)
Ce temps suspendu ... me fait entreprendre un arrangement de printemps plus exigeant que d'habitude ... Je retombe sur un auteur,
Pierre Péju, et l'un de ses textes préférés: "
La vie courante", éd.
Maurice Nadeau, 1996, acquis pour ma part dans une librairie d'Avignon, en mai 2004 ... J'ai fait connaissance, la première fois, avec cet auteur par la lecture d'un texte bouleversant, "
La Petite Chartreuse" ...
Je relis cet ouvrage qui m'avait enthousiasmé littéralement; la preuve en est au grand nombre de passages soulignés, retenus ... Pour ce texte qui est une merveille je tiens à écrire et laisser quelques lignes ...qu'il faut lire et savourer très lentement…
L'auteur se raconte de manière poétique et philosophique ... Rien d'étonnant, puisque
Pierre Péju a enseigné toute sa carrière, la philosophie. Il s'interroge sur son métier, ce qu'il a pu transmettre à ses élèves pour aider à réfléchir au sens d'une vie, alors que lui-même cherche toujours ... Un style lumineux pour nous offrir des observations, anecdotes de l'existence, du Grand Ordinaire ... les instants magiques ou douloureux qui composant la trame de nos vies ... le temps qui passe, qui nous transforme ... et nous laisse aussi perplexes devant le mystère de nos existences ...
" Maladie de l'écriture: espoir pathologique atteint, même fugitivement, le noyau parlé de chaque moment vécu, puis l'amande amère de ce qui se tait dans toute parole ". (p. 130)
“Avec le temps, cette “habitude immodérée”, cette « maladie de la lecture » qui, on le sait, n'a guère de chances de guérison, s'est compliquée d'une « maladie de l'écriture ». C'est l'une des évolutions prévisibles : on veut dire les choses à son tour. Faire son livre faute de l'avoir rencontré. Trouver les mots. Noircir des pages dans la douleur et la jubilation. Stylos et carnets toujours à portée de symptôme. « (p . 130)
«
La vie courante » pas si « courante » que cela, lorsque le regard de l'écrivain s'aiguise… L'auteur nous offre mille questionnements , observations, descriptions sur les lectures de l'enfance, l'écriture, le mûrissement des mots, sa passion pour Hoffmann, sa profonde déception de son livre sur cet artiste, qui fut un « flop intégral » et finit chez un soldeur, son enfance bénie de « jeune lecteur » entre la bibliothèque familiale , richement fournie, et un « paternel » , libraire….
Cet ouvrage, profondément atypique, loin des criters commerciaux…mérite grandement le détour pour tous les amoureux de la poésie , des livres (tant du côté lecteur et que du côté écrivain), de la philosophie… d'un art de vivre. Même si ils sont très différents, je ne peux m'empêcher à d'autres auteurs et textes qui me sont chers, dans une démarche très proche ; je songe à
Christian Bobin mais aussi à deux textes d'un écrivain dont j'affectionne la pudeur et la magie de la plume sur le quotidien si modeste, que l'on peut transfigurer par son regard et sa plume… Ce que fait extraordinairement, comme
Pierre Péju,
Patrick Cloux, avec son « Amitié du merveilleux », et «
le Grand Ordinaire, chronique du quotidien »…
Des textes précieux , et d'autant précieux en ces temps, où obligés de se poser, on fait des bilans, on s'interroge sur ce qui fait notre véritable ESSENTIEL…pour nous et les nôtres !
Je serai bien joyeuse( après ce simple ressenti personnel ) de dénombrer plus de nouveaux lecteurs à
Patrick Cloux, et
Pierre Péju… qui sont des vrais « modestes » éclaireurs, avec un art de vivre et de penser, qui, pour ma part, sont des comme des « lanternes magiques» qui m'aident à être dans une jubilation de Vie. Je ne dirai jamais assez comme tant d'entre nous, que la Littérature nous sauve chaque jour ; et éloigne le pire…