L’option de la monarchie élective impliquait le refus d’une légitimité fondée sur le « droit du sang » germanique. Dans le climat isidorien du VIIe siècle, les érudits ecclésiastiques hispaniques, bons connaisseurs de la Sainte Écriture, développèrent pour le monarque « élu » une légitimité de caractère sacral. Les rois d’Israël, oints du Seigneur, allaient constituer le précédent qui alimenta leur inspiration. Et de fait, le canon 75 du IVe Concile de Tolède incorpore deux textes vétérotestamentaires qui parlent des rois comme de christs – d’oints du Seigneur. L’onction fut, effectivement, le rite religieux capable de conférer la sacralité à la personne du monarque.
Ainsi, un siècle avant que Pépin le Bref, le premier roi franc dépourvu du charisme du sang mérovingien, ne se fasse conférer l’onction, et que ses fils Carloman et Charles la reçoivent avec lui, l’Espagne wisigothique, devenue constitutionnellement une monarchie élective, institua en pratique l’onction de ses rois, dépourvus de la légitimité du sang.
Michel Rouche ouvre le nouveau cycle "Les grandes voix" avec une conférence intitulée "Violence et structures archaïques du Haut Moyen Âge : perspectives girardiennes".