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Citations sur Cahiers Georges Perec, n°2 : W ou Le souvenir d'enfance (84)

Au bout de ses six mois de Quarantaine, le nouvel arrivant est officiellement déclaré novice. Cette nomination est l'occasion de deux manifestations. La première est une cérémonie d'intronisation qui se déroule sur le Stade central, en présence de tous les Athlètes : on enlève aux jeunes leurs menottes, leurs fers et leurs boulets et on leur remet un insigne de leur nouvelle fonction : un large triangle d'étoffe blanche qu'ils cousent, pointe en haut, sur le dos de leur survêtement.
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Comment expliquer que ce qu'il découvre n'est pas quelque chose d'épouvantable, n'est pas un cauchemar, n'est pas quelque chose dont il va se réveiller brusquement, quelque chose qu'il va chasser de son esprit, comment expliquer que c'est cela la vie, la vie réelle, que c'est cela qu'il y aura tous les jours, que c'est cela qui existe et rien d'autre, qu'il est inutile de croire que quelque chose d'autre existe, de faire semblant de croire à autre chose, que ce n'est même pas la peine d'essayer de déguiser cela, d'essayer de l'affubler, que ce n'est même pas la peine de faire semblant de croire à quelque chose qu'il y aurait derrière cela, ou au-dessous, ou au-dessus. Il y a cela et c'est tout. Il y a les compétitions tous les jours, les Victoires et les défaites. Il faut se battre pour vivre. Il n'y a pas d'autre choix. Il n'existe aucune alternative. Il n'est pas possible de se boucher les yeux, il n'est pas possible de refuser. Il n'y a ni recours, ni pitié ni salut à attendre de personne. Il n'y a même pas à espérer que le temps arrangera cela. Il y a cela, il y a ce qu'il a vu, et parfois ce sera moins terrible que ce qu’il a vu, et parfois ce sera beaucoup plus terrible que ce qu'il a vu. Mais où qu'il tourne les yeux, c'est cela qu'il verra et rien d'autre et c'est cela seul qui sera vrai.
Mais même (...) les vétérans gâteux (...) croient encore qu'il y a autre chose, que le ciel peut être plus bleu, la soupe meilleure, la Loi moins dure, croient que le mérite sera récompensé, croient que la victoire leur sourira et qu'elle sera belle.
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J’ai oublié les raisons qui, à douze ans, m’ont fait choisir la terre de feu pour y installer W : les fascistes de Pinochet se sont chargés de donner à mon fantasme une ultime résonnance : plusieurs îlots de la Terre de Feu sont aujourd’hui des camps de déportation. [Livre écrit entre 1970 et 1974] (p.222)
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Pour E
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Je relis les livres que j'aime et j'aime les livres que je relis, et chaque fois avec la même jouissance, que je relise vingt pages, trois chapitres ou le livre entier : celle d'une complicité, d'une connivence, ou plus encore, au-delà, celle d'une parenté enfin retrouvée.  (p.195)
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J'écris : j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps ; j'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l'écriture : leur souvenir est mort à l'écriture ; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie.
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Cette brume insensée où s’agitent des ombres,
- Est-ce donc là mon avenir ?

Raymond Queneau
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J’ai longtemps hésité avant d’entreprendre le récit de mon voyage à W.
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Je ne sais où se sont brisés les fils qui me rattachent à mon enfance. Comme tout le monde, ou presque, j'ai eu un père et une mère, un pot, un lit-cage, un hochet, et plus tard une bicyclette que, paraît-il, je n'enfourchais jamais sans pousser des hurlements de terreur à la seule idée qu'on allait vouloir relever ou même enlever les deux petites roues adjacentes qui m'assuraient ma stabilité. Comme tout le monde, j'ai tout oublié de mes premières années d'existence.
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C'est cela que je dis, c'est cela que j'écris et c'est cela seulement qui se trouve dans les mots que je trace, et dans les lignes que ces mots dessinent, et dans les blancs que laisse apparaître l'intervalle entre ces lignes : j'aurai beau traquer mes lapsus (par exemple, j'avais écrit «j'ai commis», au lieu de «j'ai fait», à propos des fautes de transcription dans le nom de ma mère), ou rêvasser pendant deux heures sur la longueur de la capote de mon papa, ou chercher dans mes phrases, pour évidemment les trouver aussitôt, les résonances mignonnes de l'Œdipe ou de la castration, je ne retrouverai jamais, dans mon ressassement même, que l'ultime reflet d'une parole absente à l'écriture, le scandale de leur silence et de mon silence : je n'écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n'ai rien à dire. J'écris : j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps ; j'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l'écriture : leur souvenir est mort à l'écriture ; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie.
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