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Citations sur Poèmes d'Alvaro de Campos (16)

Passage des heures


25 mai 1916

Extrait 16

Rage, écume, l’immensité qui ne tient pas dans mon mouchoir,
la chienne qui hurle la nuit,
la mare de la métairie qui hante mon insomnie,
le bois comme il était le soir, quand nous nous y promenions, la rose,
la broussaille indifférente, la mousse, les pins,
la rage de ne pas contenir tout cela, de ne pas suspendre tout cela
ô faim abstraite des chose, rut impuissant des minutes qui passent
orgie intellectuelle de sentir la vie !

Tout obtenir par suffisance divine –
les veilles, les consentements, les avis,
les choses belles de la vie –
le talent, la vertu, l’impunité,
la tendance à reconduire les autres chez eux,
la situation de passager,
la commodité d’embarquer tôt pour trouver une place,
et toujours il manque quelque chose, un verre, une brise, une
phrase, et la vie fait d’autant plus mal qu’on a plus de plaisir
  et qu’on invente d’avantage.
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Passage des heures


25 mai 1916

Extrait 10

Toi, dont la venue est si douce qu’elle paraît un éloignement,
dont le flux et le reflux des ténèbres, quand la lune respire
  doucement,
ont des vagues de tendresse morte, un froid de mers de songe,
des brises de paysages irréels pour l’excès de notre angoisse…
Toi, et ta pâleur, toi, plaintive, toi, toute liquidité,
arôme de mort parmi les fleurs, haleine de fièvre sur les bords,
toi, reine, toi, châtelaine, toi, femme pâle, viens…
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Passage des heures


25 mai 1916

Extrait 5

On a chassé le bouffon du palais à coups de fouets, sans raison,
on a fait lever le mendiant de la marche où il était tombé.
On a battu l’enfant abandonné, on lui a arraché le pain des mains.
Oh, douleur immense du monde, où l’action se dérobe…
Si décadent, si décadent, si décadent…
Je ne suis bien que lorsque j’entends de la musique – et encore…
Jardins du dix-huitième siècle avant 89
où êtes-vous, moi qui n’importe comment voudrais pleurer ?
Tel un baume qui ne réconforte que par l’idée que c’est un baume,
Le soir d’aujourd’hui et de tous les jours, peu à peu, monotone,
  tombe.
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Passage des heures


25 mai 1916

Extrait 15

(Celle dont le sourire suggère la paix que je n’ai pas
et don la façon de baisser les yeux fait un paysage de
Hollande avec les femmes coiffées de lin
et tout l’effort quotidien d’un peuple pacifique et propre…
Celle qui est la bague laissée sur la commode
et la faveur coincée en refermant le tiroir,
faveur rose, ce n’est pas la couleur que j’aime, mais la faveur
  coincée
tout de même que je n’aime pas la vie, mais c’est la sentir
  que j’aime…

Dormir ainsi qu’un chien errant sur la route, au soleil,
définitivement étranger au restant de l’univers,
et que les voitures me passent sur le corps.)

J’ai couché avec tous les sentiments,
j’ai été souteneur de toutes les émotions,
tous les hasards des sensations m’ont payé à boire,
j’ai fait de l’œil à toutes les raisons d’agir,
j’ai été la main dans la main avec toutes les velléités de
départ, fièvre immense des heures !
Angoisse de la forge des émotions !
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Passage des heures


25 mai 1916

Extrait 13

Ma bouche a reçu les baisers de toutes les rencontres,
dans mon cœur se sont agités les mouchoirs de tous
les adieux, tous les appels obscènes du geste et des
regards me fouillent tout le corps avec leur centre
  dans les organes sexuels
J’ai été tous les ascètes, tous les parias, tous les oubliés
et tous les pédérastes – absolument tous (il n’en manquait
pas un) rendez-vous noir et vermeil dans les bas-fonds
  infernaux de mon âme !
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Passage des heures


25 mai 1916

Extrait 9

Pour cette raison sois-moi maternelle, ô nuit tranquille…
Toi qui ravis le monde au monde, toi qui est la paix,
toi qui n’existes pas, qui n’est que l’absence de la lumière,
toi qui n’est pas une chose, un lieu, une essence, une vie,
Pénélope à la toile, demain défaite, de ton obscurité,
Circé irréelle des fébriles, des angoissés sans cause,
viens à moi, ô nuit, tends-moi les mains,
et sur mon front, ô nuit, sois fraîcheur et soulagement.
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Passage des heures


25 mai 1916

Extrait 7

Viens, ô nuit, apaise-moi, et noie mon être en tes eaux.
Affectueuse de l’Au-Delà, maîtresse du deuil infini,
Mère suave et antique des émotions non démonstratives,
sœur aînée, vierge et triste aux pensées décousues,
fiancée dans l’éternelle attente de nos desseins inachevés,
avec la direction constamment abandonnée de notre destin,
notre incertitude païenne et sans joie,
notre faiblesse chrétienne sans foi,
notre bouddhisme inerte, sans amour pour les choses
  et sans extases,
notre fièvre, notre pâleur, notre impatience de faibles,
notre vie, ô mère, notre vie perdue…
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Passage des heures


25 mai 1916

Extrait 3

La vie me donne-t-elle trop ou bien trop peu ?
Je ne sais si je sens trop ou bien trop peu, je ne sais
s’il me manque un scrupule spirituel, un point d’appui sur
  l’intelligence, une consanguinité avec le mystère des choses,
  un choc à tous les contacts, du sang sous les coups, un
  ébranlement sous l’effet des bruits,
ou bien s’il est à cela une autre explication plus commode
  et plus heureuse.
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Passage des heures


25 mai 1916

Extrait 1

Je porte dans mon cœur
comme dans un coffre impossible à fermer tant il
  est plein,
tous les lieux que j’ai hantés,
tous les ports où j’ai abordé,
tous les paysages que j’ai vus par des fenêtres ou
  des hublots,
ou des dunettes, en rêvant,
et tout cela, qui n’est pas peu, est infime au regard de
  mon désir.

L’entrée de Singapour, au petit jour, de couleur verte,
le corail des Maldives dans la touffeur de la traversée,
Macao à une heure du matin… Tout à coup je m’éveille…
Yat-lô-lô- lô-lô - lô-lô- lô…Ghi …
Et tout cela résonne en moi du fond d’une autre réalité…
L’allure nord-africaine quasiment de Zanzibar au soleil…
Dar es-Salam (la sortie est difficile…)
Majunga, Nossi-Bé, Madagascar et ses verdures…
Tempêtes à l’entour de Guardafui…
Et le cap de Bonne-Espérance, net dans le soleil du matin…
Et la ville du Cap avec la Montagne de la Table au fond…
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A la lumière douloureuse des grandes lampes électriques de l'usine, j'ai la fièvre et j'écris.
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