Joueuse

Des jours de jeu, de traques, de non-dits, de bluffs, de séduction, de préliminaires. Ils ne sont pas excités, ils sont explosifs. Sa main pétée le lance, ses plaies rouvertes le laminent, chaque baiser lui défonce le nez, pourtant Zack vibre comme jamais. Maxine, elle, fait l’amour comme une noyée repêchée reprend sa respiration.

Lorsqu’il entre en elle, c’est avec la plus grande délicatesse. Et pour une fois, aussi loin qu’elle puisse s’en souvenir, elle ne ressent pas la pénétra tion comme une invasion, ou pis, un déchirement. Elle ne crie pas. Elle a mal mais la voix de Zack l’aide à rester à la surface. Il lui susurre des mots qu’elle n’entend pas, mais leur douceur la rassure. Elle s’y accroche.

Zack a pour habitude le sexe à la dure, sans ménagements. Des échanges de râles et de semence, rien de plus. La sensualité, il l’a souvent niée. Pas assez rude, pas assez rugueuse. Il préférait pilonner. Un aller-retour sans partage et sans saveur, comme un shoot de speed suivi de la descente qui assomme.

Elle ne les connaît guère, ces deux énergumènes, elle ne sait rien d’eux, pourtant, elle a la certitude qu’elle peut leur confier cette tâche. Si vitale soit-elle. Un service qu’elle ne pourrait attendre d’un ami, même de confiance. De toute façon, elle n’en a pas. Mais ces deux-là, avec ce qu’ils viennent de vivre ensemble, elle sait qu’elle peut compter sur leur loyauté. Ses beaux yeux en amande en débordent de reconnaissance.
« Ah, ces yeux ! »

Le sourire charmant de Zack désamorce sa tension. Pas besoin de baratin. Il y a des moments dans la nuit où, loin des jugements de la ville endormie, un simple regard, s’il est explicite, peut en dire assez pour que deux inconnus acceptent de se suivre le temps d’une parenthèse. Ou d’une partie de baise. Il a écarté les mains audessus des épaules pour signifier qu’il n’empiétera pas. Son regard pénétrant développe d’un sousentendu « Sauf si tu m’y autorises ». La fille sur laquelle il a jeté son dévolu dégage une belle sensualité et, malgré la déconfiture de sa soirée, une prestance certaine.

La séduction est un jeu. Comme au poker, il faut en maîtriser les règles pour se donner des chances de conclure. La première : choisir le lieu propice et le bon timing qui rendra l’adversaire moins combatif.

À force de décortiquer ses adversaires, il a développé des dons, il les devine. Un vrai mentaliste. Et cette Maxine,sous ses airs de guerrière badass, cache une fêlure abyssale, Zack en mettrait sa main gagnante à couper. Ça ne s’explique pas, c’est une intuition. Et jusqu’à ce jour, son intuition ne l’a jamais trompé. Il en a fait son métier. Elle lui a même sauvé la vie plus d’une fois.

Tout stratège cherche à décrypter les trucs et astuces de son adversaire, mais si la personne en face s’avère bonne pour la camisole de force, la faculté d’analyse, aussi acérée soitelle, se brouille. Conséquence, l’inquiétude s’installe, la confiance s’érode et l’attaquant perd ses moyens.

Baloo s’est révélé être un élève attentif et doué. Il a développé un talent aiguisé pour les cartes. De cette alliance est née une solide amitié, en sus d’une équipe d’arnaqueurs redoutable. Ils ont initié des jeux monnayés en billes, puis en argent de poche, avant de faire leurs armes dans le domaine professionnel où ils ont élaboré des numéros de comédie très au point.

Le meilleur antidépresseur qui soit. Plus efficace qu’un fix d’héroïne. La came, très peu pour lui, il déteste perdre le contrôle. Plutôt que de se défoncer, il défonce des crevures qui polluent les trottoirs. Procédé un rien barbare, certes, mais il l’a préservé de se foutre en l’air plus d’un soir de déprime. On est en droit d’en contester la moralité, mais le résultat joue en faveur de sa démarche. Il a sauvé la mise de dizaines de demoiselles en détresse, évitant par la même occasion de succomber à ses velléités suicidaires. C’est gagnant-gagnant.