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Critique de Little_stranger


Le Paris de l'entre deux guerres : celui d'Hemingway, de Fitzgerald, de Picasso, des dada, du surréalisme (Marcel Duchamp), une période foisonnante pour la création comme un feu d'artifice avant la catastrophe de la seconde guerre mondiale et l'arrivée de "l'art propre" d'Adolf Hitler (le contraire de l'art dégénéré), lui même peintre refoulé de l'académie des beaux arts de Vienne.
Et dans ce Paris, palpitant, une rencontre celle d'Ady Fidelin et du peintre/photographe et que sais-je d'autre, Man Ray. de Man Ray, je connaissais un certain nombre de choses, sa biographie et notamment ses relations avec Kiki de Montparnasse, pétillante chanteuse réaliste (je recommande le livre de Katel/Bocquet chez Casterman), Lee Miller, muse, devenue photographe ... J'avais eu l'occasion de repérer aussi sur les photographies, deux jeunes femmes dont Nusch Eluard, compagne du poète, Paul Eluard et une autre sur laquelle je ne m'étais pas attardée. Toutes les deux semblaient heureuses, libres (oser être seins nus dans les années 20/30, il fallait oser). Ce livre vient donc à point nommé éclairer ma lanterne sur l'autre jeune femme : Adrienne dite Ady Fidelin. J'y ai découvert une jeune femme métisse (les photos sont en noir en blanc) et sincèrement, il a fallu que je le lise dans ce livre pour en prendre conscience, même si ce fait ne change rien pour moi, mais tout pour Adrienne.
C'est la femme âgée qui se souvient de sa rencontre avec Man Ray, elle approche les 70 ans. Man Ray, l'américain, elle l'a rencontré en novembre 34 dans un bal. Ady est arrivée en métropole vers 15 ans, après le décès de sa mère Mathilde, dans le passage du cyclone qui ravagea la Guadeloupe le 12 septembre 1928 et celui de son père, Maxime, le 9 novembre 1930, qui travaillait dans une banque, de désespoir. Ady vit donc chez sa soeur Raymonde et son mari, Narcisse, elle est dans un premier temps proche de ses autres soeurs (Aimée, Rose) également et son petit frère (né d'une liaison de son père avec une autre femme que son épouse). La famille Fidelin était aisée en Guadeloupe : la jeune femme a reçu une éducation très honorable et a vécu dans un milieu cultivé.
Adrienne se souvient de son lien avec Nusch, des étés à Mougins avec Dora Maar et Picasso, Lee Miller et son futur mari, Roland Penrose, Léonora Carrington, de cette liberté et de cette sensation d'être au milieu des artistes juste elle même, pas une femme métisse, une femme noire.
Il me semble important de dire que ce roman est une plongée dans le contexte d'être noir à l'époque et de la lutte pour une égalité entre tous : colonisation, esclavage, apartheid, négritude, ségrégation, décolonisation, indépendance, Harlem Renaissance sont abordés de façon frontale et les mots employés peuvent désarçonner, mais sont nécessaires pour mieux appréhender l'histoire des noirs et l'histoire d'Adrienne, qui le dit fort joliment "je suis moi". Adrienne trouve dans l'art, la danse et son amour pour Man Ray, une forme de combat, de résistance. Man Ray quitte l'Europe le 6 août 1940, avant que ne soient instauré les lois nazies et la collaboration du régime de Vichy. Adrienne va rester en France, elle n'a pas souhaité accompagner Man : elle veut rester près de sa famille.
La vie sera très dure : Ady verra partir bien des gens qu'elle aime. Elle survivra, se mariera avec André en 1958 à Paris et sera soutenue par la famille de son époux qui vit près d'Albi, car sa propre famille lui reprochera de ne pas être assez engagée dans le combat pour les droits civiques. Man Ray reviendra en France dès la fin de la guerre et remerciera de bien des façons Ady d'avoir gardé ses oeuvres à l'abri.
J'ai beaucoup aimé ce livre et Adrienne, qui veut juste être elle même : une fille qui danse, a aimé et fut aimée de Man Ray. Sa grâce comme celle des muses de l'artiste, vit encore dans les photos, bien après sa mort. Adrienne Fidely n'était pas Joséphine Baker qui s'engagea dans la Résistance et fut une femme comme on en voit peu, dans un monde en guerre, dans une France qui fut "colonisée" par les nazis, comme un étrange choc en retour d'autres colonisations qu'elle avait enclenché mais Ady fut une des lumières qu'il convient de regarder et dont il convient demesurer la foi qu'elle avait en elle-même, pour conserver son souvenir et le diffuser.
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