Dans ces conditions, pour introduire un quatrain tout entier dans l'oeuvre il est indispensable que chacun de ses vers possède toutes les qualités requises, sans en excepter une seule. On ne peut donc fabriquer aisément du Nostradamus.
Or, il y a eu un interpolateur. C'est celui qui a inventé le quatrain placé immédiatement à la suite de la Centurie X et qu'a reproduit l'éditeur d'Amsterdam en 1668 - en le faisant précéder d'ailleurs de la mention « ajouté après l'impression de 1558 )).\Ce quatrain, dont les vers, se suivent avec une touchante ingénuité, est visiblement écrit pour flatter Louis XIV, suivant la coutume du Grand Siècle. Outre qu'il n'est pas écrit dans la manière de l'auteur et qu'il est établi en dehors de sa règle cryptographique, il ne porte aucun numéro d'ordre. On dirait que l'interpolateur n'a pas pu le numéroter, ne sachant où le placer : puisque toutes les Centuries ont cent quatrains, il fallait nécessairement en faire sauter un pour insérer l'interpolation sous quelque numéro.
Nostradamus a raison de dire que son oeuvre est un « monstre sans pareil » (monstrum, en latin, signifiant à proprement parler une chose qui sort de l'ordinaire) : c'est absolument inimaginable à première vue que le cerveau d'un homme ait pu l'enfanter. Ceux qui Font étudiée — ne serait-ce que superficiellement — ont supposé qu'elle était le produit de facultés extra ou supra-humaines dont la moindre serait une « voyance » peu ordinaire; la vérité est plus simple : des documents anciens ont servi à l'établir — Fauteur le dit journellement dans la Lettre à son fils César — et une surprenante et malicieuse ingéniosité a fait le reste.