Lire, c'est avoir de l'esprit jusqu'au bout des doigts.
Mais pardon, j'oubliais un troisième ennemi : une certaine catégorie de parents. On les reconnaît à leurs enfants, qui ont appris à marcher il n'y a pas si longtemps, ne maîtrisent pas parfaitement le langage, mais manipulent le smartphone de papa ou maman avec, déjà, une dextérité incroyable. Dans le métro ou au restaurant, je constate qu'ils sont de plus en plus nombreux, et de plus en plus jeunes. C'est sûr : ces parents-là doivent avoir une paix royale. Un livre leur demanderait plus d'attention qu'un portable. Il leur faudrait expliquer certains mots, répondre aux questions, raconter l'histoire, souvent des dizaines et des dizaines de fois. Cela en vaudrait pourtant la peine, les premières lectures ayant deux vertus essentielles : elles sont une merveilleuse porte d'entrée à notre monde et tissent un lien unique entre les parents et l'enfant.
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Lire n'est pas se retirer du monde, c'est entrer dans le monde par d'autres portes.
Je suis le Petit Poucet qui pose des livres sur sa route pour (re)trouver son chemin.
Lire, c'est prendre le risque de se remettre en cause.
Reste qu'aujourd'hui il est de plus en plus difficile de se fournir en solitude et en silence dans un monde hyperconnecté et bruyant. Les lecteurs apparaissent comme des types bizarres, un peu misanthropes, en marge, qui appartiennent encore au vieux monde du livre. Ce sont presque des dissidents.
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Mieux vaut vivre de temps en temps par procuration les aventures romanesques de personnages réels ou imaginaires que de ruminer dans son fauteuil sur le morne train-train de l'existence ou de regarder d'audimateuses émissions de télévision.
(page 24)
Lire des romans, c'est prendre des nouvelles des autres.
Lire, c'est avant tout un dialogue de soi avec soi.
Enfin, la lecture est l'une des dernières activités humaines - avec, entre autres, la conversation et l'amour - où il n'y a nulle nécessité de retenir des codes, d'appuyer sur des touches, de consulter des écrans.
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