Ce ne fut qu’après la tombée de la nuit que nous eûmes le courage de nous lever et de jeter le cadavre par-dessus bord. Il était alors hideux au delà de toute expression, et dans un tel état de décomposition, que Peters ayant essayé de le soulever, une jambe entière lui resta dans la main. Quand cette masse putréfiée glissa dans la mer par-dessus le mur du navire, nous découvrîmes, à la clarté phosphorique dont elle était pour ainsi dire enveloppée, sept ou huit requins, dont les affreuses dents rendirent, pendant qu’ils se partageaient leur proie par lambeaux, un craquement sinistre qui aurait pu être entendu à la distance d’un mile. À ce bruit funèbre, nous fûmes pénétrés d’horreur jusqu’au plus profond de notre être.
Oublierai-je jamais la triple horreur de ce spectacle ? Vingt-cinq ou trente corps humains, parmi lesquels quelques femmes, gisaient disséminés çà et là, entre l'arrière et la cuisine, dans le dernier et le plus dégoûtant état de putréfaction ! Nous vimes clairement qu'il n'y avait pas une âme vivante sur ce bateau maudit ! Cependant, nous ne pouvions pas nous empêcher d'appeler ces morts à notre secours ! Oui, dans l'agonie du moment, nous avons longtemps et fortement prié ces silencieuses et dégoûtantes images de s'arrêter pour nous, de ne pas nous laisser devenir semblables à elles, et de vouloir bien nous recevoir dans leur gracieuse compagnie ! L'horreur et le désespoir nous faisaient extravaguer, l'angoisse et la déception nous avaient rendus absolument fous.
Lorsque enfin je me contemplai dans un fragment de miroir qui était pendu dans le poste, à la lueur obscure d'une espèce de fanal de combat, ma physionomie et le ressouvenir de l'épouvantable réalité que je représentais me pénétrèrent d'un vague effroi, si bien que je fus pris d'un violent tremblement, et que je pus à peine rassembler l'énergie nécessaire pour continuer mon rôle.
Ce ne fut qu’après la tombée de la nuit que nous eûmes le courage de nous lever et de jeter le cadavre par-dessus bord. Il était alors hideux au delà de toute expression, et dans un tel état de décomposition, que Peters ayant essayé de le soulever, une jambe entière lui resta dans la main. Quand cette masse putréfiée glissa dans la mer par-dessus le mur du navire, nous découvrîmes, à la clarté phosphorique dont elle était pour ainsi dire enveloppée, sept ou huit requins, dont les affreuses dents rendirent, pendant qu’ils se partageaient leur proie par lambeaux, un craquement sinistre qui aurait pu être entendu à la distance d’un mille. À ce bruit funèbre, nous fûmes pénétrés d’horreur jusqu’au plus profond de notre être.
« J'ai gravé cela dans la roche, et ma vengeance est écrite dans la poussière du rocher. »
D’après la couleur safranée de quelques-uns des cadavres qui n’étaient pas tout à fait décomposés, nous dûmes conclure que tout le monde à bord était mort de la fièvre jaune ou de quelque autre violent fléau d’espèce analogue.
On peut, sans exagération, affirmer que la moitié des cas où des navires ont coulé bas par de gros temps peut-être attribuée à un dérangement dans la cargaison ou dans le lest.
Mon nom est Arthur Gordon Pym. Mon père était un respectable commerçant dans les fournitures de la marine, à Nantucket, où je suis né. Mon aïeul maternel était attorney, avec une belle clientèle. Il avait de la chance en toutes choses, et il fit plusieurs spéculations très-heureuses sur les fonds de l'Edgarton New Bank, lors de sa création. Par ces moyens et par d'autres, il réussit à se faire une fortune assez passable. Il avait plus d'affection pour moi, je crois, que pour toute autre personne au monde, et j'avais lieu d'espérer la plus grosse part de cette fortune à sa mort. Il m'envoya, à l'âge de six ans, à l'école du vieux M. Ricketts, brave gentleman qui n'avait qu'un bras, et de manières assez excentriques ; -il est bien connu de presque toutes les personnes qui ont visité New-Bedford. Je restai à son école jusqu'à l'âge de seize ans, et je la quittai alors pour l'académie de M.E. Ronald, sur la montagne. Là je me liai intimement avec le fils de M.Barnard, capitaine de navire, qui voyageait ordinairement pour la maison Lloyd et Vredenburg ; - M.Barnard est bien connu aussi à New-Bedford, et il a , j'en suis sûr, plusieurs parents à Edgarton. Son fils s'appelait Auguste, et il était plus âgé que moi de deux ans à peu près. Il avait fait un voyage avec son père sur le baleinier le John-Donaldson, et il me parlait sans cesse de ses aventures dans l'océan Pacifique du Sud ..
J'ai gravé cela dans la montagne, et ma vengeance est écrite dans la poussière du rocher.
La température de la mer semblait s’accroître à chaque instant, et il y avait dans sa couleur une très-sensible altération.