Là d’où je viens a disparu

La maison que je loue est petite, il y a une pièce à vivre et deux chambres, ce qui permet à Eva et Luis d'avoir un peu d'intimité, mais les murs sont minces et les pleurs d'Angela emplissent tout l'espace, on ne peut pas vraiment les isoler.

En m'attaquant aux vitres, je me perds sur l'un des étangs du golf. La vue est splendide. Le paysage se reflète dans les nappes irisées de l'eau stagnante, calme, épaisse. Ils ne sont pas sécurisés, ces étangs,n'importe quel enfant peut approcher. Plonger, nager.
Couler.
Zach sait nager, je me répète, calme-toi, Zach sait nager, il ne lui arrivera rien, Dieu se souviendra de lui.

"Chaque étape de leur croissance m'a semblé la plus belle, la plus émouvante et ça continue, indéfinement. Je retrouve tout un temps qui a passé. Comme si on me donnait une deuxième vie.C'est grisant. Peut-être que Fabio aussi est père - chasser la pensée de Fabio, contempler Alexandra gigotant et bavant sur Cendrillon, écouter son doux babil."

Pendant longtemps j'ai accepté d'être une étrangère, d'être à la merci des réguliers, des légaux, des gens autorisés, je me disais que je n'avais aucun droit et que jusqu'à ma mort je devrais être reconnaissante pour l'accueil, pour le travail, pour la vie. Mais c'est toi qui as raison: c'est le hasard qui nous détermine. Ma naissance, je ne l'ai pas méritée. Alors, maudit soit ce pays ainsi que tous les autres....
Sarah Somerville, NJ, Etats-Unis.

Est-ce qu'il faut se battre éternellement avec un enfant pour qu'il consente à obéir? J'ai l'impression de répéter mille choses chaque jour, les mêmes recommandations, en boucle, l'impression d'être une harpie qui harcèle son fils pour qu'il mette le couvert, qu'il range sa chambre, je passe la journée à japper, je sens que je me raidis, qu'à l'intérieur de moi quelque chose se dessèche. Quand je regarde dans la glace, je me trouve laide.

Même hypocrisie que certains amis virtuels qui se servent des réseaux sociaux non pas pour énoncer leur point de vue mais pour célébrer leur personne, croyant que leur stratégie m'échappe, qu'elle ne saute pas à mes yeux de cynique mal léché, moi qui passe d'ailleurs un nombre incalculable d'heures sur ces mêmes réseaux, jouissant de ce que je condamne, abreuvant ma misanthropie à l'intarissable source de cette curiosité piteuse et cafardeuse, faisant défiler les publications et photos des autres comme si je traquais les manifestations outrancières de leur narcissisme.

cette inertie qui s'empare de moi quand je considère tout ce que les autres ont l'air d'accomplir, de réussir. Toute l'épaisseur vibrante de leurs journées qui semblent, quelles que soient les saisons, être dignes de mémoire quand la plupart de mes semaines ne méritent que l'oubli.

Plus question de rejoindre Tante Sahra aux Etats-Unis. Les décrets sont comme les orages, il n'y a nulle part où se réfugier, ni sous un arbre, ni en plein champ, j'attendrai que le vent tourne pour la retrouver.Mais j'attendrai ailleurs qu'ici.

Ne rigole pas, dans dix ans, quand tu auras mon âge, tu observeras ton corps se disloquer, sans bruit, un mouvement difficile et puis un autre, tu te demanderas où sont les belles années, pourquoi soudain tu es fragile comme l'un de ces porcelaines chinoises dans le hall.

Chantal a placardé sur les murs du local de l'association un poème déniché sur Mediapart. Une poétesse de Somalie.

Personne ne quitte sa maison à moins
Que sa maison ne soit devenue la gueule d'un requin

Mais c'était quand, la famine en Somalie? Hélène avait dû faire un don pour envoyer du riz là-bas.

Personne ne pousse ses enfants sur un bateau
A moins que l'eau ne soit plus sûre que la terre ferme

immigrés, migrants. Des réfugiés. Je ne sais jamais ce qu'il faut dire. Des étrangers qui viennent, quoi.