Elle avait décidé de reprendre une activité physique pour redonner à son corps, non sa plasticité, mais au moins sa tonicité. Ce n’est pas le regard des hommes, mais bien le miroir de sa salle de bains qui avait fait entrer Eva dans la catégorie « femme mûre ». Elle voyait, mois après mois, l’acidité du temps creuser des sillons dans sa peau et altérer la chair de la belle femme qu’elle était encore. Elle savait qu’elle plaisait toujours aux hommes. Surtout à ceux qui avaient dix ans de plus qu’elle.
Depuis son divorce, elle mesurait à quel point elle avait chèrement payé sa liberté. Mais elle ne regrettait rien. Elle avançait dans la vie comme une somnambule, sans voir les jours défiler. Elle avait abandonné une vie matérielle confortable pour une procession routinière, faite de petits pas, où l’essentiel de son salaire passait en loyer, courses et activités des enfants. Elle aurait tout donné pour son fils et sa fille. Ils occupaient une grande partie de ses pensées et de son temps libre.
« Elles s’accrochent toujours ces maudites rides ! ». Elle surveillait en particulier celle qui remontait en biais sur son menton et qui, malgré l’application régulière de diverses crèmes, semblait s’approfondir inexorablement. Quant aux sillons concentriques qui creusaient la peau de ses joues quand elle souriait, elle en avait pris son parti. Elle se consolait en se rappelant les paroles de sa mère : « même entre parenthèses, ton sourire sera toujours magnifique, ma fille ! »
Elle éprouvait un sentiment ancien mais irrépressible, dont elle avait perdu la trace à la fin de l’adolescence. Un feu qui peut vous faire bouillir le sang. Oui, c’était bien lui. Il avait couvé sous la cendre pendant des années, sans jamais s’éteindre.
Ah, que les braises de l’imprévu enflamment sa vie et ouvrent une brèche vers l’inconnu !
Si j’étais cynique, je dirais que la philanthropie est l’art de faire parler de soi, en faisant aux autres le bien qu’ils ne peuvent se payer.