Mais à quoi bon ces preuves de l'ardeur au travail de nos jeunes gens et de l'enthousiasme de leur ami l'abbé, elles sont inutiles. Les vrais témoignages sont ces sanguines si librement traitées, que Ion attribuerait presque indifféremment à Robert ou à Fragonard, les lavis de bistre et de sépia reproduisant les divers aspects de la villa d'Este, eaux limpides, cyprès séculaires, escaliers en perspective, tous ces dessins crayonnés en courant la campagne aux environs de Tivoli, dont l'abbé de Saint-Non nous a conservé la Heur dans ses piquantes eaux-fortes qui retracent l'un des coins les plus heureusement arrangés, pour le plaisir des yeux, de toute l'Italie.
Illustrateur de livres hors pair, plus particulièrement des Contes lie La Fontaine où il se montre inimitable de verve et de gaieté, il est encore miniaturiste exquis et le graveur à l'eau-forte ne le cède chez lui ni au peintre ni au dessinateur. C'est donc une personnalité artistique très complexe et qui méritait une étude détaillée. Le succès toujours croissant de ses ouvrages, venge bien du reste Fragonard des dédains de l'École de David et de la réaction qui suivit.
Dans le seul domaine des Arts, combien d'artistes, peintres, sculpteurs, musiciens, graveurs même, ont laissé des œuvres pétries de ce goût que l'on pourrait appeler national, et quel temps plus fécond que le XVIIIe siècle, lui qui eut l'heureuse fortune de trouver à son aurore un Watteau, à son déclin un Fragonard pour le peindre! Était-il artiste mieux doué de ces qualités toutes françaises que celui qui fait l'objet de cette étude? D'autres ont eu plus de génie, Fragonard aura toujours pour son lot, l'esprit.